Mercredi 22 juin 2011 à 13h46
ANKARA, 22 juin 2011 (AFP) — Un important politicien kurde de Turquie a prévenu mercredi d'un risque de nouvelles violences après une décision des autorités électorales invalidant l'élection au Parlement d'un militant kurde célèbre, a rapporté l'agence de presse Anatolie.
"Il s'agit d'une décision visant à mener la Turquie au chaos (...) pour pousser notre peuple vers un environnement de conflit", a déclaré Ahmet Türk, dirigeant d'une plateforme d'associations kurdes, à Diyarbakir, la principale ville du sud-est anatolien peuplé en majorité de Kurdes.
"L'Etat, le gouvernement et la justice essaient de bloquer nos efforts pour créer un socle politique démocratique" en vue d'une résolution du conflit kurde, qui dure depuis 1984 en Turquie, a-t-il accusé, selon Anatolie.
Ses déclarations font suite à une décision prise mardi soir par le Haut conseil des élections (YSK) estimant que Hatip Dicle, un candidat indépendant mais soutenu par le principal parti pro-kurde de Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), ne pouvait pas avoir été élu, arguant qu'il n'était pas éligible à ces législatives du 12 juin.
Le YSK a justifié sa décision par le fait que le candidat a été condamné à 20 mois de prison pour "propagande terroriste", et que cette condamnation a été maintenue par la Cour d'appel seulement quatre jours avant les élections, après la confirmation des listes de candidats pour le scrutin.
Hatip Dicle, qui est actuellement en détention préventive pour une autre affaire, devait sortir de prison en raison de son élection au parlement dans la circonscription de Diyarbakir. Cette élection devait en effet lui octroyer une immunité parlementaire.
Il avait été condamné pour un discours qualifié de "propagande pour une organisation terroriste armée", référence au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée contre l'autorité centrale depuis 1984.
C'est dans ce contexte tendu qu'une mine a explosé mercredi au passage d'un véhicule de police dans la province de Tunceli (est), tuant deux agents, a rapporté l'agence de presse Anatolie.
Anatolie ne donne pas d'indication sur l'origine de l'engin explosif mais le PKK est actif dans cette province et a souvent eu recours à des mines dans ses opérations contre les forces de sécurité.
Le BDP, considéré comme proche du PKK, est devenu avec les dernières législatives une force politique importante avec 36 élus --bloqué par un seuil électoral de 10% au niveau national, le parti a présenté ses candidats sous l'étiquette "indépendants"--, un record pour une formation kurde.
Hatip Dicle, 57 ans, avait fait partie des premiers nationalistes kurdes à enlever un siège au parlement, en 1991.
Ces députés avaient été arrêtés en 1994 après l'interdiction de leur parti pour liens avec le PKK, passant 10 ans en prison. Parmi eux se trouvait Leyla Zana, la pasionaria kurde, qui a également été élue le 12 juin.
Hatip Dicle est retourné en prison en 2010, dans le cadre d'une enquête portant sur de présumées branches urbaines du PKK.
Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par Ankara et de nombreux pays. Il a posé lundi comme conditions pour reconduire un trêve unilatérale décrétée le 13 août 2010 un arrêt de opérations militaires et la reconnaissance de son chef emprisonné, Abdullah Öcalan, comme interlocuteur pour un règlement de la question kurde.
Le conflit kurde en Turquie a fait plus de 45.000 morts, selon l'armée.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.