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Bulletin N° 276 | March 2008

 

 

VISITE DE DICK CHENEY A ERBIL

Le 18 mars, le vice-président américain Dick Cheney, en tournée dans le Moyen-Orient, s’est rendu pour la première fois au Kurdistan d’Irak, à Erbil, pour y rencontrer Massoud Barzani et d’autres hauts responsables du gouvernement kurde, ce qui en fait ainsi le plus haut officiel des Etats-Unis à avoir visité la Région.

Dick Cheney, qui entamait une tournée de neuf jours au Moyen-Orient accompagné de son épouse, a loué « l'amitié spéciale liant les Etats Unis et le peuple du Kurdistan irakien » et demandé au président kurde Massoud Barzani son « soutien pour faire progresser la réconciliation nationale », notamment dans l’adoption de plusieurs lois d’amnistie par le parlement irakien et pour l’avenir des relations entre l’Irak et les Etats-Unis.

La rencontre a porté aussi sur la Loi pétrolière, qui est actuellement l’objet d’un litige entre Bagdad et Erbil, la politique irakienne des Etats-Unis, la constitution irakienne et les relations avec la Turquie. S’étaient joints à la réunion le vice-président de la Région Kosrat Rasul, le Premier ministre Nêçirvan Barzani et son adjoint Omar Fatah. L’ambassadeur américain en Irak, Ryan Crocker, était également présent.

Le président Massoud Barzani, a, dans son discours de réception, insisté sur la première historique que constitue la visite officielle du vice-président des Etats-Unis dans la Région du Kurdistan, qu’il a qualifié de « message important » délivré par les USA, et une confirmation du soutien américain aux Kurdes et à l’instauration d’un « Irak libre, démocratique, pluraliste et fédéral ».

Massoud Barzani a réaffirmé sa volonté de s’impliquer dans la reconstruction de l’Irak, en y jouant un « rôle positif ». Il a souligné ainsi que les Kurdes seraient une solution et non un problème pour l’Irak ainsi que pour les Etats voisins, en étant « un facteur de paix et de stabilité pour toute la région ».

Pour sa part, Dick Cheney a évoqué le temps où, 17 ans auparavant, alors qu’il était lui-même secrétaire à la Défense, l’opération Provide Comfort avait été lancée au lendemain de la Première Guerre du Golfe et pour stopper l’exode massif des Kurdes fuyant les représailles de Saddam Hussein. L’instauration d’une zone interdite à l’aviation irakienne pour protéger les Kurdes des bombardements chimiques, fut, selon Dick Cheney le point de départ d’une « amitié toute particulière » entre les USA et le Kurdistan d’Irak. Il a loué pour finir les « progrès remarquables » de la Région du Kurdistan en matière de prospérité et de sécurité en la présentant comme un « exemple extraordinaire pour l’Irak. »

Cette visite du vice-président américain au Kurdistan d’Irak intervient juste après la violation des frontières irakiennes par l’armée turque, opérant contre les bases du PKK. Les Américains avaient d’abord soutenu cette incursion en fournissant aux Turcs des renseignements logistiques sur les déplacements du PKK en temps réel, ce que l’opinion publique kurde avait vivement critiqué. Mais devant les risques de conflits ouverts entre l’armée turque et les Peshmergas, les Etats-Unis avaient rapidement incité Ankara à cesser l’opération, tout en réitérant leur volonté de combattre le PKK.

La visite de Dick Cheney au Kurdistan d’Irak et sa rencontre officielle avec son président Massoud Barzani peut effectivement être comprise comme un message de soutien adressé aux Kurdes de la Région et une volonté de ménager son allié le plus important en Irak, après avoir soutenu ouvertement la Turquie dans ses actions contre le PKK.

Dick Cheney s’est rendu également à Bagdad et dans la base américaine de Balad, avant de se rendre successivement à Oman, en Arabie Saoudite, en Israël, en Cisjordanie puis en Turquie.

IL Y A 20 ANS, HALABJA...

Vingt ans après le bombardement chimique de la ville de Halabja par l’armée irakienne, qui avait fait plus de 5000 victimes, des commémorations ont eu lieu à la fois au Kurdistan et dans le monde entier.

A Halabja, les habitants, vêtus de noir, se sont rassemblés au centre de la ville, avec des portraits des victimes. Une statue à la mémoire de Omar Haro, mort sur le seuil de sa maison un bébé dans les bras et dont le cliché avait été diffusé à l’époque par tous les médias a été inaugurée.

Les habitants en ont aussi profité pour réclamer l’application de la peine de mort prononcée en juin 2007 contre Ali Hassan Al Majid, dit « Ali le Chimique », principal artisan de l’Anfal des Kurdes.

Le gouvernement irakien a promis six millions de dollars à la ville, sans préciser à quel type de projets cet argent sera alloué, et a également assuré qu’une enquête sera ouverte pour identifier les sociétés ayant fourni au régime de Saddam Hussein les armes chimiques utilisées en 1988.

Le Gouvernement régional du Kurdistan et la province de Suleimanieh ont, pour leur part, promis à Halabja 23 millions de dollars, selon le maire Fouad Salih, ce qui pourrait être, si l’argent est réellement alloué, l’aide la plus importante accordée à Halabja jusqu’ici.

