Samedi 25 août 2012 à 10h17
AFRINE (Syrie), 25 août 2012 (AFP) — Sur la route menant à la ville kurde d'Afrine, dans le nord de la Syrie, des hommes armés arborant le drapeau kurde vert, rouge et jaune, laissent passer un convoi de véhicules transportant des compatriotes syriens, femmes et enfants arabes fuyant les ravages de la guerre.
Ce barrage routier montre à quel point la vie des Kurdes a changé depuis le début de la révolte contre le régime syrien de Bachar al-Assad en mars 2011.
Les hommes en faction parlent ouvertement kurde et sur leur veste est dessiné au pochoir le visage d'Abdullah Öcalan, dirigeant du PKK. La photo du chef de la rébellion kurde emprisonné en Turquie est partout sur les murs et dans les magasins d'Afrine.
Les Kurdes se sont prudemment engagés dans la révolte, cherchant surtout à tenir à l'abri leur région des violences qui, un peu plus au sud, dévastent depuis plus d'un mois Alep, deuxième ville et capitale économique de Syrie.
A la mi-juillet 2012, l'armée syrienne s'est retirée de cette zone kurde, près de la frontière turque, provoquant la colère de la Turquie, fidèle soutien aux rebelles syriens qui a accusé Damas d'avoir remis plusieurs secteurs au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement terroriste pour Ankara.
Les forces gouvernementales se sont retirées mais un poste des forces de sécurité demeure avec un portrait du président Assad accroché à la façade.
"Il ne sortent jamais du bâtiment. Ils nous appellent quand ils ont besoin d'eau ou de pain et nous leur livrons", assure Fathy, 50 ans, un des hommes en faction au barrage.
Quant aux rebelles, ils sont autorisés à entrer dans la région que s'ils ne portent pas d'armes. "Ils viennent s'approvisionner chez nous car nos magasins et nos marchés sont ouverts. Mais aucun n'est autorisé à porter des armes", explique Fathy.
Les seules armes permises dans ce que les habitants appellent désormais le Kurdistan occidental sont celles portées par les militants du Parti de l'union démocratique kurde (PYD).
La Turquie accuse le PYD d'être une couverture pour le PKK et Fathy reconnaît que certaines armes utilisées pour protéger Afrine et sa région proviennent du PKK, mais lui et les autres jurent que cette organisation n'est pas présente dans le secteur.
"Nous voudrions bien sûr inviter (le PKK) mais nous savons que les Arabes et la communauté internationale considèrent le PKK comme des terroristes, c'est pourquoi nous ne voulons pas du PKK qui respecte notre décision", confie Khaled, 27 ans, un déserteur.
A Afrine, ville de 50.000 habitants sise à une quarantaine de km au nord d'Alep, les Kurdes ont commencé à expérimenter pour la première fois une autonomie longtemps attendue.
Une "révolution kurde"
Dans le nouveau centre culturel, M. Jangvar, 67 ans, enseigne à des femmes à lire et écrire en kurde."Comme on nous interdisait de lire et écrire en langue kurde, nous devions le faire en cachette. Et quand l'un de nous était pris avec un livre en kurde, il était aussitôt emprisonné et torturé", assure Jangvar.
Ce centre propose également des cours gratuits d'histoire, de poésie et de musique kurdes.
Pour Arif Sheikhu, membre de la coalition des partis kurdes et conseils municipaux qui ont fleuri dans la région, cette nouvelle autonomie est le résultat de décennies de combats.
"La révolution syrienne est complémentaire du combat pour nos droits légitimes, et même si la rébellion s'arrêtait, ce que je ne crois pas, notre révolution continuerait", dit-il.
Depuis le retrait des forces du régime, les 365 localités et villages ont formé des comités locaux qui collaborent avec un conseil régional de 400 membres chargé de s'occuper des affaires locales.
"40% des membres de ce comité sont des femmes. Dans notre société, elles jouissent d'une liberté totale. Elle peuvent faire la même chose que les hommes, s'habiller comme elles le désirent", dit fièrement Sheikhu.
Malgré la satisfaction affichée quant à cette nouvelle autonomie, Sheikhu insiste sur le fait que sa communauté n'aspire pas à un Etat indépendant.
"Nous sommes avant tout Syriens. Nous voulons un système d'autonomie pour les Kurdes syriens et la démocratie pour tout le pays", dit-il en soulignant qu'il ne considère pas le système d'autonomie du Kurdistan irakien comme un modèle.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.