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Salam, le Kurde qui traque les sous munitions israéliennes du Liban sud


Jeudi 12 octobre 2006 à 10h40

ISMAIYA (Liban), 12 oct 2006 (AFP) — Salam Mohammad, qui exerce le dangereux métier de démineur pour une ONG britannique, observe d'un talus ses hommes qui viennent de s'enfoncer dans une bananeraie de 5 hectares en surplomb de la route côtière, au sud de Tyr.

Salam, originaire de Souleimaniyah, la grande ville du Kurdistan d'Irak, travaille avec quatre Kurdes d'Irak et deux Libanais. Il leur a demandé de fouiller une trentaine de mètres de la plantation d'Ismaiya.

Les hommes avancent côte à côte entre les bananiers, accroupis sur leurs talons, portant casques, gilets et larges gants de protection.

Ils cherchent des sous-munitions. Une dizaine de minutes leur suffit pour repérer deux d'entre elles. Des tubes cylindriques d'une quinzaine de centimètres, avec en guise de queue un morceau de toile.

L'engin est enfoncé dans la terre couleur sable et son tissu se confond avec les feuilles mortes qui jaunissent au sol. "Lorsqu'il est piqué dans les feuilles enroulées en forme de tronc, l'engin a l'aspect d'un gros dard à l'affût d'une cible", explique Salam.

"C'est un métier où il faut avoir les yeux perçants et les gestes calculés", ajoute-t-il. Le détecteur de métaux n'opère qu'une fois repéré un "foyer".

Il parle avec l'assurance de ses 14 années d'expérience acquise en Irak et au Laos. Les deux objets sont identifiés comme des M42 "à l'acier assez aigu pour percer des blindages ou trois hommes à la fois alignés en file indienne", prévient le chef d'équipe.

En deux semaines, 178 projectiles ont été mis hors d'état de nuire sur 20.000 mètres carrés.

Salam et ses hommes opèrent avec le MAG, une ONG britannique spécialisée dans le déminage et sous la supervision du Centre de Coordination pour le déminage du Liban (MACC), un programme de l'ONU.

"Nous sommes relativement bien payés mais nous ne sommes pas ici seulement pour de l'argent", affirme Salam vêtu comme tous les hommes du MAG d'un gilet au dos duquel s'inscrit leur devise: "Sauver des vies. Construire des avenirs".

La menace des sous-munitions a figé la vie dans une partie du Liban sud. Aussi la circulation est rare sur la route sinueuse qui relie le chapelet de bourgades entre Deir Qanoun, l'arrière-pays de Tyr, et Aïta al-Chaab, séparé de la frontière israélo-libanaise par un vallon.

"Sortir du bord des routes est dangereux. Personne ne s'aventure non plus dans les plantations de tabac et les champs d'oliviers", affirme Ali Hmayed, 38 ans, qui a dû laisser en jachère 21.000 m2 de culture.

Partout, jusqu'au bord des maisons, les feuilles de tabac qui auraient dû être cueillies en août, finissent de noircir au soleil dans les plantations abandonnées. Après le tabac, le fléau des sous-munitions frappe les oliveraies où la moisson doit commencer.

Selon les estimations les plus modestes, au moins 350.000 sous-munitions ont été déversées pendant le conflit de juillet-août entre Israël et le Hezbollah chiite. Chris Clark, responsable pour les Nations unies du déminage au Liban sud, a cité le chiffre d'un million de sous-munitions.

En bas de Beit-Lif, perché à 600 mètres d'altitude, serpente un vallon de 7 hectares planté d'oliviers aux fruits déjà gonflés. De quoi en tirer des centaines de litres d'une bonne huile et des kilos d'olives vertes.

"Personne n'ose s'y aventurer. Nous avons vu l'aviation israélienne y déverser le contenu de plusieurs réservoirs de bombes, et l'armée libanaise a confirmé que la zone était infestée", affirme Mohammad Abdallah, 74 ans, rencontré sur la place du village.

"Forcément, les chababs (NDLR, les combattants du Hezbollah) s'y étaient déployés pour arrêter la progression des Israéliens" confie-t-il à voix baisse.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.