Les habitants se plaignaient depuis des années d’être laissés pour compte dans le développement de la Région kurde, notamment en matière de santé, de routes, d’éducation et de logement. « L’année 2007 fut marquée d’une pierre blanche dans la réhabilitation de Halabja, explique Fouad Salih à Institute for War and Peace Reporting. « Plusieurs millions de dollars ont déjà été dépensés. Cette année, encore plus de projets seront mis en place. »

Le Conseil provincial de Suleimanieh a promis six milliards de dinars irakiens (5 millions de dollars) pour la santé, les routes et les égouts. Le Gouvernement kurde a offert quatre millions de dollars pour rénover un hôpital d’une capacité de cent lits, et 13 millions dollars pour la construction d’un autre établissement hospitalier destiné tout spécialement aux victimes des attaques chimiques, ainsi qu’à celle de trois écoles, d’un coût de près de 800 millions de dinars chacune.

Cependant, des habitants restent sceptiques car beaucoup de promesses faites dans le passé n’ont jamais été tenues, même si le porte-parole du Gouvernement régional kurde, Jamal Abdullah, a indiqué que 500 maisons avaient été construites l’année dernière et que l’on prévoyait d’en construire encore 1000 cette année.

TURQUIE ET IRAK : BALLET DIPLOMATIQUE ET BOMBARDEMENTS

Une semaine après la fin de l’incursion militaire turque au Kurdistan d’Irak, le président irakien Jalal Talabani s’est rendu en début de mois à Ankara pour une « visite de travail ». Il a été accueilli par le vice-Premier ministre Cemil Cicek, avant de rencontrer le président Abdullah Gül, avec qui il a donné une conférence de presse. Puis il a déjeuné, le lendemain de son arrivée, avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie souhaitait, par cette venue « tourner la page » après l’incursion en Irak qui visait, selon elle, uniquement les bases du PKK. C’est au cours de ces opérations militaires que Jalal Talabani avait été invité à se rendre à Ankara, invitation qu’il avait acceptée, s’attirant les critiques des Kurdes de la Région du Kurdistan comme de Turquie, même si ces entretiens ne portent que officiellement sur la coopération énergétique avec l’Irak.

Jalal Talabani a cependant réitéré son opposition à d’autres actions militaires dans son pays : « Je suis le président de l'Irak et j'ai prêté serment sur le Coran de préserver l'intégrité territoriale et l'union de ce pays. Bien sûr que je ne veux pas d'une nouvelle opération ». Il a aussi qualifié d’ « indispensable » le dialogue avec le Gouvernement régional kurde pour régler le problème du PKK.

Le président Talabani a aussi exprimé le voeu d’établir des « liens stratégiques et solides » entre les deux pays et a appelé les entrepreneurs turcs à investir en Irak. « Je peux vous assurer que vous bénéficierez de toutes sortes d'aides en Irak, aussi bien au Kurdistan irakien que dans le sud, à Bagdad ». Jalal Talabani a par ailleurs fait état d’un budget irakien de « plus de 25 milliards de dollars pour des investissements et des projets stratégiques ».

Le ministre d'Etat turc chargé du Commerce extérieur, Kürsad Tüzmen a reçu, dans le même temps, le ministre irakien du pétrole, Hussein Shahristani, pour finaliser un « accord de partenariat économique renforcé », qui aura pour « objectif d'intégrer les économies des deux pays autant que possible pour former une zone commune de prospérité ». Kürsad Tüzmen a aussi souligné que « la priorité de la Turquie était d'investir dans le développement des champs de gaz irakiens, pour l'importation et pour servir de lien vers l'Europe ». Quant au ministre turc de l'Energie, Hilmi Güler, il a évoqué de nouveau le projet de construction d'un second oléoduc entre l'Irak et la Turquie. Les exportations turques en Irak ont atteint 2,82 milliards de dollars (1,83 milliard d'euros) en 2007 et les importations irakiennes en Turquie 650 millions de dollars (422 millions d'euros), selon les statistiques officielles turques. Le volume des échanges bilatéraux attendu en 2008 a été, lui, a évalué à 6 milliards de dollars. Mais le ministre turc a annoncé que l'objectif pour 2010 était de 20 milliards de dollars.

Cela n’a pas empêché les bombardements turcs de se poursuivre contre les bases du PKK au Kurdistan d’Irak, ainsi que le survol du territoire irakien par les avions de reconnaissance turcs. Le Gouvernement régional du Kurdistan a confirmé les attaques mais a indiqué qu’il n’y avait pas eu de victimes civiles. Dans la province de Duhok, les villages de Sbindar, Bitkar, et Brorai Bala ont été ainsi touchés.

Le 28 mars, un convoi militaire de 250 véhicules a fait route vers le Kurdistan d’Irak, poussant jusqu’au village de Derecik dans la province de Hakkari province. Selon l’agence de presse Dogan, le convoi roulait tous feux éteints. Quelques jours auparavant, des hélicoptères avaient déposé des troupes dans la ville de Semdinli. Il s’agit de la plus importante manoeuvre depuis l’attaque de février dernier. Depuis le 11 mars, six « zones de sécurité temporaires », visant à y interdire ou limiter les déplacements des civils, ont été instaurées dans le Kurdistan de Turquie, dans les provinces de Siirt, Sirnak et Hakkari, près de la frontière.

