Euphrate
Vue de l'Euphrate, dont le débit a fortement chuté, le 24 mai 2009 à Hindiya, à 30 km à l'est de la ville de Karbala.
AFP (BAGDAD) — Le ministère irakien des Ressources hydrauliques a réclamé lundi une réunion avec ses voisins turc et syrien après la chute de moitié du débit de l'Euphrate par rapport au mois de juin dans un pays qui fait déjà face à une importante sécheresse.
Le ministère souhaite "une réunion urgente en présence des ministres et des experts des trois pays concernés en août prochain pour discuter du partage de l'eau et de la fluctuation des débits en Irak", a indiqué un communiqué du ministère.
Le débit de l'Euphrate "dans la région de Hassiba (à la frontière syrienne) est très bas. Depuis 10 jours, il est de 250 m3/s et ces quantités ne sont pas suffisantes pour l'agriculture et les autres besoins", ajoute le ministère.
Fin juin, la Turquie, où l'Euphrate prend sa source, avait toutefois ouvert les vannes de ses barrages sur le fleuve et accru son débit pour le porter à 570 m3/s. Ankara avait promis à l'Irak un débit d'ici juillet à 715 m3/seconde.
Selon le ministère des Ressources hydrauliques, l'Irak a besoin d'un débit dans l'Euphrate d'au moins 500 m3/s pour couvrir 50% des besoins d'eau pour l'irrigation.
La situation en Irak est rendue d'autant plus difficile que la région fait face une grave sécheresse depuis deux ans en raison d'une diminution importante des précipitations en hiver, poussant de nombreux agriculteurs à quitter la campagne pour les villes.
Une autre conséquence de l'assèchement de l'Euphrate est la mise en danger du mode de vie des "Arabes des marais", qui quittent ces zones humides durement frappées par la pénurie d'eau.
"Quatre-vingt familles ont récemment quitté le marais de Abou Zark" à l'est de Nassiriyah, dans le sud du pays, a affirmé à l'AFP Ali Radad, un responsable des projets agricoles dans la province de Dhi Qar.
"Les Turcs foulent aux pieds tous les accords signés", a critiqué dans des déclarations à l'AFP Jamal Al-Batikh, membre de la Commission parlementaire irakienne de l'Eau et de l'Agriculture, accusant aussi le gouvernement irakien de manquer de "volonté politique".
Selon lui, Ankara "utilise l'eau comme un moyen de pression politique, comme sur la question du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)", une organisation considérée comme terroriste par la Turquie. Elle accuse les Kurdes irakiens de tolérer voire d'aider le PKK.
Le conflit autour de l'eau s'est aussi déplacé sur le terrain économique, les députés irakiens refusant de ratifier un accord commercial signé lors de la visite historique du président turc Abdullah Gül en avril.
"Toutes les tentatives des responsables irakiens ont échoué pour forcer la Turquie (à ouvrir ses vannes), et ce en dépit de la signature par le gouvernement irakien d'un accord commercial", a expliqué un député irakien du parti Fadila, Karim al-Yaacoubi.
"Les députés refusent de ratifier cet accord tant qu'une clause n'est pas ajoutée pour assurer à l'Irak sa part de l'eau", a-t-il insisté.
Depuis 1975, la Turquie a érigé cinq barrages sur l'Euphrate afin de réguler l'irrigation des terres agricoles d'Anatolie du sud-est. Deux ont été construits sur le fleuve par la Syrie.