Mardi 8 novembre 2022 à 15h09
Genève, 8 nov 2022 (AFP) — Cinq rapporteurs spéciaux de l'ONU ont demandé mardi à la Turquie la libération immédiate d'une médecin ayant réclamé une enquête sur l'éventuelle utilisation d'armes chimiques par l'armée turque contre les rebelles kurdes du PKK en Irak.
Dans un communiqué, ces experts indépendants des Nations unies, dont les rapporteurs sur les exécutions extrajudiciaires, Morris Tidball-Binz, et sur la torture, Alice Jill Edwards, appellent la Turquie à ne plus utiliser la législation antiterroriste pour intimider les défenseurs des droits humains et demandent que Sebnem Korur Fincanci, présidente de l'Union des médecins de Turquie (TTB), soit libérée "immédiatement" et "sans condition".
Mme Fincanci avait été arrêtée le 26 octobre banlieue d'Ankara, puis écrouée le lendemain pour "propagande terroriste", selon les médias turcs.
"L'arrestation de la Dr Fincanci semble s'inscrire dans un schéma délibéré de mise en oeuvre de la législation antiterroriste visant à discréditer les défenseurs et les organisations des droits de l'homme et à interrompre leur travail vital", affirment les experts de l'ONU, qui sont mandatés par le Conseil des droits de l'homme mais ne s'expriment pas en son nom.
"Nous avons documenté de nombreux cas où la législation antiterroriste et d'autres dispositions pénales ont été utilisées pour harceler, arrêter, détenir et condamner des acteurs de la société civile en Turquie, y compris la Dr Fincanci, pour des motifs fallacieux", indiquent-ils.
Le communiqué souligne que la Dr Fincanci, médecin légiste reconnue, a contribué à l'élaboration d'un manuel, plus connu sous le nom de Protocole d'Istanbul, destiné à servir d'outil de référence international pour évaluer les victimes présumées d'actes de torture et pour enquêter sur ces allégations.
Des accusations de recours à des armes chimiques, relayées par des médias pro kurdes et des membres de l'opposition turque, sont apparues courant octobre et les combattants kurdes ont diffusé une liste de 17 noms, accompagnés de photos, de personnes présentées comme des "martyrs" tués par des gaz toxiques dans le nord de l'Irak. Ankara avait aussitôt dénoncé une campagne de "désinformation".
Mme Fincanci avait dit avoir "regardé et examiné les images sur les réseaux sociaux" de ces victimes possible, selon elle, de "gaz toxiques" et appelé à une "enquête indépendante".
"La capacité des défenseurs des droits humains et des médecins à dire la vérité au autorités doit être protégée", rappellent les rapporteurs, soulignant que ce rôle de dénonciation des violations des droits humains est "l'une des pierres angulaires des sociétés démocratiques".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.