Mercredi 7 novembre 2007 à 09h17
ERBIL (Irak), 6 nov 2007 (AFP) — Il y a douze ans, Abdoullah quittait son petit village du Kurdistan turc pour s'engager dans les maquis du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Pas un instant, il n'aurait pu imaginer qu'il y découvrirait l'amour dans les bras d'une jeune rebelle.
"En 1994, j'étais un jeune homme vigoureux dans la fleur de l'âge. Je rêvais de la lutte engagée pour la défense de l'identité kurde", raconte Abdoullah, moustache en croc et cheveux noirs bouclés sur une peau tannée par le soleil.
"J'ai donc décidé de rejoindre les rangs du PKK", explique cet homme de 32 ans.
"Dans la montagne, avec mes frères d'armes du PKK, nous passions l'essentiel de notre temps à lire, échanger nos opinions et discuter d'un rêve que nous appelions +Kurdistan+, une voie que nous n'avons jamais regretté d'avoir choisie", se souvient-il.
"Il y a eu des moments difficiles, la guerre, les camarades tués... j'ai même été blessé".
"Et puis un jour, j'ai croisé le chemin de Zina, une jeune combattante du PKK, de cinq ans ma cadette", lâche Abdoullah, un éclair de ravissement dans les yeux.
"Nous sommes tombés amoureux. Notre passion était folle, il était impossible de cacher notre amour", dans un lieu où les relations sexuelles ou amoureuses sont pourtant strictement proscrites.
Créé en 1978, le PKK lutte pour la création d'un Etat kurde indépendant dans le Sud-Est de la Turquie. Il est considéré comme une "organisation terroriste" par Ankara, les Etats-Unis et l'Union européenne,
D'obédience marxiste-léniniste, le PKK est l'une des rares guérillas dans le monde à promouvoir la présence de combattantes dans ses rangs.
"Nous avons essayé de ne rien dire ni montrer, mais nos chefs ont vite découvert notre secret. Ils ont alors exigé que nous abandonnions la lutte armée", regrette Abdoullah. "Pas de place pour les histoires d'amour ici, ont-ils justifié".
"Nous avons dû remettre nos armes individuelles, quitter nos montagnes et ce rude mode de vie auquel nous avions pourtant pris goût".
Les deux tourtereaux se sont depuis lors mariés. Abdoullah a trouvé un travail "dans le civil", explique-t-il laconiquement, dans une localité du Kurdistan irakien (nord de l'Irak) qu'il refuse également de nommer.
"La lutte armée est finie pour nous, nous sommes désormais deux époux ordinaires qui tentent de vivre normalement et espèrent fonder rapidement une famille".
Zina est devenue une femme au foyer modèle, qui cuisine, s'occupe du ménage et "attend son impatiemment le retour de son mari", plaisante Abdoullah d'un air malicieux.
"Nous sommes des amoureux, comme partout ailleurs dans le monde. Notre histoire rappelle ces fameuses romances de la culture populaire kurde qu'on lit aux enfants dans les écoles, comme +Khajo et Siabend+, ou +Farhad et Shirine+"
En bon sympathisant du PKK qu'il est resté, Abdoullah est intarissable sur "la lutte historique du peuple kurde" et "les droits inaliénables du Kurdistan indépendant".
Face aux menaces d'incursions turques, Abdoullah, aujourd'hui un "mari heureux", se dit cependant prêt à reprendre les armes et à de nouveau revêtir le pantalon bouffant et repasser la large ceinture de toile si caractéristique des rebelles séparatistes.
"Les Etats-Unis ne laisseront pas la Turquie envahir le nord de l'Irak", affirme-t-il, en épluchant la presse du jour. "Mais si il le faut, je suis prêt à quitter ma tendre épouse et à me sacrifier pour ma patrie".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.