Pour bilan de ses attaques, l’armée turque a indiqué avoir tué 15 combattants kurdes dans la région d’Avasin-Basyan.

En visite à Ankara le 24 mars, Dick Cheney a déclaré que les Etats-Unis soutenaient le combat de la Turquie contre le PKK dans le « nord de l’Irak » mais qu’il souhaitait s’assurer que cela n’aggraverait pas les tensions dans ce pays.

Auparavant, Dick Cheney s’était rendu à Bagdad, puis à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Selon l’ambassadeur des Etats-Unis en Turquie, Ross Wilson, Dick Cheney aurait fait part de ses impressions aux officiels turcs, sur sa rencontre avec Massoud Barzani, en affirmant que le gouvernement central irakien, comme les dirigeants du Kurdistan, étaient d’accord pour coopérer avec la Turquie afin de résoudre le problème du PKK. « Les USA ont toujours encouragé les parties au dialogue, a ajouté Ross Wilson, sans rapporter les propos tenus entre Dick Cheney et les dirigeants turcs.

Après la visite de Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, une délégation turque du ministre des Affaires étrangères, menée par Murat Özcelik a rencontré le 28 mars le gouverneur de la province de Duhok (Kurdistan d’Irak) et le directeur du bureau des Affaires étrangères du Parti démocratique du Kurdistan (KDP), Safeen Diyazee. C’était le premier contact officiel entre des responsables de la Région du Kurdistan et la Turquie.

Puis la délégation turque s’est rendue à Bagdad et à Basra, où la Turquie envisage d’ouvrir un consulat, et à Mossoul. Avant de retourner en Turquie, en passant par le poste-frontière du Khabour, Elle a de nouveau rencontré des officiels du Gouvernement régional du Kurdistan.

En parallèle avec ces opérations armées, et peut-être en raison des pressions américaines, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan a déclaré le 13 mars vouloir investir 15 milliards de dollars dans des projets de développement et d'infrastructure dans le sud-est kurde, ainsi que de lancer une chaîne de télévision en kurde.

Ce projet de « développement du sud-est » existe en fait depuis les années 1980, et il comprend notamment la construction très controversée de barrages dans les régions kurdes, qui se sont jusqu’ici traduits par des expropriations et n’ont guère amélioré le sort de la population rurale, en permettant surtout la reconstitution de grandes propriétés aux mains d’une minorité ayant partie liée avec le pouvoir en place. Le barrage d’Ilisu, qui doit noyer la ville de Hasankeyf rencontre aussi une forte opposition en raison de l’intérêt historique et éco-humain particuliers de ce site. En plus des barrages, le Premier ministre veut mettre en place des systèmes d’irrigation, et aussi commencer le déminage des régions frontalières avec la Syrie.

Il a également annoncé le lancement prochain d’une chaîne de télévision en kurde, persan et arabe, par le groupe public, sans préciser le nombre d’heure et la teneur des programmes diffusés. La TRT diffuse déjà, depuis 2004, des programmes courts en langue kurde, mais avec de nombreuses restrictions (sous-titrage obligatoire en turc, interdiction de programmes destinés aux enfants) qui font que ces émissions n’offrent que peu d’intérêt aux yeux des Kurdes, alors que plusieurs chaînes de télévision satellites, émanant d’Europe ou du Kurdistan d’Irak, présentent des programmes complets.

ASSASSINAT DE L’ARCHEVEQUE DE MOSSOUL

L’archevêque chaldéen de Mossoul, Mgr Paulos Faraj Rahho a été retrouvé mort le 13 mars dans les environs de Mossoul, où ses ravisseurs l’avaient enterré. La nouvelle a été officiellement annoncée par Mgr Shlemon Warduni, l'archevêque auxiliaire de Bagdad.

Mgr Raho, âgé de 65 ans, avait été enlevé le 29 février dernier, alors qu’il circulait en voiture avec son chauffeur et deux gardes du corps, tous tués lors de l’opération. Ses ravisseurs avaient ensuite contacté les autorités religieuses en exigeant un million de dollars. Mais selon Mgr Rabban Al Qas, évêque d’Amadiyya, Mgr Raho refusait que cette rançon soit payée tout comme Mgr Casmoussa, archevêque syrien catholique de Mossoul, qui avait lui aussi refusé qu’une rançon soit payée lors de son enlèvement en janvier 2005, et avait été libéré 24 heures plus tard.

L’archevêque avait déjà été menacé par des groupes mafieux ou islamistes et lors de la visite de Mgr Stenger, évêque de Troyes, il avait fait état, le 13 février, d’une « visite » de terroristes à son presbytère qui lui avaient réclamé 500 000 dollars. Il n’avait pas cédé à ces exigences, tout comme il n’avait pas voulu quitter Mossoul pour Al-Qosh, lieu protégé par les Peshmergas de la Région kurde, et où se sont réfugiés beaucoup de religieux.

Toujours lors de la délégation française menée par l’évêque de Troyes, Mgr Rahho avait déclaré, devant la tombe du père Rajhid Ganni, enlevé à Mossoul et égorgé en juin 2007 : « Il est mort en martyr. C’est pour notre communauté une grande perte mais aussi un grand témoignage. Abuna Rajhidnous encourage à rester sur cette terre chrétienne depuis le Ier siècle de notre ère ».

