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Mercredi 20 février 2019

Le décès de Bernard Dorin



Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse le décès dans la soirée du 20 février de l’ambassadeur Bernard Dorin, ami de longue date de la cause et du peuple kurdes, à l’âge de 89 ans des suites d’une longue maladie.

La date et le lieu de ses obsèques seront communiqués par la famille ultérieurement.

Il était né le 25 août 1929 dans une famille militaire de tradition gaulliste. Après de brillantes études à Sciences Po et à l’ENA, dont il sortit major de sa promotion en 1956 il avait opté pour la carrière diplomatique, une carrière qui a failli tourner court à cause des Kurdes. En effet, jeune diplomate au Quai d’Orsay, il prend connaissance d’une décision de vente des bombardiers Hawker-Siddeley AV-8 Harrier britanniques au régime de Bagdad alors en guerre contre la résistance kurde. Londres en informe Paris et sollicite son aval. Chargé du dossier, Bernard Dorin tente de convaincre le secrétaire général du Quai d’Orsay d’y opposer un refus car ces avions allaient sans doute être utilisés dans les bombardements de populations du Kurdistan. Il n’y parvient pas et son insistance lui a valu d’être révoqué.

Il part alors rejoindre les maquis du général Barzani où il sert pendant quelque temps d’instructeur militaire. A son retour du Kurdistan, il finit pas être réintégré au Quai d’Orsay après un passage remarqué par le Cabinet d’Alain Peyrefitte, ministre de l’Information du général de Gaulle.

Sa carrière diplomatique a été brillante. Il a été nommé ambassadeur de France à Haïti, à l’âge de 42 ans, puis en Afrique du Sud, au Brésil, au Japon et enfin à Londres. Les responsables kurdes se souviennent qu’à l’occasion d’une réception offerte en l’honneur de Massoud Barzani en visite en Grande-Bretagne en 1993, il y a fait hisser le drapeau du Kurdistan sur son ambassade, ce qui lui a valu quelques soucis avec le Quai d’Orsay.

Bernard Dorin avait, à la fin des années 1960, créé avec son ami l’Emir Kamuran Bédir Khan et le soutien d’intellectuels français comme Vladimir Jankélevich et Emmanuel de la Vigerie, une association de secours aux populations kurdes. Dès son retour à Paris en 1976 il a participé discrètement aux activités de l’Association France-Kurdistan créée en 1974, avec le soutien d’illustres intellectuels comme Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Laurent Schwartz, Pierre-Vidal Naquet, Maxime Rodinson… Devenu Directeur de la Francophonie du Quai d‘Orsay, il a initié un discret programme de bourses aux étudiants kurdes, programme qui a été repris et amplifié après la création de l’Institut kurde, sous la présidence de François Mitterrand.

Partout où Bernard Dorin était en poste il se considérait aussi comme l’ambassadeur de la cause kurde, donnant des conférences dans les universités, des entretiens dans la presse pour faire connaître la cause kurde. Après sa retraite, il a continué à militer en faveur des Kurdes en soutenant les actions de l’Institut kurde et de la Fondation Danielle Mitterrand. Il s’est rendu à deux reprises au Kurdistan irakien où il a reçu un accueil très cordial. Il voulait y créer une académie diplomatique pour y former des jeunes cadres kurdes.

Il a, jusqu’à ses derniers jours, suivi de près la situation du Kurdistan. Lors d’un entretien le 14 février avec Kendal Nezan il s’indignait de l’abandon par les alliés occidentaux des combattants kurdes syriens et prenait les dernières nouvelles du Kurdistan et … du Québec. Kurdistan et Québec deux causes, deux combats pour l’indépendance chers à son cœur qu’il a soutenus tout au long de sa vie.

Féru d’histoire, de géographie, de littérature, polyglotte mais amoureux de la langue française et ardent défenseur de la Francophonie, Bernard Dorin présidait l’Association Avenir de la langue française.

Il avait publié en 2005 un livre intitulé « Les Kurdes – Destin héroïque  destin tragique »

En 2001, dans un livre de souvenirs « Appelez-moi Excellence », il avait raconté les épisodes saillants de sa carrière diplomatique non sans brocarder, au passage, ses collègues adeptes de « Sa majesté le Statu-quo ».

Décoré en 2009 de la distinction de Commandeur de la Légion d’Honneur par le Premier ministre français, il était aussi récipiendaire de la Grand Croix de l’Ordre Royal de Victoria ainsi que de l’Ordre des Francophones d’Amérique.

Avec sa disparition, le peuple kurde perd un grand ami des jours difficiles, la France un diplomate de grande envergure, courageux, non conformiste, fin lettré et visionnaire.