Mardi 16 mai 2023 à 14h08
Istanbul, 16 mai 2023 (AFP) — L'opposition turque est repartie en campagne mardi après les résultats décevants de son candidat à la présidentielle, Kemal Kiliçdaroglu, qui tente de rallier le vote des jeunes contre le président sortant Recep Tayyip Erdogan, arrivé en tête du premier tour.
"Nous avons douze jours, nous devons sortir du tunnel (et de) l'obscurité", a écrit Kemal Kiliçdaroglu à l'intention de ces jeunes "qui ne peuvent même pas se permettre un café" dans une Turquie minée par l'inflation et dont 70% du corps électoral a moins de 34 ans.
"Vous n'avez qu'une jeunesse", a lancé le candidat social-démocrate laïque de 74 ans, à la tête d'une coalition hétéroclite mêlant conservateurs, nationalistes et libéraux de centre-droit et de gauche.
L'opposition a misé sur la lassitude supposée des Turcs après vingt ans de pouvoir de M. Erdogan, en particulier celle des plus de 5 millions de jeunes qui devaient voter pour la première fois.
Ils ont aussi capitalisé sur le contexte économique et la chute de la livre turque, qui a fait grimper l'inflation jusqu'à 85% à l'automne.
Mais démentant la plupart des sondages, le chef de l'Etat islamo-conservateur a recueilli dimanche 49,5% des suffrages contre 44,89% à M. Kiliçdaroglu.
Plus de 5% des suffrages sont allés au troisième homme, l'ancien député ultranationaliste Sinan Ogan, âgé 55 ans.
- Risques de démobilisation -
Dans les faits, la campagne a implicitement débuté avant même l'officialisation des résultats du premier tour qui a mobilisé près de 89% de l'électorat.
Dans la nuit de dimanche à lundi, alors que le dépouillement était en cours, le président Erdogan est apparu triomphant, bras levés, tendus vers une foule enthousiaste au balcon de son parti AKP à Ankara.
Par contraste, les abords du siège du CHP (Parti républicain du peuple) sont restés déserts.
Kemal Kiliçdaroglu a prévenu mardi que son parti devrait "lutter beaucoup plus dur pour se débarrasser d'un pouvoir aussi brutal", dont son camp dénonce la volonté de faire taire toute voix contraire et les restrictions imposées à la presse.
Car malgré le soutien apporté par la majorité des électeurs kurdes, l'opposition n'est pas parvenue à inquiéter Recep Tayyip Erdogan.
"Kemal Kiliçdaroglu n'est pas non plus un nouveau nom pour les jeunes, il a 74 ans, il est (à la tête du CHP, ndlr) depuis 2010 et il n'a pas vraiment réussi à dynamiser les jeunes électeurs", constate Berk Esen, chercheur en sciences politiques à l'université Sabanci d'Istanbul.
"L'opposition est complètement démobilisée; il leur sera difficile de se regrouper à nouveau pour gagner" le 28 mai, estime-t-il, prédisant un "taux de participation inférieur" à celui de dimanche.
Les Turcs de l'étranger seront appelés à voter dès samedi.
La capacité de remobilisation des électeurs de l'opposition est l'une des inconnues du second tour, notamment dans les zones du sud du pays sinistrées par le séisme du 6 février qui a fait plus de 50.000 morts.
En particulier dans la province de Hatay, la plus dévastée et la seule parmi les régions fortement impactées à ne pas avoir massivement reconduit le président, qui a multiplié les promesses de reconstruire dans l'année 650.000 logements détruits.
Une autre question concerne le report des voix accordées à Sinan Ogan.
L'ancien député ultranationaliste n'a pas encore annoncé s'il soutiendrait l'un ou l'autre candidat mais il s'est dit hostile à toute concession sur la question kurde.
Recep Tayyip Erdogan n'aura toutefois pas nécessairement besoin de ces voix: la victoire au premier tour lui a échappé de moins d'un demi-point, soit un demi-million de voix environ, sur 64 millions d'électeurs.
"Le second tour sera plus facile pour nous. Il y a une différence de cinq points (entre les deux candidats, ndlr), près de 2 millions et demi de voix. Il semble qu'ils n'ont aucune possibilité de combler cet écart", a commenté mardi Ibrahim Kalin, porte-parole et proche conseiller de M. Erdogan.
Le président sortant a d'ores et déjà sécurisé sa majorité au parlement dimanche avec les élus de son parti AKP et ses alliés nationalistes du MHP.
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