Samedi 17 juin 2023 à 15h10
Damas, 17 juin 2023 (AFP) — En Syrie, des parents de jeunes portés disparus après le naufrage d'un bateau au large des côtes grecques s'accrochent à l'espoir que leurs enfants sont encore en vie plusieurs jours après la tragédie.
Le naufrage mercredi d'un chalutier vétuste qui transportait des centaines de migrants a fait au moins 78 morts. Une centaine ont été secourus jusque-là.
Plus de 140 Syriens se trouvaient à bord et un grand nombre d'entre eux sont portés disparus, ont indiqué à l'AFP des proches et des militants locaux.
Cent six d'entre eux sont originaires du sud du pays, notamment la province de Deraa, d'où est originaire Iyad, qui habite la localité de Jassem. Il ne sait pas ce qu'il est advenu de son fils Ali, 19 ans.
"Je n'ai aucune nouvelle (...). Ca fait trois jours que sa mère n'arrête pas de pleurer", dit l'homme qui travaille dans une école et n'a pas souhaité donner son nom de famille.
- "Prier jour et nuit" -
Selon ce père de famille de 47 ans, des informations contradictoires ont circulé dans les médias grecs, certaines faisant état de son fils comme un survivant, d'autres comme une des victimes.
"J'ai encore l'espoir qu'il figure parmi les survivants", a déclaré Iyad à l'AFP samedi matin au téléphone: "Nous prions jour et nuit".
Ali était en quête d'une meilleure vie en Libye, selon son père, et s'y était rendu en avion depuis Damas.
"Il nous a dit qu'il voulait travailler dans un restaurant (...). On ne savait pas qu'il voulait embarquer sur un bateau. Si on l'avait su, on l'aurait empêché" d'aller en Libye, dit-il.
Selon le "Centre de documentation des martyrs de Deraa", fondé par des militants locaux, 72 personnes originaires de la région sont portées disparues et 34 ont été secourues.
Beaucoup de gens quittent Deraa car la situation y est devenue "intenable", sur le plan économique ou de la sécurité, a expliqué un militant de ce collectif.
Parmi les Syriens portés disparus figure aussi un adolescent de 15 ans, aveugle, accompagné de sa soeur, 28 ans, a affirmé vendredi à l'AFP leur oncle, joint au téléphone depuis la province de Deraa.
"Mon neveu (...) ne sait pas nager", a dit cet homme qui n'a pas voulu donner son nom pour des raisons de sécurité.
Berceau du soulèvement antirégime déclenché en 2011, qui a dégénéré en guerre dans tout le pays, la province de Deraa est revenue sous le contrôle des forces gouvernementales en 2018.
Le conflit a fait environ un demi-million de morts, et près de la moitié des Syriens sont désormais des réfugiés ou des déplacés.
Iyad a de son côté expliqué que l'oncle d'Ali, qui habite en Allemagne, était parti en Grèce pour chercher son neveu, mais "c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin".
"Pour nous il est porté disparu. Nous (...) ne serons pas en deuil" tant qu'on ne saura pas ce qu'il s'est passé. S'il est retrouvé vivant, nous le ramènerons en Syrie", a-t-il dit.
- "Situation terrible" -
A Kobané, dans une région du nord de la Syrie tenue par les forces kurdes, Mohammed Mohammed attend aussi de connaître le sort de son fils, Diyar, âgé de 15 ans.
"Chaque jour, l'espoir de le voir (vivant) s'amenuise", a indiqué vendredi à l'AFP ce réparateur de pneus.
Diyar "est parti parce que la situation ici est terrible", explique cet homme de 48 ans.
Kobané est devenu un des symboles de la victoire sur le groupe Etat islamique, après que les forces kurdes ont bouté les jihadistes hors de cette ville en 2015.
Mais Kobané est aujourd'hui dans le viseur d'Ankara qui veut le retrait des forces kurdes de la bande frontalière. La Turquie y a mené des raids meurtriers et a menacé d'une offensive terrestre.
Mohammed explique que sa famille vit à moins d'un kilomètre de la frontière. "Le rêve (de Diyar) était d'aller en Allemagne pour rejoindre mon frère qui y vit. Tout le monde veut partir", dit Mohammed, précisant que Diyar était parti avec quatre amis.
Au moins 35 personnes à bord du chalutier étaient originaires des zones kurdes du nord de la Syrie, a indiqué vendredi un proche.
Mohammed explique que son frère est parti en Grèce avec l'espoir de trouver Diyar, mais il n'a pas été autorisé à entrer dans les hôpitaux où il espérait pouvoir parler à des survivants. "Les gens fuient la mort mais, en fait, il la trouvent" en chemin, lâche-t-il.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.