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En Turquie, le processus de paix avec les Kurdes réveillé par la présidentielle


Vendredi 6 juin 2014 à 13h42

Istanbul, 6 juin 2014 (AFP) — A l'approche de l'élection présidentielle, le Premier ministre turc et très probable candidat Recep Tayyip Erdogan a brutalement ravivé le processus de paix kurde en sommeil, sous la pression de rebelles persuadés de pouvoir lui arracher des concessions.

Occultée pendant de long mois par la crise politique qui n'en finit pas de secouer Ankara, la question kurde est revenue depuis quinze jours au coeur de l'actualité turque.

Depuis bientôt deux semaines, des centaines de jeunes, notamment sous les couleurs d'un mouvement lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), bloquent une route entre Diyarbakir et Bingöl pour dénoncer la construction d'installations militaires.

De violentes échauffourées les opposent aux gendarmes, parfois avec des armes à feu, qui ont fait au moins 6 blessés dans les rangs des forces de l'ordre ces derniers jours.

Autre source de tensions, des dizaines de mères de famille campent devant la mairie de Diyarbakir, la "capitale" de la minorité kurde de Turquie, pour dénoncer "l'enlèvement" de leurs enfants par le mouvement rebelle kurde.

Le gouvernement a pris fait et cause pour ces femmes en publiant un rapport qui a chiffré à 700 les "recrutements de force" de mineurs par le PKK depuis le début 2013.

M. Erdogan est lui-même monté au créneau pour exiger leur libération. "Si le PKK ne les libère pas, nous avons un plan B et un plan C", a-t-il menacé. "Ce sont la politique et la rhétorique du Premier ministre qui incitent les enfants à rejoindre le maquis", a rétorqué le chef du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, prokurde), Selahattin Demirtas.

Le ton des échanges publics entre les deux camps s'est donc musclé mais, en même temps, les discussions entre les parties vont bon train.

Le chef historique du PKK Abdullah Öcalan a annoncé en mars 2013 depuis sa prison d'Imrali (nord-ouest de la Turquie) un cessez-le-feu unilatéral suivi, deux mois plus tard, par un début de retrait de ses combattants vers l'Irak. Mais les rebelles ont suspendu ce mouvement à l'automne suivant, arguant des promesses non tenues d'Ankara.

- Accélération -

Au ralenti depuis des mois, ce processus de paix s'est aujourd'hui accéléré.

"Nous sommes optimistes et déterminés. Nous sommes au plus près d'une solution", a déclaré vendredi le vice-Premier ministre Besir Atalay, en charge du dossier, évoquant un "nouveau plan d'action" en cours d'élaboration, sans autre détail.

Ces discussions "devraient déboucher sur des résultats", a de son côté pronostiqué la semaine dernière le député du Parti du peuple et de la démocratie (HDP), Sirri Sürreya Önder, après une rencontre avec M. Öcalan.

Le gouvernement avait concédé fin 2013 quelques avancées aux Kurdes, dont le droit d'enseigner dans leur langue dans les écoles privées. Mais les représentants de cette minorité de 15 millions de personnes les avaient jugées trop timides et répété leur souhait, entre autres, d'obtenir une large autonomie dans la République turque.

Quels qu'en soient les résultats, cette brusque agitation semble directement liée à l'échéance présidentielle d'août prochain, et pleine d'arrières-pensées.

"Les rebelles du PKK veulent arracher le plus de concessions possibles à Erdogan, qui a besoin du vote kurde pour être élu président", résume Nihat Ali Ozcan, un expert en questions de sécurité de l'institut TEPAV d'Ankara.

Un éventuel "deal" s'annonce toutefois compliqué. Car de nombreux Turcs restent hostiles au dialogue avec celui qu'ils appellent toujours le "terroriste" Öcalan.

Un de leurs porte-parole, le chef du Parti de l'action nationaliste (MHP) Devlet Bahçeli, a fermement mis en garde le gouvernement. "Qu'est-ce qu'il leur a promis ? Quel engagement a-t-il obtenu ?", a-t-il demandé, dénonçant les "faiblesses" du régime.

Selon les observateurs, M. Erdogan ne semble toutefois pas prêt à cédder aux exigences kurdes pour mettre un terme à ce conflit qui a fait 45.000 morts depuis 1984.

"Plus que chercher le soutien des électeurs kurdes, il va d'abord s'efforcer de ne pas provoquer les nationalistes", assure M. Ozcan. "Je m'attends à ce qu'il fasse quelques concessions non-stratégiques (...) qui ne satisferont pas les Kurdes mais ne susciteront pas non plus de rejet violent des nationalistes".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.