Jeudi 22 decembre 2016 à 09h45
Diyarbakir (Turquie), 22 déc 2016 (AFP) — Quand elle a ouvert ses portes il y a trois ans, cette école primaire de Diyarbakir, principale ville à majorité kurde de la Turquie, symbolisait une certaine ouverture d'Ankara en matière d'éducation en langue kurde.
En octobre, l'école Farzad Kamangar a été fermée sur ordre du gouverneur, faisant les frais du raidissement de la politique turque à l'égard des Kurdes. Quatre autres écoles enseignant en kurde dans d'autres localités de la région ont subi le même sort.
Depuis le coup d'Etat avorté en juillet, les autorités ont lancé de vastes purges qui, au-delà de la chasse aux putschistes présumés, ont frappé de plein fouet les milieux prokurdes, de la politique aux ONG, en passant par les médias.
L'école Farzad Kamangar, nommée après un poète et militant kurde exécuté en Iran en 2010, dispensait un enseignement en kurde. Même les livrets scolaires remis aux parents étaient rédigés dans cette langue.
L'heure était alors à la détente et les autorités, à défaut de permis officiel, fermaient les yeux sur cet établissement pionnier. Une trêve était en vigueur entre l'Etat et les insurgés du PKK, et un processus de négociation était en cours.
Mais la trêve a volé en éclats au bout de deux ans et les combats ont repris de plus belle à l'été 2015.
C'est par le biais d'un ordre placardé à la porte de l'école qu'enseignants et parents d'élèves ont appris la fermeture de l'établissement. Motif invoqué: non-respect des lois turques.
C'était à la rentrée et les 238 élèves âgés de 5 à 11 ans se sont retrouvés sans école.
L'enseignement en kurde est, en effet, interdit en Turquie selon la Constitution qui stipule qu'"aucune langue autre que le turc ne peut être enseignée aux citoyens turcs en tant que langue maternelle ou servir à leur dispenser un enseignement en tant que tel dans les établissements d'éducation et d'enseignement".
- 'Activités illégales' -
Mais les défenseurs de l'école font valoir que l'établissement avait toujours fonctionné en dehors du cadre de cet article constitutionnel, et ce, avec la connaissance et l'accord implicite des autorités.
Des sources au bureau du gouverneur de la province de Diyarbakir ont affirmé à l'AFP que l'école avait été fermée pour "activités illégales".
En effet, quelques jours avant sa fermeture, le 9 octobre, l'école avait fait l'objet d'une visite d'inspecteurs de l'Education qui ont dressé un rapport pointant un cursus "contraire aux règlements de l'Education nationale et à la législation".
Adil Ercan, un des enseignants, a affirmé à l'AFP que les inspecteurs n'avaient pourtant rien dit de "défavorable ou d'inapproprié" au sujet de l'école lors de leur visite.
La décision de fermer l'établissement à été notifiée à la direction le 7 octobre, assortie d'une possibilité de se pourvoir en appel sous quinzaine.
Mais deux jours après, les parents et les enseignants ont été surpris de découvrir, en arrivant à l'école, l'ordre de fermeture, sous forme d'un papier cartonné frappé d'un sceau rouge.
"Nous sommes arrivés le matin et c'était fermé. Ils ne nous ont donné aucune explication", raconte M. Ercan.
Résignés, parents et élèves attendent désormais une hypothétique réouverture.
"J'attends mon école. Quand elle rouvrira, j'y retournerai. En attendant, je resterai à la maison", confie à l'AFP Sarya Alici, âgée de sept ans.
"Quoi qu'il arrive notre école doit rouvrir", renchérit sa camarade Cihan Koyun.
Outre les écoles, des médias prokurdes ont été fermés après le putsch avorté de juillet, et des élus, dont des maires et des députés, ont été arrêtés. Parmi eux figurent les deux chefs du principal parti prokurde du pays, le HDP.
Ils sont généralement accusés de liens avec le PKK, en conflit avec l'Etat turc depuis 1984, ou d'en relayer la propagande, selon les autorités.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.