Publié le 18 octobre 2019
Tribune. Il existe un gros mot, qui commence par un « G » et que l’on n’a pas le droit de prononcer en ces heures en Turquie, il s’agit du mot guerre. Au mépris de toute vérité, M. Erdogan [le président turc] et ceux qui le soutiennent attaquent des civils kurdes, et qualifient cette invasion militaire d’« opération » : Opération Source de Paix, en fait. En Turquie, parler de guerre revient à se désigner comme traître. Les quelques voix libres qui s’élèvent dans le pays doivent s’attendre à des représailles atroces : prison, diffamation, mise au ban de la société. La dissidence n’est guère permise. Le carnage des Kurdes, la négation de leur indépendance, de leurs droits, de leurs rêves, sont selon Erdogan une nécessité vitale pour le peuple turc.
Face à tout cela, et afin de faire échec à ce récit mensonger de la réalité, l’Europe doit faire preuve d’unité, de détermination et de cohésion. Nous n’avons pas le droit d’abandonner les Kurdes à leur sort. Après la trahison de M. Trump, leur dernier recours est de faire appel à l’Europe.
La cause des Kurdes nous concerne parce que des guerres sont menées avec des armes que nous fabriquons et que nous vendons (la décision des ministres européens d’interdire les ventes d’armes à la Turquie était une mesure nécessaire, quoique tardive), elle nous concerne aussi parce que les Kurdes étaient le seul groupe capable de contenir la pression de Daech [l’organisation Etat islamique], et elle nous concerne enfin tous, car la Turquie reçoit de l’argent de l’Europe pour retenir sur son territoire les migrants syriens. Tout cela nous concerne parce que l’Europe, que certains voudraient voir éclater, doit maintenant montrer qu’elle existe en tant qu’entité politique, territoriale, économique et, surtout, culturelle. Elle doit montrer à tous que chez elle la démocratie existe et que même si elle est menacée, elle résiste.
(Traduit de l’anglais par Lazare Bitoun)
Svetlana Alexievitch, romancière biélorusse, Prix Nobel de littérature en 2015. Dernier titre paru : La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement (Actes Sud, 2013, prix Médicis essais) ;
Fernando Aramburu, écrivain espagnol. Dernier livre paru : Patria (Actes Sud, 2018) ;
Marc Augé, anthropologue français. Dernier titre paru : L’Avenir des terriens (Albin Michel, 2017) ;
Martin Caparros, écrivain argentin. Dernier livre paru : A qui de droit (Buchet Chastel, 2017) ;
Annie Ernaux, écrivaine française. Dernier titre paru : Mémoire de fille (Gallimard, 2016);
Elena Ferrante, écrivaine italienne. Dernier titre paru : Frantumaglia. L’écriture et ma vie (Gallimard, 464 p., 23 €) ;
Hanif Kureishi est un écrivain anglais. Dernier titre paru : L’Air de rien (Christian Bourgois, 2017) ;
Bernard-Henri Lévy, écrivain et essayiste français. Dernier titre paru : L’Empire et les cinq rois (Grasset, 2018) ;
Herta Müller, écrivaine allemande, Prix Nobel de littérature en 2009. Dernier livre paru : Tous les chats sautent à leur façon, entretien avec Angelika Klammer (Gallimard, 2018) ;
Salman Rushdie, écrivain britannique. Dernier livre paru : La Maison Golden (Actes Sud, 2018) ;
Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien. Dernier titre paru : Aux Cinq rues, Lima, Gallimard, 2017) ;
Lydie Salvayre, écrivaine française. Dernier livre paru : Marcher jusqu’au soir (Stock, 224 p., 18 €). ;
Roberto Saviano, écrivain italien. Dernier titre paru : Piranhas (Gallimard, 2018).