Mgr Raho avait, par ailleurs, de très bonnes relations avec les musulmans de Mossoul, victimes eux aussi d’enlèvements et d’assassinats de la part de groupes extrémistes ou mafieux, ce que confirme Mgr Rabban Al Qas : « Les musulmans de Mossoul sont choqués et révoltés par cet assassinat. Les chefs religieux viennent nous dire que Mgr Rahho n’était pas seulement l’évêque des chrétiens mais aussi le leur. Ils viennent se recueillir autour de sa dépouille, ils pleurent un fils de Mossoul et nous demandent de rester avec eux, de ne pas fuir cette terre que nous avons tous en partage. »

S’exprimant sur cet assassinat, Mgr Stenger confie : « Cet homme innocent a été la victime d’un système pourri où la vie des gens n’a pas de prix. Je me sens impuissant devant tant d’horreur mais je resterai encore plus mobilisé, encore plus engagé pour que la violence ne l’emporte pas, pour que l’on n’oublie pas l’Irak, pour que l’horreur n’ait pas le dernier mot. »

Paulos Faraj Rahho est né en 1942 à Mossoul, où il a passé presque toute sa vie. Entré en 1954 au séminaire Saint-Pierre de Bagdad, il est ordonné prêtre le 10 juin 1965, et exerce dans sa ville natale, à l'église Saint Isaïe. Il est ordonné archevêque de Mossoul le 16 février 2001. Souffrant de problèmes cardiaques, qui nécessitaient impérativement un traitement médical qui s’est interrompu, il est mort entre les mains de ses ravisseurs, qui l’ont alors enterré et averti les autorités ecclésiastiques.

Le pape Benoît XVI a envoyé, à l’annonce de son décès, un télégramme au patriarche des Chaldéens, Emmanuel III Delly, dans lequel il déplore vivement « un acte d’une violence inhumaine qui offense la dignité de l’être humain et qui nuit gravement à la cause de la convivialité fraternelle du bien-aimé peuple irakien » et lors de la célébration de la Semaine Sainte a Benoît XVI a par ailleurs assuré qu’il prierait spécialement pour Mgr Rahho « au terme de la célébration du chemin de croix en demandant au Seigneur sa miséricorde pour que ce tragique événement serve à construire un futur de paix sur cette terre martyre de l’Irak ».Le dimanche 16 mars, le pape a célébré au Vatican une messe à son intention.

CELEBRATIONS DU NEWROZ 2008

Comme chaque année, le Nouvel An kurde a été largement fêté dans le monde, que ce soit au Kurdistan ou dans la diaspora. A Paris, il fut officiellement et pour la première fois célébré au siège du Conseil régional d’Ile-de-France, à l’initiative de l’Institut kurde de Paris, avec le soutien et la présence de son président M. Jean-Paul Huchon et de Jean-Vincent Placé, président du groupe des Verts au Conseil. Le représentant du Gouvernement régional du Kurdistan y assistait aussi. Plusieurs chanteurs kurdes, venus de tous horizons, du Kurdistan d’Irak, de Géorgie, de Russie, ainsi que Issa Hassan, de Paris, se sont produits tour à tour, devant un public nombreux, aussi bien kurde que français.

Le Newroz a été diversement fêté par les Kurdes en Turquie, les célébrations se déroulant d’abord pacifiquement à Diyarbakir, violemment à Van ou Hakkari.

A Diyarbakir, capitale du Kurdistan de Turquie, où la fête était autorisée, des centaines de milliers de Kurdes se sont rassemblés, sous la surveillance de centaines de policiers anti-émeutes et de forces armées. Toute la journée du 21 mars, les festivités se sont déroulées sans incident, car les autorisations n’avaient été données que pour ce jour. Toute autre célébration ou manifestation au-delà de cette date ont été considérées comme illégales et réprimées.

Aussi, le samedi 22 mars, alors que la préfecture de Van avait interdit la prolongation des festivités, des défilés ont eu lieu malgré tout. Deux membres du DTP, le parti pro-kurde, participaient au défilé. La police a voulu d’abord disperser les manifestants avec du gaz lacrymogène et des canons à eau, qui ont riposté avec des cocktails Molotov et des barricades. Les sources policières font aussi état de saccages de boutiques, ainsi que de bâtiments officiels, en évaluant le nombre des émeutiers à 1500. 132 personnes ont été arrêtées dont le président du DTP de la région et son adjoint.

Les émeutes ont fait deux morts à Van et Yuksekova. De source officielle, 53 personnes ont été blessées, dont 15 policiers. Parmi les blessés, trois sont en unité de soins intensifs et un policier figure parmi eux.

Plusieurs chaînes de télévision ont montré des scènes où des manifestants assis, dont parmi eux des femmes, étaient frappés violemment par la police, ou chargés avec des véhicules blindés, tandis que des adolescents, visages masqués, lançaient des pierres sur les forces de l’ordre.

Même les villes en dehors des régions kurdes, mais comportant une importante population kurde, comme Adana ou Izmir, ont été gagnées par l’agitation. A Mersin, 10 personnes ont été arrêtées, après que des manifestants aient brûlé des pneus dans les rues, lancé des pierres sur les policiers et attaqué des boutiques. A Izmir, 18 personnes ont été arrêtées, de façon « préventive » par la police.

