A l'heure actuelle, il n'y a pas une musique kurde qu'on puisse qualifier de savante. Toutefois, à en croire les récits et témoignages des historiens et voyageurs du Moyen Age, une " musique élaborée et raffinée " aurait existé dans les cours féodales kurdes.
En quoi consistaient les chants " faisant fondre et pleurer d'émotion " que chantaient les dengbêj les mélodies " sublimes et captivantes " des tenbûrvan (joueurs de luth kurde) "tenant leur art et leurs secrets du ciel"? Quelle était la nature de cette musique de cour? Etait-elle modale? et, si oui, quels étaient ses rapports avec la musique savante à l'honneur dans la cour du calife? Toutes ces questions demeurent sans réponse.
Quoi qu'il en soit, la contribution très importante des musiciens kurdes à l'élaboration et au développement de la musique savante musulmane nous autorise à penser que la vie musicale était très développée au Kurdistan de cette époque.
Ibrahim al-Mehdi (743 - 806), connut sous le règne du Calife Haroun al-Rachid, le faîte de la gloire. Sacré commensal (nadîm) du Calife, appelé " le paradis de la terre ", Ibrahim Mawsili, qui fonda un conservatoire-vraisemblablement le premier du Proche-Orient -destiné principalement à la formation des esclaves-chanteuses (qayna) est considéré par les historiens de la musique comme le " père du classicisme musical musulman ".
Son fils Ishaq, également très à l'honneur dans la cour du Calife et dont l'oeuvre est évaluée à 400 mélodies a imprimé à la musique orientale de l'école de Baghdad, ses formes et ses contours définitifs qui ne varieront que superficiellement dans la suite. Ces al-Mawsili de Mossoul furent les artisans de l'âge d'or de l'époque abasside. Plus tard, Hammad, fils de Ishaq poursuivra, il est vrai avec moins de génie, l'oeuvre de ses illustres prédécesseurs.
La tradition des al-Mawsili trouvera un continnateur de talent en la personne d'un autre musicien kurde, Ziriyab (789 - 857), esclave affranchi originaire d'un humble village de Mossoul. Après avoir commencé sa carrière à Baghdad, auprès d'Ishaq, il la continue avec un éclat exceptionnel à la cour d'Abder Rahman à Cordoue où il fonde un conservatoire qui devient une pépinière d'art arabo-andalou dont les traditions se perpétueront plus tard dans l'ensemble du Maghreb. C'est à Ziriyab qu'on doit l'invention du plectre et c'est lui qui ajoute une cinquième corde au luth de son maître Ishaq al-Mawsili.
Homme universel à la culture aussi variée que vaste, Ziriyab " fait une synthèse des sources indo-iraniennes et grecques, assigne à la musique un rôle psychique et thérapeutique qu'il relie aux signes du Zodiaque, aux éléments, aux tempéraments qui correspondent aux différents maqams. D'ici nait le système tonal, modal et orchestral des 24 Nawba ". (Simon Jargy, la musique arabe, PUF, Paris.)
Plus tard, c'est à la cour des Sultans d'Istambul que les plus ambitieux des musiciens kurdes allaient chercher leur part de gloire. La tradition ainsi établie se poursuit encore de nos jours où, par exemple, les plus grands noms de la musique turque-pour ne citer qu'elle-sont en fait des Kurdes. Des Kurdes pour qui la seule façon de toucher un large public et d'atteindre la gloire est de s'exprimer dans la langue officielle de l'Etat.
La musique religieuse-les Zikr des sectes et les chants mystiques (beyt)-joue aussi un rôle important dans la vie musicale des Kurdes.