Lundi 25 septembre 2006 à 19h24
BAGDAD, 25 sept 2006 (AFP) — Le nouveau juge qui préside le procès de Saddam Hussein pour génocide contre les populations kurdes a de nouveau, lundi, expulsé du tribunal l'ancien président au cours d'une audience agitée marquée par un premier témoignage sur des viols de détenues kurdes.
Le procès, organisé depuis le 21 août à Bagdad, reprendra mardi.
Lundi, la onzième journée d'audience a commencé en l'absence des avocats de Saddam Hussein qui protestaient "contre les fortes pressions" du gouvernement. D'autres avocats commis d'office étaient présents.
Par leur boycottage, les avocats voulaient protester notamment contre la révocation de l'ancien juge Abdallah al-Améry, accusé de partialité pour avoir affirmé que Saddam Hussein n'avait pas été un dictateur, et la nomination en remplacement de Mohammed al-Oreibi al-Majid al-Khalifa.
Selon un haut responsable irakien, le gouvernement est intervenu "parce qu'il s'agit du procès de Saddam Hussein, l'homme qui a tué des milliers de personnes. Toute personne qui dira qu'il n'était pas un dictateur ne sera pas agréé par le peuple" irakien, a-t-il affirmé à l'AFP.
Saddam Hussein et six de ses lieutenants sont jugés pour avoir ordonné et exécuté les campagnes militaires d'al-Anfal, qui ont fait en 1987 et 1988, 180.000 victimes au Kurdistan, selon l'accusation. Ils risquent la peine de mort.
Lundi, Saddam Hussein a déclaré au nouveau juge: "J'ai une demande à formuler. Je ne veux plus rester dans cette cage".
"Je suis le juge et je préside ici", a répondu le juge. "C'est moi qui décide de votre présence. Evacuez-le !", a-t-il enfin lancé aux gardes.
Un témoin kurde, Rifaat Mohammed Said, a d'abord raconté comment son village avait été gazé par l'armée irakienne.
Puis, pour la première fois, ce témoin a décrit les brutalités contre les femmes dans la prison de Nugrat Salman (sud), où lui-même a été incarcéré.
Chaque jour, une détenue devait être conduite au bureau de Hajaj, le directeur de la prison, a-t-il raconté. "Les femmes revenaient en pleurant, et disaient qu'elles avaient été violées".
Il a également décrit les mauvaises conditions de détention à la prison, où "certains jours, deux ou trois enfants mouraient" de faim.
Un autre témoin, Mohammad Rassoul Moustafa, un Kurde de plus de 70 ans, a relaté le bombardement chimique de Sawisaynan, à une heure de marche de son village.
Il a ensuite décrit sa détention de cinq mois à Nugrat Salman, où il a vu 400 à 500 personnes mourir, particulièrement des personnes âgées. A sa libération, il n'a jamais retrouvé sa femme et ses cinq enfants.
Une Kurde, Fahima Amine Karim a, à son tour, raconté qu'après une attaque au gaz contre son village, sa famille avait été conduite à un hôpital militaire où un médecin a refusé de traiter les brûlures de sa fille, disant "qu'elle n'avait besoin d'aucun soin puisqu'elle allait mourir".
"Ma fille est morte dans mes bras. Ils ont pris le corps et je n'ai jamais su où elle a été enterrée", a-t-elle dit.
Sur le plan politique, les députés irakiens ont voté lundi la création d'une commission chargée de préparer une révision de la Constitution, ouvrant la voie à l'adoption d'un projet controversé de fédéralisme.
Si un compromis intervenu dimanche entre sunnites et chiites est mené à bien, l'Irak deviendra un Etat fédéral, mais une révision constitutionnelle précisera auparavant les limites de ce fédéralisme, et garantira qu'aucune région ne sera lésée.
Sur le plan de la sécurité, huit personnes ont été tuées, dont plusieurs policiers. Quatorze corps ont été découverts, à Bagdad et dans le nord du pays, selon les services de sécurité.
Par ailleurs, les forces britanniques opérant dans le sud de l'Irak ont tué lundi un dirigeant opérationnel d'Al-Qaïda.
Omar al-Farouk, 35 ans, né au Koweït de parents irakiens, a été accusé de diriger le réseau terroriste d'Al-Qaïda en Asie du sud-est.
Il avait été arrêté en 2002 par les autorités indonésiennes qui l'avaient livré aux autorités américaines. Mais il était parvenu à s'évader en 2005 du centre de détention installé sur la base aérienne américaine de Bagram, au nord de Kaboul.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.