A Urfa, 93 personnes ont été embarquées par les policiers, en plus des 16 manifestants détenus à Viransehir depuis le 21 mars, après que des cocktails Molotov et des pierres aient été lancées sur les forces de l’ordre.

A Hakkari, 16 personnes, dont trois policiers, ont été blessées et 17 des manifestants ont été arrêtés et maintenus en détention. Pour la totalité du pays, les arrestations s’élèvent à 300.

Toujours en rapport avec les événements du Newroz, une enquête vient d’être ouverte contre la députée DTP Pervin Buldan, pour « apologie d’activité criminelle », lors d’un discours prononcé durant la fête à Igdir.

A Siirt, où la célébration du Newroz avait été interdite, 5 personnes ont été blessées, dont deux policiers. Par ailleurs le chef de la police de Siirt a refusé de serrer la main du député DTP Akin Birdal en disant : « Je ne serre pas la main de ceux qui refusent d’appeler terroriste un tueur d’enfant », en faisant allusion à Öcalan. Akin Birdal a alors répliqué : « Je suis un parlementaire, et un responsable public en charge de la sécurité de l’Etat ne devrait pas adopter une telle attitude ni parler ainsi », en ajoutant : « Je m’exprime en tant que citoyen. »

Selon Akin Birdal, le ministre de l’Intérieur, Besir Atalay, avait promis qu’il prendrait toutes les mesures pour que ces célébrations et les manifestations restent pacifiques, mais “il est clair que ses ordres n’ont pas été suivis. » Il a aussi indiqué que le DTP interpellait le gouvernement au parlement sur les violences policières « excessives » et sur le comportement du chef de la police de Siirt. Quant au Premier ministre, Recept Tayip Erdogan, il a refusé de rencontrer le DTP, malgré plusieurs demandes des responsables de ce parti.

Plusieurs responsables du DTP et des parlementaires de ce groupe ont aussi accusé le gouvernement et les forces de sécurité, dans une conférence de presse tenue à Diyarbakir. Le président du DTP pour la province de Diyarbakir, Necdet Atalay, a ainsi souligné le fait que partout où les célébrations étaient permises, elles s’étaient déroulées sans incident. Il a aussi critiqué « l’hostilité » des forces de sécurité à Van et Yüksekova. A cette conférence de presse participaient également Aysel Tugluk députée de Diyarbakir, Ayla Akat Ata députée de Batman, Osman Özçelik de Siirt, ainsi que le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir.

Pour sa part, le Part des travailleurs du Kurdistan (PKK) a menacé la Turquie de représailles après les violences du Newroz au Kurdistan de Turquie.

A Qameshli, ville kurde à l’est de la Syrie, les forces de sécurité syriennes ont ouvert le feu sur des jeunes Kurdes qui marchaient dans les rues de la ville, en chantant et portant des bougies pour célébrer leur Nouvel An, faisant trois morts et cinq blessés graves.

Muhammad Yahya Khalil et Muhammad Zaki Ramadan sont morts sur le coup, quand la police a ouvert le feu. Muhammad Mahmoud Hussein est mort plus tard à l’hôpital. Les victimes étaient âgées de 18 à 25 ans.

Ces graves incidents ont été condamnés à la fois par les organisations de défense des droits de l’homme en Syrie et par le président de la Région du Kurdistan d’Irak, Massoud Barzani, qui a fait à ce sujet une déclaration le 23 mars: « Nous condamnons fortement le meurtre des victimes innocentes de Qamishli. Ces personnes voulaient juste célébrer le début du nouvel an et n’avaient commis aucun crime. » Le président kurde a souhaité une enquête sur les circonstances de ces morts et a appelé le président syrien a punir les « responsables de ce crime. »

L’organisation Human Rights Watch a également appelé à une enquête sur les circonstances dans lesquelles les forces syriennes ont ouvert le feu, et qui laissent préjuger une répression immodérée et disproportionnée en « violation des lois internationales ». « Les autorités syriennes doivent justifier la raison pour laquelle leurs forces ont tiré sur une fête kurde » a déclaré Joe Stork, le directeur du département du Moyen-Orient de Human Rights Watch, avant d’ajouter que les responsables devaient être jugés.

Des témoins directs ont ainsi raconté les faits à l’organisation de défense des droits de l’homme : Environ 200 personnes s’étaient rassemblés vers 18 heures 30 dans une rue de la partie occidentale de Qamisli. Ils ont allumé des bougies sur le bord de la route et un feu de joie au milieu, afin de danser autour comme le veut la tradition. « C’était une célébration de Newroz, pas une manifestation politique » a affirmé un des participants.

Le 29 mars, les Etats-Unis ont officiellement condamné ces trois morts en demandant à la Syrie de faire toute la lumière sur ces incidents.

