Mardi 21 mars 2023 à 11h46
Strasbourg, 21 mars 2023 (AFP) — La Turquie a violé la Convention des droits de l'Homme en retirant leurs passeports à trois universitaires dans le cadre de l'état d'urgence décrété après la tentative de coup d'Etat de 2016, a tranché la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Dans un arrêt rendu public mardi, la Cour, basée à Strasbourg, dans l'est de la France, estime que la Turquie est coupable de violation du droit à la vie privée et du droit à l'instruction.
Les trois requérants, âgés pour deux d'entre eux d'une trentaine d'années et pour la troisième d'une cinquantaine d'années, travaillaient à l'époque des faits dans des universités turques.
Ils ont fait partie des signataires d'une pétition "pour la paix" soutenue par plus d'un millier d'universitaires et d'intellectuels se présentant comme les "Académiciens de la paix".
La pétition avait été lancée alors que le sud-est de la Turquie était ensanglanté par la reprise du conflit entre Ankara et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe qualifié d'organisation terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux.
Le soutien des universitaires à cette pétition avait suscité l'ire du président Recep Tayyip Erdogan.
A la suite d'une tentative de coup d'Etat contre ce dernier en juillet 2016, le gouvernement avait déclaré l'état d'urgence et des décrets-lois ont été adoptés prévoyant la révocation de fonctionnaires considérés comme liés à des organisations représentant une menace pour la sécurité de l'Etat. Des purges de grande ampleur ont été menées, qui n'ont pas épargné les campus universitaires.
Les trois requérants ont été révoqués de la fonction publique et leurs passeports leurs ont été retirés, une mesure qui a duré deux ans et huit mois pour les deux premiers requérants, et trois ans et dix mois pour la troisième.
Ils ont introduit des recours contre les décisions d'annulation de leurs passeports, rejetés par les juridictions administratives et la Cour constitutionnelle turque.
Ces trois universitaires avaient saisi la CEDH, arguant pour deux d'entre eux que le retrait de leurs passeports les avait empêchés de poursuivre leurs projets universitaires et professionnels ainsi que leurs activités de recherche académiques à l'étranger. La troisième avait mis en avant les difficultés que cela lui avait causées dans sa vie privée et professionnelle.
Ils ont finalement obtenu de nouveaux passeports en 2019.
Ankara devra payer 12.000 euros aux deux premiers requérants pour dommages moral et matériel, et 10.750 euros à la troisième pour dommage moral et frais et dépens.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.