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Fuyant la violence, des Kurdes de Syrie se réfugient en Irak


Lundi 18 juin 2012 à 10h58

DOMIZ CAMP (Irak), 18 juin 2012 (AFP) — Du soldat ayant refusé de tirer sur des manifestants au civil qui a fui la violence, des milliers de Kurdes de Syrie ont traversé clandestinement ces derniers mois la frontière pour se réfugier au Kurdistan irakien.

Ils se disent satisfaits de l'accueil que leur ont réservé leurs frères kurdes en Irak, alors qu'ils affirment avoir été victimes dans leur pays de "discrimination et d'oppression".

Après la Première Guerre mondiale et l'effondrement de l'empire ottoman, les Kurdes ont été partagés entre quatre pays: la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie.

Originaire de Qamishli (nord-est de la Syrie), Abou Samir, 56 ans, a fui sa ville natale pour protéger son fils, un déserteur qui "a choisi de ne pas tuer et s'est enfui".

Entre "remettre mon fils aux autorités, qui l'auraient tué devant mes yeux, ou m'enfuir avec lui", Abou Samir explique avoir choisi cette dernière option et avoir franchi la frontière de nuit avec son épouse et ses six enfants.

"Nous sommes reconnaissants de la manière dont le Kurdistan nous a accueillis. Comme je suis Kurde, j'ai opté pour le Kurdistan (irakien) et je m'y sens bien", explique Abou Samir. "Je ne me considère ni comme un réfugié, ni comme un étranger. J'ai plutôt le sentiment d'appartenir à la même famille alors qu'en Syrie, les Kurdes sont confrontés au racisme".

Dans la province de Dohouk, le camp Domiz, formé de tentes poussiéreuses posée sur des carrés de ciment, accueille environ 1.500 Kurdes syriens, selon Claire Bourgeois, représentante en Irak du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).

Mais, elle affirme que leur nombre devrait grossir, le gouvernement autonome du Kurdistan irakien voulant y regrouper tous les réfugiés syriens disséminés sur son territoire.

Selon l'ONU, environ 86.400 Syriens ont fui les violences dans leur pays, dont 5.400 ont choisi l'Irak.

Les autorités kurdes fournissent au camp électricité, nourriture et eau alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) doit commencer le mois prochain la distribution de rations alimentaires, assure Mme Bourgeois.

Même si les conditions ne sont pas idéales, certaines parties du camp étant recouvertes d'ordures, un terrain de jeu avec des bascules, des balançoires, et des toboggans a été aménagé pour les enfants, il est également prévu d'ériger une école.

Sergent dans l'armée syrienne, Jamal, qui refuse de révéler son patronyme, était stationné à Hama, un haut lieu de la contestation anti-régime dans le centre de la Syrie.

"Nous avions l'ordre de tirer sur les manifestants et quiconque refusait était aussitôt exécuté ou disparaissait en prison", confie-t-il. Il a donc décidé de ne pas retourner en avril à Hama et est reparti dans son village, Malkiya, près de la frontière avec le Kurdistan irakien.

Le voyage a été "effrayant", raconte-t-il, et pour passer les nombreux points de contrôle, il a prétendu que ses parents étaient malades. Un contrebandier a réussi à le faire passer avec neuf autres fugitifs au Kurdistan irakien.

"Je n'avais ni l'esprit, ni le coeur, à tuer mes frères. Je suis incapable d'abattre une femme ou un vieillard. Cela m'était insupportable c'est pour cela que je suis venu ici", explique-t-il.

"Les conditions sont bonnes ici et je resterai jusqu'à la chute du régime", ajoute-t-il.

Un étudiant de 21 ans originaire de Qamishli, qui ne veut donner ni son nom, ni son prénom, affirme avoir été incarcéré et battu pour avoir manifesté. "J'ai participé à des manifestations pour la liberté et contre ce régime misérable. J'ai été détenu et frappé à plusieurs reprises", assure-t-il.

Il a réussi à s'enfuir en payant 400 dollars à un contrebandier qui l'a conduit en Irak avec un groupe de 20 personnes. Depuis, il est serveur dans un café à Erbil, capitale du Kurdistan irakien.

"Je veux vivre dans un pays démocratique et je veux jouir de droits comme les autres citoyens syriens", dit-il. D'ici là, il restera dans le nord de l'Irak.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.