"Les Etats-Unis condamnent l’attaque contre la population des Kurdes de Syrie par les forces syriennes de sécurité, qui ont fait trois victimes civiles et en ont blessé plusieurs autres » a déclaré le porte-parole du Département d’Etat Sean McCormack. « Nous appelons le gouvernement syrien à s’abstenir de mesures violentes pour réprimer les civils kurdes et à ouvrir une enquête complète et indépendante sur ces incidents. »

Dès le début du mois de mars, des arrestations avaient eu lieu dans les milieux kurdes, peut-être à la faveur d’une politique préventive « d’intimidation ». Ainsi, quelques jours avant le Newroz, l’écrivain Pîr Rustem, membre du Parti démocratique du Kurdistan, a été arrêté à son domicile. Les services syriens se sont également saisis de ses papiers, ordinateur et téléphone portables. A Damas, quatre Kurdes, tous frères, ont été arrêtés dans leur boutique de tailleurs alors qu’ils confectionnaient des vêtements kurdes pour le Newroz.

IRAK : LOI PETROLIERE ET BLOCAGE DES CONTRATS PASSES AU KURDISTAN

Bagdad entend bloquer tous les contrats signés avec les sociétés étrangères par le Gouvernement régional du Kurdistan. C’est ce qu’a déclaré le 9 mars le ministre irakien du Pétrole, Hussein Shahristan, dans une conférence de presse donnée à Ankara conjointement avec le ministre turc du pétrole, Hilmi Guler en début de mois.

»Aucun contrat signé avec une quelconque région d’Irak ne sera reconnu par le gouvernement irakien. Les sociétés ne seront pas autorisées à travailler sur le territoire irakien tant que leur contrat ne sera pas approuvé par le gouvernement central à Bagdad. »

En novembre 2007, ce même ministre avait déjà annoncé l’annulation de 15 contrats passés avec des sociétés pétrolières par le Gouvernement régional kurde. Le Premier ministre du Kurdistan, Nêçirvan Barzani, avait cependant assuré que tous les contrats déjà passés seraient honorés, et que personne ne pouvait les annuler. Par la suite, sept contrats supplémentaires avaient été signés par la Région du Kurdistan, malgré l’insistance du ministre irakien à les considérer comme « illégaux ». Hussein Sharistani a même tenté d’user de la menace envers les sociétés, en affirmant qu’elles n’auraient, dans l’avenir, aucune chance de travailler avec le gouvernement irakien. Mais ces menaces ont eu peu d’effet, d’autant qu’à Bagdad la question est loin de faire l’unanimité. Ainsi, le porte-parole de l’Assemblée nationale irakienne, a, dès le 10 mars, contesté ce point de vue, en affirmant que ces contrats étaient en accord avec la constitution irakienne. Mais il a ajouté que la Commission des amendements constitutionnels avaient reçu des demandes de « certaines parties », réclamant un contrôle des ressources naturelles par le pouvoir central, et que, dans ce contexte, quelques modifications étaient en cours. Mais Al-Mashahadani n’a pas précisé si ces amendements constitutionnels satisfaisaient ou non à une telle demande. Sur la légalité contestée des contrats passés avec le Kurdistan, le porte-parole du parlement irakien a indiqué que la Cour fédérale aura le dernier mot.

Concernant la Loi sur le pétrole et le gaz, en cours de rédaction, Al-Mashahadani a déclaré que près de 90% du travail avait été achevé, mais qu’il restait des aspects « économiques et techniques » à régler et qu’ils attendaient pour en discuter la prochaine session parlementaire.

Par ailleurs le groupe pétrolier norvégien DNO International, qui a été la première compagnie étrangère autorisée à prospecter en Irak après la chute de Saddam Hussein, a annoncé la révision des contrats conclus avec le Gouvernement régional du Kurdistan, afin de les rendre conformes à la nouvelle législation irakienne.

IRAK : VIOLENTS AFFRONTEMENTS ENTRE LES MILICES SADRISTES ET LES FORCES IRAKIENNES

De violents combats ont opposé tout le mois de mars les milices chiites d’As Sadr aux troupes régulières irakiennes, notamment autour de Basra. L’armée « Al-Mahdi » refuse en effet le désarmement des milices et groupes armés voulu par le gouvernement irakien, qui a fait passer une loi en ce sens.

De Basra les combats se sont étendus à Bagdad et à d’autres villes, faisant plus de 275 victimes. Le général américain Kevin Bergner a indiqué dans une conférence de presse que près de 2000 soldats des forces irakiennes ont été envoyés à Basra, alors que le Premier ministre Al-Maliki avait donné 72 heures aux sadristes pour déposer les armes. A Bagdad, les partisans de Moqtada As-Sadr ont protesté dans les rues en demandant la démission de Nouri Al-Maliki et le chef de l’armée du Mahdi a menacé de lancer une guerre civile si les attaques contre ses milices se poursuivaient.

George Bush, quant à lui, a qualifié les affrontements comme étant une étape « positive » pour le développement des forces de sécurité irakienne et la preuve que le gouvernement de Bagdad était à même d’assurer lui-même sa défense en l’assurant de son soutien contre les « éléments criminels » de Basra.

Nouri Al-Maliki, dans une déclaration, a affirmé être intervenu à Basra à la demande des civils « d’être protégés contre les gangs armées qui les terrifiaient. Un correspondant AFP, localisé à Basra a mentionné de lourds combats dans la journée du 27 mars, les milices attaquant l’armée irakienne avec des tirs de mortier, des rockets et des grenades. Le chef de la police de Basra, Abdul Jalil Khalaf, a survécu à un attentat suicide à la voiture piégée lancé contre lui, où trois policiers ont péri.

