Jeudi 25 octobre 2007 à 10h30
ERBIL (Irak), 25 oct 2007 (AFP) — La crainte d'un conflit ouvert avec la Turquie est encore une perspective lointaine pour beaucoup de Kurdes d'Irak, mais Hochiar, l'ancien peshmerga, est tout prêt à reprendre les armes.
"Je suis prêt à reprendre du service", explique dans sa maison d'Erbil cet homme trapu et solide, qui porte allègrement une soixantaine d'années dont 25 passées dans les maquis à combattre le régime de Bagdad.
Il n'hésitera pas un seul instant à retrouver le chemin du front si les troupes turques attaquent le Kurdistan, cette région autonome du nord de l'Irak, pour déloger les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Beaucoup de ses concitoyens, qui comme lui ont entamé des vies moins belliqueuses depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, sont disposés à en faire autant: "Nous sommes tous des peshmergas", dit-il.
Selon des témoins, des groupes de pershmergas, ces combattants traditionnels enrôlés dorénavant dans les forces contrôlées par le gouvernement régional kurde, sont déjà mobilisés aux abords de la frontière avec la Turquie.
A Zakho, une ville de 180.000 habitants, la plus proche de la frontière, la perspective d'un affrontement est présent dans tous les esprits.
"Les gens ici craignent les retombées économiques pour leur ville", explique à l'AFP un journaliste de la télévision kurde Rachid Zakhoiy.
"Les Turcs nous ont déjà bombardés avec des missiles dans le passé. Cela a fait des morts, affecté les affaires, détruit des récoltes, sans toucher le PKK", poursuit Rachid Zakhoiy.
Les combattants du PKK, estimés à 3.500 par Ankara, sont terrés dans les contreforts escarpés du massif du Qandil, à l'est de Zakho, aux confins de l'Irak, de la Turquie et de l'Iran. Ils sont, au moins, tolérés par le gouvernement régional, qui ne peut ignorer les sentiments de solidarité ethnique et familiale ancrés dans la population.
Dans le même temps, les liens commerciaux avec la Turquie sont très étroits: des centaines d'entreprises turques ont pignon sur rue à Zakho, et des norias de camions font la navette entre le sud de la Turquie, et le nord de l'Irak.
"L'électricité de Zakho vient de Turquie, les produits dans les magasins sont importés de Turquie. Les habitants veulent des relations normales avec les Turcs pour de simples motifs commerciaux, pas autre chose", explique Rachid.
"Tout le monde regarde la télévision turque et les amateurs se passionnent pour le championnat turc de football, et soutiennent des équipes turques", ajoute-t-il.
Mais pour Hochiar, l'ancien peshmerga, le commerce ne peut faire oublier la politique: "Les Turcs ne changeront jamais de point de vue concernant la question kurde". "Ils ne veulent surtout pas que le processus actuel d'autonomie du Kurdistan se déroule normalement, car pour eux cela constitue un risque de contamination pour les populations kurdes de leur pays", estime-t-il.
Selon lui, Ankara prend le prétexte de la présence du PKK pour "menacer de représailles le Kurdistan". Quant au PKK, dit-il, "leur lutte n'est plus dans l'air du temps", même si, bon nombre de Kurdes sont de coeur avec eux".
Ce réalisme n'a pas entamé sa détermination. Il montre fièrement une photo accrochée sur le mur de son salon : cinq jeunes hommes, dont lui-même, dans une cache des montagnes kurdes du temps de ses combats contre Saddam Hussein.
"Trois de ces cinq peshmergas ont été arrêtés et fusillés par les services secrets irakiens. Un de mes amis et moi, nous sommes restés en vie par chance", raconte-t-il.
Hochiar a été finalement capturé et torturé par la police baassiste, mais il "n'a jamais avoué être peshmerga" et ses tortionnaires ont dû le relâcher.
Pendant ses 25 ans de maquis, il a été plusieurs fois blessé, assure-t-il, et aujourd'hui, alors qu'il pourrait profiter de la stabilité et de la prospérité du Kurdistan, il est tout disposé à remettre sa vie en jeu si sa terre est menacée.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.