Page Précédente

Pour Washington, la relation avec l'Iran aussi toxique que jamais


Jeudi 14 septembre 2023 à 05h02

Washington, 14 sept 2023 (AFP) — Pour les Etats-Unis, gérer la relation avec l'Iran n'a jamais été une sinécure. Mais un an après les manifestations massives qui ont suivi la mort de Mahsa Amini, Téhéran est devenu plus que jamais toxique pour Washington.

L'opposition républicaine au président Joe Biden, qui est en campagne pour sa réélection, a tiré à boulets rouges sur sa décision d'accepter, presque le jour anniversaire du soulèvement, un accord débloquant six milliards de dollars de revenus pétroliers iraniens en échange du retour de cinq Américains détenus en Iran.

Des diplomates américains assurent ne pas voir d'autre option que de rester engagés avec l'Iran, y compris sur son programme nucléaire controversé, mais personne ne s'attend à ce que M. Biden s'investisse davantage pour rechercher un nouvel accord d'envergure avec Téhéran à l'approche de la présidentielle de 2024.

D'autant que Washington estime que Téhéran a largement laissé passer sa chance après l'échec des négociations menées l'an dernier pour raviver l'accord sur le nucléaire iranien de 2015, conclu sous Barack Obama et dont s'était retiré l'ancien président Donald Trump.

Joe Biden a lui-même, en privé, déclaré que l'accord nucléaire était "mort".

"L'Iran a toujours été un sujet politiquement polarisant aux Etats-Unis", surtout depuis le JCPOA, l'acronyme en anglais de l'accord nucléaire de 2015, relève Holly Dagres, du centre d'analyse Atlantic Council.

Mais, dit-elle, la répression des manifestations après la mort de Mahsa Amini et la fourniture par l'Iran de drones armés à la Russie pour sa guerre en Ukraine "ont rendu le sujet de l'Iran politiquement toxique".

"Cela ne signifie pas qu'il n'y a plus de place pour la diplomatie, comme le montre l'accord sur l'échange de prisonniers, mais un accord historique tel qu'un nouveau JCPOA sera très difficile, voire impossible, à vendre des deux côtés de l'échiquier politique américain étant donné les événements de l'année dernière", ajoute l'analyste.

"La dernière chose que M. Biden souhaite faire, c'est faire campagne l'année prochaine sur l'Iran", confie un diplomate américain sous le couvert de l'anonymat.

- Pas d'alternative -

Il y a un an, le 16 septembre, la jeune kurde iranienne est décédée après son arrestation par la police des moeurs pour non-respect des strictes obligations vestimentaires islamiques.

Sa mort a entraîné des mois de manifestations, réprimées dans le sang et les arrestations, mais le soulèvement "Femme, Vie, Liberté" s'est poursuivi sous différentes formes et apparaît comme l'un des plus grands défis lancés aux autorités iraniennes depuis la révolution de 1979.

L'administration Biden a condamné avec force cette répression et soutenu ouvertement le mouvement de contestation, imposant de nouvelles sanctions contre Téhéran.

Mais elle croit toujours que le meilleur moyen d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire est la voie diplomatique.

Les Etats-Unis se montrent plutôt discrets ces derniers temps sur l'enrichissement d'uranium par l'Iran au-delà des niveaux autorisés par l'accord de 2015.

"Il est clair que ce que veut l'équipe de M. Biden, c'est éviter que la question de l'Iran ne devienne une crise", estime Alex Vatanka, en charge du programme Iran au Middle East Institute. "Le président Biden et son équipe ont déjà fort à faire avec l'Ukraine et la Chine".

Selon lui, M. Biden a "tacitement" opté pour une stratégie visant à une application moins rigoureuse des sanctions américaines en contrepartie d'une approche moins conflictuelle de la part de l'Iran.

"Personne dans l'administration Biden ne se fait d'illusions sur un quelconque changement majeur en Iran", ajoute M. Vatanka, mais Washington ne voit guère d'alternative.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken affirmait ainsi mi-août que "rien dans notre approche générale de l'Iran n'a changé. Nous poursuivons une stratégie de dissuasion, de pression et de diplomatie".

Les Etats-Unis insistent aussi sur le fait que l'accord sur les prisonniers est totalement distinct de la question nucléaire.

Pour Ali Vaez, de l'International Crisis Group, les manifestations de l'année dernière ont réduit à néant les efforts de rapprochement avec Téhéran sur le nucléaire de la part de l'administration américaine et des Européens.

Mais il dit s'attendre à de prochaines possibles discussions limitées sur le nucléaire, à défaut d'un grand accord, car "ils n'ont pas d'autre option que de rester engagés".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.