Dans la ville de Karbala, des heurts se sont produits en plusieurs endroits, en dépit du couvre-feu. Un témoin anonyme a ainsi raconté au site Web PUKMedia qu’un groupe armé avait attaqué le poste de police d’Al-Ghadir police station, et que des tirs de mortiers s’étaient même fait entendre. »

Le 28 mars, le couvre-feu a été étendu à Bagdad de 11 heures du soir à 5 heures du matin. Le 30 mars les combats se poursuivaient dans les villes de Basra, Hilla, Kout, Nassiria, Karbala et Babylone, ainsi qu’à Bagdad.

Alors qu’il se trouvait à Damas, à un sommet arabe, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hosyar Zebari a affirmé que son gouvernement était résolu à se battre jusqu’à la victoire contre les milices chiites et qu’il n’y avait pas de dialogue possible avec les sadristes tant que les combats se poursuivraient. « Ces milices, ces bandes organisées, cherchaient à dominer la situation à Basra et à prendre le contrôle des points vitaux... Ils étaient impliqués dans le trafic de pétrole, le crime organisé et l’infiltration des structures gouvernementales, en encourageant la corruption à tous les nivaux. »

Hoshyar Zebari a ajouté que le terrain des combats était rendu plus compliqué par les rivalités entre les milices chiites qui sont en compétition pour le pouvoir et leur influence sur les districts du sud de l’Irak, à l’approche des élections d’octobre. Il a nié, par ailleurs, une implication directe de l’Iran dans le conflit : « L’Iran a une influence à Basra, où il a un consulat, mais je pense que c’est plus un conflit interne d’intérêts entre les différentes milices opérant à Basra ».

Selon le ministre irakien, il est difficile de prédire combien de temps les affrontements peuvent durer, en expliquant que les forces irakiennes manquaient de moyens militaires aériens, mais que les Américains étaient prêts à leur fournir cette aide. Hosyar Zebari a nié que ce conflit soit une insurrection générale des chiites, en affirmant que la majorité des chiites soutenaient le gouvernement.

Le président irakien Jalal Talabani et le président de la Région du Kurdistan ont fait part le même jour de leur soutien au Premier ministre Nouri Al Maliki, dans ses efforts pour faire appliquer une loi sur le démantèlement des milices. Le Conseil de la présidence irakienne a appelé la population, les tribus, les partis politiques à coopérer avec les forces de sécurité pour l’élimination des groupes armés, et pour que Basra s’engage sur la voie de « la sécurité, la prospérité et la reconstruction ».

AINSI QUE...

UN APPELE DE 71 ANS SOUS LES DRAPEAUX : LA COUR EUROPEENNE CONDAMNE LA TURQUIE

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie à verser 5000 euros en dédommagement à un Kurde de 71 ans qui avait été incorporé de force dans l'armée pour y faire son service militaire. Durant 4 semaines, malgré son âge et son état physique, Hamdi Taştan avait dû subir l'entraînement physique des jeunes appelés.

Ce berger analphabète, et qui ne parle que le kurde, est né en 1929. Mais il n’a jamais quitté son village et n’a été enregistré à l'Etat-civil qu’en 1986. Bien que sur les actes officiels, il apparaisse comme « célibataire sans enfant » Hamdi Taştan est en fait veuf avec un fils à charge. Après le décès de son épouse, il aurait cessé son activité de berger pour s’occuper de son enfant. En représailles, ses anciens employeurs l’auraient dénoncé aux autorités comme « déserteur ».

Le 15 février 2000, Hamdi Taştan est convoqué par la gendarmerie qui l’emmène au bureau de recrutement militaire de Şanlıurfa. Là, il subit un examen médical par les médecins militaires, qui décident, malgré son âge (71 ans) qu’il est apte au service. Le vieil homme est donc envoyé à Erzincan pour y suivre pendant un mois une instruction militaire, au même titre que les appelés d’une vingtaine d’années. M. Taştan indique avoir subi par ailleurs des « traitements dégradants » et vexatoires de la part de ses officiers. Sa santé physique en souffrit, d’abord en raison des difficultés à s’alimenter alors qu’il est édenté, et aussi des très basses températures ( jusqu’à – 30°c) qui lui occasionnèrent des problèmes cardiaques. Il se plaint aussi de n’avoir pu, à aucun moment, communiquer avec son fils resté au village.

Après son instruction, Hamdi Taştan incorpora la 10e brigade d’infanterie à Erciş (Van). Là, son état physique empira. Mais il dut attendre d’être examiné à deux reprises par un médecin avant d’être admis à l'hôpital militaire de Van, puis celui de Diyarbakır.

Ce n’est que trois mois après sa convocation sous les drapeaux, le 26 avril 2000, que Hamdi Taştan put enfin obtenir un certificat d’inaptitude au service militaire, en raison d’une « insuffisance cardiaque et de son âge ». Par la suite, le dossier de son service militaire fut détruit par l’armée, « conformément à la pratique suivie dans des cas similaires, aux dires du Gouvernement turc ».

IRAN : UN JOURNALISTE CONDAMNE A MORT POUR LA SECONDE FOIS

Le journaliste kurde Hiwa Boutimar a été condamné à mort pour la seconde fois en Iran, la Cour suprême venant de confirmer la sentence.

