Vendredi 14 juin 2024 à 22h33
Paris, 14 juin 2024 (AFP) — Lolita C., une Française rentrée de Syrie en août 2021 et déjà poursuivie pour des infractions terroristes, est désormais également mise en examen pour génocide contre la minorité yézidie. C'est la troisième "revenante" en France à être poursuivie pour ces chefs d'accusations.
A l'issue d'un interrogatoire mardi, Lolita C. a été mise en examen pour génocide "à l'encontre de victimes yézidies" et complicité de génocide, ainsi que pour crimes contre l'humanité "à l'encontre de victimes civiles, notamment yézidies" et complicité, a indiqué vendredi le parquet national antiterroriste (Pnat), sollicité par l'AFP.
Selon deux sources proches du dossier, cette mère de famille, aujourd'hui âgée de 35 ans, est notamment soupçonnée d'avoir réduit en esclavage une enfant yézidie en 2017.
Elle vivait alors en Syrie avec son époux Lakhdar Sebouai, membre de la filière strasbourgeoise ayant rejoint les rangs du groupe Etat islamique (EI), et ses quatre enfants, dont deux nés en France d'une première union.
Lolita C. "conteste vivement" les accusations portées contre elle, selon ces sources proches du dossier. Mardi, la défense a plaidé "la contrainte", a précisé l'une d'elles.
Son avocat Louis Heloun n'a pas souhaité commenter.
- "Comme ma propre fille" -
Lors de précédents interrogatoires dont l'AFP a eu connaissance, elle avait expliqué qu'une "petite fille" de huit ans avait été amenée à son domicile par l'un des chefs de son époux, membre de l'EI, et qu'elle l'avait traitée "comme (sa) propre fille".
Pendant un mois, "le temps de son séjour chez moi, je ne me suis jamais servi d'elle, je ne l'ai jamais traitée comme une esclave mais comme une enfant", avait-elle assuré aux juges en mars 2022.
La justice française cherche à "documenter les crimes" de l'Etat islamique à l'encontre des minorités et a ouvert fin 2016 une enquête préliminaire dite "structurelle", avait expliqué fin avril le Pnat à l'AFP.
Selon le Pnat, Lolita C. est la "troisième femme", parmi les "revenantes" poursuivies en France, à être également mise en examen pour ces chefs relevant du pôle Crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris et passibles des assises.
Ainsi, avant Lolita C., une première mise en examen a été prononcée en 2022, précise une source proche du dossier.
Le Pnat a aussi requis début mai un procès pour une deuxième femme, Sonia M. Dans son cas, la victime présumée, une Yézidie âgée de 16 ans au moment des faits, a été retrouvée par les enquêteurs et a dénoncé un quotidien de maltraitance.
En revanche, dans le dossier de Lolita C., la fillette n'a pas encore été retrouvée, selon deux sources proches du dossier.
Aux juges, Lolita C. a expliqué sa velléité de partir pour les terres fantasmées de l'EI par son isolement: jeune maman, elle se sentait "très seule", minée par des "déceptions amoureuses", et voulait "se tourner vers Dieu et la prière".
"Je savais où j'allais, bien qu'il y ait certaines choses auxquelles je ne m'attendais pas du tout: les exécutions, les opérations martyrs", a-t-elle dit aux magistrats instructeurs en septembre 2022.
Eux la soupçonnent d'avoir co-dirigé une "maison des femmes" ou encore d'avoir appris le maniement des armes, comme la kalachnikov, ce qu'elle tempère disant avoir "essayé une fois de tirer".
Elle a aussi affirmé ne "jamais avoir porté" de ceinture explosive, même pas celle qui se trouvait "à (son) domicile".
Au cours des trois dernières années, les juges l'ont aussi questionnée plusieurs fois sur un éventuel embrigadement de son fils aîné quand il avait cinq ans au sein des "Lionceaux du califat".
Elle a démenti catégoriquement, disant l'avoir inscrit à "une école normale" où il "apprenait l'arabe, les mathématiques, le Coran" et nullement la "formation aux armes".
Après avoir été détenue dans un camp kurde, puis expulsée de Turquie vers la France, la mère de famille a été mise en examen à Paris en août 2021 pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et pour "soustraction d'un parent à ses obligations légales" notamment.
Elle est en détention provisoire depuis lors.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.