Lundi 25 mars 2019 à 15h57
Ain Issa (Syrie), 25 mars 2019 (AFP) — Les Kurdes de Syrie ont appelé lundi à la création d'un tribunal international spécial, basé dans le nord-est de ce pays, pour juger les crimes commis par le groupe Etat islamique (EI) durant les plus de quatre ans de son "califat" aujourd'hui éradiqué.
L'organisation jihadiste la plus redoutée au monde est accusée d'avoir commis de nombreux crimes -exécutions de masse, viols, enlèvements, attentats- sur les vastes territoires qu'elle a contrôlés en Syrie et en Irak de 2014 à 2019-. Elle a aussi revendiqué des attaques meurtrières sur d'autres continents.
Le dernier réduit de ce proto-Etat est tombé samedi, quand une alliance arabo-kurde, les Forces démocratiques syriennes (FDS), ont conquis le dernier lambeau du "califat" à Baghouz dans l'est de la Syrie, avec l'aide d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
A l'issue de cette ultime bataille, les FDS ont indiqué avoir arrêté plus de 5.000 combattants jihadistes qui sont désormais détenus dans les prisons de l'administration autonome de facto établie par les Kurdes dans les régions sous leur contrôle (nord-est).
Hors Syriens et Irakiens, ils sont environ un millier d'étrangers, a précisé à l'AFP le chargé des Affaires étrangères au sein de cette administration, Abdel Karim Omar.
Après avoir appelé en vain les pays d'origine à les rapatrier, les autorités kurdes semblent avoir changé de stratégie.
"Nous appelons la communauté internationale à établir un tribunal international spécial dans le nord-est de la Syrie" pour juger les jihadistes, ont déclaré les FDS et l'administration autonome.
- "Procès équitables" -
"Les jihadistes "doivent être jugés dans le pays où les crimes ont été commis", ont-elles argué dans un communiqué commun.
Les FDS et l'administration autonome ont explicitement regretté que, malgré leurs appels répétés, de nombreux pays n'aient pas répondu à leurs demandes de rapatrier leurs ressortissants jihadistes. "Aucune initiative n'a été prise à cet égard", ont-elles déploré dans un communiqué.
Avec la création d'un tribunal spécial dans cette région qu'ils contrôlent, cela permettra "que les procès soient conduits de manière équitable et en respectant le droit international et les droits humains", selon elles.
En Irak, où s'étendait également le "califat" de l'EI jusqu'à fin 2017, plus de 600 personnes -dont de nombreux étrangers- ont déjà été condamnées à mort ou à la perpétuité pour avoir rejoint l'EI.
Les ONG de défense des droits humains dénoncent des procès "expéditifs" et des "aveux" obtenus après de "possibles tortures".
Dans le passé, deux tribunaux ont notamment été créés par la communauté internationale. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), après le génocide de 1994, qui siégeait à Arusha en Tanzanie.
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), qui a jugé les personnes accusées de génocide et crimes contre l'humanité lors des guerres des années 1990 dans les Balkans, était lui établi à La Haye.
Par ailleurs, il existe désormais une Cour pénale internationale (CPI), premier tribunal permanent chargé de juger les plus graves violations du droit humanitaire. Les Etats-Unis, principal soutien des FDS, ne reconnaissant toutefois pas sa compétence.
- Plus de 9.000 étrangers -
Les Kurdes ont aussi tiré la sonnette d'alarme au sujet des dizaines de milliers de déplacés entassés dans le camp d'Al-Hol (nord-est), qui a connu un énorme afflux depuis décembre et l'assaut final contre les jihadistes à Baghouz.
"Les réfugiés et les déplacés souffrent de conditions extrêmement difficiles et pénibles qui violent les droits humains", selon l'administration kurde, qui a critiqué "l'efficacité faiblissante des agences de l'ONU pourtant responsables" des soins aux personnes vivant là.
Plus de 9.000 femmes et enfants étrangers proches de jihadistes se trouvent dans ce camp, a indiqué à l'AFP le porte-parole des autorités kurdes, Luqman Ahmi, en précisant que ce chiffre datait d'il y a une semaine. Les enfants étrangers étaient plus de 6.500, a-t-il dit sans préciser leur nationalité.
Plus de 70.000 personnes s'entassent au total dans "des conditions extrêmement critiques" à Al-Hol dans la province de Hassaké, a souligné auprès de l'AFP une porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) en Syrie. Selon l'Unicef, le camp a été conçu pour accueillir un maximum de 20.000 personnes.
Selon elle, le PAM a augmenté les rations de nourriture face aux besoins de personnes exténuées et souffrant pour certaines de malnutrition après avoir fui l'ultime offensive anti-EI. Elle a reconnu qu'il manquait "des infrastructures pour soigner les blessures et les maladies".
Depuis décembre, au moins 140 personnes sont mortes lors de leur transport vers Al-Hol ou juste après leur arrivée, selon le Comité international de secours(IRC).
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.