Hiwa Boutimar avait été condamné une première fois en juillet 2007 pour « espionnage », avec Adnan Hassanpour, un autre journaliste. En novembre 2007, ce dernier avait été gracié. Mais à son second procès, malgré une campagne internationale lancée en sa faveur, la sentence a été maintenue. Le président de la Commission européenne, le portugais Jose Manuel Barroso, les gouvernements italiens et français, ainsi que 60 députés italiens ont demandé la levée de cette condamnation.

ISTANBUL : UN KURDE D’IRAK MENACE A L’AEROPORT POUR « TENTATIVE DE CREER UN PAYS »

Un Kurde d'Irak, citoyen britannique, qui, pour se rendre au Kurdistan d'Irak était passé par la Turquie, a été violemment agressé par les forces de sécurité de l'aéroport d'Istanbul, où il était en transit, pour la seule mention de son lieu de naissance, « Duhok, Kurdistan », figurant sur sa carte d’identité.

M. Abdulrahman, qui se rendait à Duhok pour voir sa famille, après avoir passé la passe la barrière de contrôle des passeports s’est vu soudain entouré de policiers qui l'ont insulté et malmené, l'un d'eux pointant même son arme sur sa tempe.

Ne parlant pas le turc, et les policiers ne parlant pas anglais, M. Abdulrahman ne pouvait savoir ce qui lui était reproché, jusqu’à ce qu’une femme, membre du personnel de l'aéropor,t lui explique son « crime » : « Tentative de créer un pays », car, précisa-t-elle : « Il n'y a pas de pays qui s'appelle Kurdistan. »

BOMBARDEMENTS IRANIENS SUR LA FRONTIERE KURDE

En visite à Bagdad, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait appelé le 2 mars à une coopération entre l'Iran, la Turquie et l'Irak pour combattre les combattants kurdes du PKK, lors d’une conférence de presse.

Le 23 mars, le chef du district de Zarawa a signalé des bombardements d’artillerie sur la frontière par l’armée iranienne, mais sans faire de victimes. Les tirs visaient les villages de Rizka, Mardo, Shinawa, Sorkola, Basti, et Spikola, dans le district de Qala Diza, à 160 km au nord-est de Sulaimaniyeh. Ils n’ont pas fait de victimes mais ont contraint les habitants de huit villages à évacuer les lieux.

Ces attaques, selon Téhéran, visent les combattants kurdes du PJAK, proches du PKK, en lutte contre l’Iran.

ATTENTAT SUICIDE A SULEIMANIEH : UN MORT

Le 10 mars, à 18h40, une voiture piégée conduite par un kamikaze a explosé devant le plus grand hôtel de Suleimanieh, le Palace, faisant un mort et trente blessés. Bien que l’attentat n’ait pas été revendiqué, les autorités soupçonnent les réseaux liés à Al-Qaeda d’être à l’origine de l’attaque. Selon les forces de l’ordre, le kamikaze était un homme âgé d’une vingtaine d’années.

A l’approche du Newroz, la sécurité a été renforcée dans la ville ainsi qu’aux check-points sur les routes et à l’entrée des agglomérations. Le Gouvernement kurde a exprimé son indignation contre cette « attaque lâche visant des innocents ».

Aucun attentat n’avait touché Suleimanieh depuis octobre 2005. L’hôtel Palace recevait de nombreux hommes d’affaire et des officiels de l’Union patriotique du Kurdistan. Les deux groupes islamistes les plus susceptibles d’être impliqués, selon les observateurs locaux, sont l’Etat islamique d’Irak et Ansar al-Sunna.

Les dégâts n’ont pas seulement touché l’hôtel mais aussi le Zagros un supermarché voisin, des boutiques de mode et un café. Le directeur du supermarché Zagros, Sirwan Muhssin, a indiqué avoir perdu 50% de sa clientèle depuis l’attentat et des pertes d’environ 8,000 dollars US.

ELECTIONS LEGISLATIVES EN IRAN : VICTOIRE DES CONSERVATEURS

Les élections législatives qui ont commencé à la mi-mars en Iran montrent une nette progression des conservateurs, ce qui renforcerait la position du Guide suprême l’ayatollah Khamenei, mais mettrait en difficulté le président Mahmoud Ahmadinejad. Quant aux candidats partisans des réformes, ils ont eu à subir un filtre assez sévère de la part du comité électoral chargé d’agréer leur candidature avant les élections, mais leurs résultats semblent satisfaisants, puisqu’ils pourraient obtenir 40 sièges de plus à l’assemblée iranienne.

Lors de ce premier tour, 190 députés sur 290 avaient déjà remporté leur siège. Parmi eux, 67 sont des partisans du président iranien, 30 sont des réformateurs et les conservateurs hostiles à Ahmadinejad ont d’ores et déjà obtenu 46 sièges. Les candidats indépendants affirment avoir remporté 42 sièges, tandis que 5 sont réservés aux minorités juives, zoroastriennes et chrétiennes.

Les élections doivent se poursuivre le mois prochain et selon un ministre iranien, les conservateurs espèrent obtenir au final 70% des sièges, ce qui pourrait signifier un durcissement dans la politique étrangère du pays, notamment sur la question du nucléaire.