Lundi 22 mai 2023 à 12h08
Beyrouth, 22 mai 2023 (AFP) — Le président syrien, Bachar al-Assad, a fait son retour sur la scène régionale après plus d'une décennie d'isolement. Cette réhabilitation peut-elle contribuer à une solution dans son pays morcelé par la guerre?
Le dirigeant syrien espère que les riches Etats du Golfe financeront la reconstruction de son pays, qu'il estime nécessaire pour permettre le retour des millions de réfugiés, même s'il ne contrôle pas encore l'ensemble du territoire.
De leur côté, les monarchies du Golfe veulent que le président syrien s'engage à lutter contre le trafic de drogue, et notamment du captagon, dont son pays est devenu un exportateur mondial.
- "Nouvelle page"? -
M. Assad, qui participait vendredi au sommet de la Ligue arabe après en avoir été exclu pendant plus d'une décennie, a appelé à commencer "une nouvelle phase" avec ses pairs.
Plusieurs Etats arabes, dont des monarchies du Golfe, qui soutenaient, au début du conflit dans son pays, l'opposition armée, ont commencé à normaliser leurs relations avec le président syrien au fur et à mesure qu'il récupérait des territoires avec l'aide de l'Iran et de la Russie.
Le retour d'Assad dans le giron arabe constitue "une reconnaissance du fait qu'il a gagné la guerre, et une acceptation formelle de sa légitimité en tant que président", estime Lina Khatib, directrice de l'Institut du Moyen-Orient de l'Université SOAS à Londres.
"Il y a (..) beaucoup d'optimisme pour l'avenir. Nous avons tourné une nouvelle page", affirme pour sa part Bassam Abou Abdallah, un analyste proche du gouvernement qui dirige le Centre de Damas pour la recherche stratégique.
- Solution politique? -
La guerre en Syrie a fait environ un demi-million de morts depuis 2011 et morcelé le pays, dont des zones du nord sont tenues par des rebelles alliés à la Turquie ou des Kurdes soutenus par les Etats-Unis, même si les fronts sont calmes aujourd'hui.
Plusieurs sessions de pourparlers menées à Genève sous l'égide de l'ONU entre le gouvernement et l'opposition politique, visant à aboutir à une nouvelle Constitution, ont échoué et aucune solution politique n'est en vue.
Pour Lina Khatib, le rôle de l'opposition politique et des rebelles armés dans "la détermination de l'avenir politique de la Syrie a considérablement diminué".
"Il y a maintenant encore moins d'espoir que le processus de paix mené par l'ONU soit ressuscité et aboutisse à une transition politique significative", ajoute-t-elle.
Nicholas Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy, estime que "la Ligue arabe s'est éloignée de l'opposition syrienne et cherche à rééquilibrer la dynamique régionale" avec l'Iran.
- Réfugiés et reconstruction -
Quelque 5,5 millions de réfugiés syriens ont fui dans les pays voisins et plus de 6,8 millions d'autres sont déplacés à l'intérieur de la Syrie.
"Les (pays) arabes doivent fournir à la Syrie de l'aide et de l'assistance, notamment au sujet du retour des réfugiés", affirme M. Abou Abdallah, soulignant que cette question nécessite "des fonds et des infrastructures".
Mais Lina Khatib exprime son scepticisme quant au retour des réfugiés, et estime que le régime n'est "ni disposé ni capable d'agir de manière significative" sur des questions telles que le logement, l'emploi ou la sécurité.
Damas "utilisera probablement le retour des réfugiés (...) pour attirer des fonds destinés à Assad et les profiteurs" qui l'entourent, estime-t-elle.
Le président syrien espère un afflux de fonds du Golfe, surtout que les sanctions occidentales imposées à la Syrie constituent un obstacle à un financement international.
- Trafic de drogue -
Les pays arabes ont appelé à l'issue du sommet vendredi à "renforcer la coopération", notamment concernant "le trafic de drogue", selon le communiqué final.
Lina Khatib se dit cependant convaincue que le régime syrien ne va pas arrêter ce commerce lucratif, mais va plutôt "faire semblant de réduire une partie du flux de captagon (amphétamine dérivée d'un médicament, ndlr) vers le Golfe en échange d'une compensation financière par d'autres canaux".
Nicholas Heras estime que Bachar al-Assad va "marchander" avec les pays arabes, particulièrement sur "la reconstruction (..), les prisonniers politiques et le trafic de drogue".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.