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Liste
NO: 115 |
5/11/1998 LA DOUMA RUSSE SE PRONONCE EN FAVEUR D'OCTROI D'ASILE À ABDULLAH OCALANLe chef du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan, après avoir été expulsé de la Syrie a, par une lettre datée du 30 octobre adressée au députés russes, demandé l'asile politique à la Russie. La Douma, la chambre basse du Parlement russe, a au cours de sa session du 4 novembre, voté une résolution demandant au gouvernement et au président russes d'accorder l'asile à Ocalan. La résolution critique vivement la persécution du peuple kurde en Turquie et reproche à Ankara de persister à ignorer les appels à la paix et à la négociation du chef du PKK. "Dans cette situation complexe je souhaite confier mon sort à mes alliés et c'est pourquoi je demande que vous m'accordiez l'asile politique dans la Fédération de Russie" écrit en substance A. Ocalan dans sa lettre adressée à la Douma. La Douma, dominée par des opposants de B. Eltsine, les Communistes et les nationalistes, a voté cette résolution par 298 voix pour, une abstention et aucune voix contre. "Ocalan ne demande pas le démantèlement de la Turquie et a appelé à trois reprises pour la fin des combatsOcalan est prêt pour les compromis et, pour montrer notre humanité, nous devons solliciter du président qu'il accorde la demande d'asile" a déclaré le député communiste Yuri Nikiforyenko. Eltsine n'est pas dans l'obligation de se soumettre à la demande de la Douma malgré les rivalités traditionnelles entre la Russie et la Turquie, membre de l'OTAN, en lutte d' influence dans le Caucase, en Asie centrale et dans les Balkans. Les nationalistes russes accusent Ankara de soutenir les séparatistes de Tchétchénie qui ont déclaré leur indépendance après une lutte sanglante entre 1994 et 1995. Le premier ministre turc, Mesut Yilmaz, avait reçu la semaine dernière le ministre russe des affaires étrangères, Igor Ivanov et avait déclaré à la suite de cet entretien que la Russie lui avait donné l'assurance qu'il ne permettrait pas qu'Ocalan opère à partir du sol russe. AKIN BIRDAL DEVRA BIENTOT ÊTRE INCARCERÉ ET DÉCHU DE SES DROITS CIVILSLa Cour d'Appel turque a confirmé la condamnation à un de prison du président de l'Association turque des droits de l'homme Akin Birdal. Cette condamnation avait été prononcée le 28 juillet 1998 par la Cour de Sûreté de l'État à la suite d'un discours prononcé par M. Birdal en faveur d'une solution pacifique au conflit turco-kurde. Le défendeur des droits de l'homme devra bientôt être incarcéré. De plus, conformément à la loi turque qui prive à vie les citoyens turcs condamnés à une peine de prison supérieure à 10 mois pour infractions commises contre l'Etat, sa sécurité interieure ou extérieure et son indivisibilité. Akin Birdal sera déchu de ses droits civils. Il ne pourra plus présider aucune association ni être élu à un poste ou mandat publics. Cette loi inique conçue pour éliminer de la scène publique les opposants indésirables continue de fonctionner comme une véritable guillotine politique. Plusieurs centaines de personnalités kurdes ainsi que des opposants turcs ayant été épargnés par la vague des "meurtres politiques à auteurs non identifiés" (faiili meçhul) ont été politiquement mis à l'écart par le procédé légal. Une à une les principales voix de la société civile ont ainsi été étouffées. La condamndation d'Akin Birdal qui a miraculeusement échappé à un attentat et qui jouit d'une notoriété internationale, a suscité des réactions au sein même d'une partie de l'establishment turc. Dans son article daté du 28 octobre 1998, Ilnur Çevik, rédacteur en chef du quotidien anglophone Turkish Daily News s'inquiète de l'impact à l'étranger de ces condamnations en série pour délit d'opinion. "Est-ce la façon dont l'État se protège? Serait-ce un remède aux problèmes actuels de la Turquie que d'emprisonner le défenseur des droits de l'homme Akin Birdal? Ou est-ce que cela va créer plus de complications? Pouvons-nous protéger la République turque et préserver des valeurs démocratiques en interdisant des partis politiques et en emprisonnant des individus pour l'expression de leurs opinions? Nos leaders semblent justifier le pauvre bilan des droits de l'homme et le manque de démocratie en soutenant que l'État essaie de se protéger contre les forces du mal, mais cet argument est mal compris ou mal représenté en Occident et c'est pourquoi notre pays est critiqué. Le dernier exemple en date est l'arrêt confirmatif de la Cour d'Appel approuvant la sentence d'un an de prison prononcée pour séparatisme à l'encontre d'Akin Birdal, président de l'association des droits de l'homme. Aujourd'hui, comme de nombreux autres écrivains, journalistes et maires islamistes, Birdal aura à purger sa peine de prison pour expression de ses opinions. Devrions nous souffrir d'un tel revers à la veille des célébrations du 75ème anniversaires de la République turque? La Turquie avait commis quelques erreurs vitales dans le passé, et nous espérions que nos dirigeants auraient appris des leçons pour aujourd'hui. L'interdiction du parti pro-kurde, Parti de la Démocratie (DEP), a conduit à la prison certains de ces députés. D'autres ont fuit le pays et ont pris part dans le "Parlement Kurde en exil" inspiré par le PKK, qui continue d'être notre principal souci. Est-ce que personne en Turquie n'a vu la sympathie internationale manifestée à Akin Birdal quand il a fait objet d'un attentat perpétré par des membres de bandes ultranationalistes? N'ont-ils pas vu comment les personnalités internationales se sont empressées pour rencontrer Birdal? Notre peuple n'a-t-il pas réalisé qu'en emprisonnant Birdal nous créerons une impression inverse de la bonne image de la Turquie? Nous avions justement commencé à voir quelques signes favorables dans les relations Turquie-Union européenne et voilà qu'un développement négatif, de notre fait survient et pourrait tout gâcher. () Nous ne pouvons pas simplement emprisonner des gens qui ont exprimé leurs opinions et attendre que nos amis occidentaux, conduits par les États-Unis, se montrent compréhensibles quand nous affirmons que nous faisons cela pour préserver l'unité et la solidarité nationale. Nous ne partageons peut-être pas les opinions de Birdal. Nous ressentons peut-être que c'est un extrémiste et que ses opinions sont "dangereuses". Malgré cela, dans une société libre, les individus sont libres de présenter leurs points de vue sous n'importe quelle forme qu'ils désirent sans craindre une quelconque persécution. Rien n'a été reglé quand on a tiré sur Birdal. Rien ne sera solutionné quand Birdal sera emprisonné. Au contraire, la crédibilité de la Turquie et son médiocre bilan des droits de l'homme seront d'avantage érodés. Notre pays ne mérite pas cela" L'ACCORD DE WASHINGTON SIGNÉ ENTRE LES DEUX PARTIS KURDES D'IRAK EST ENTRAVÉ PAR ANKARALe sommet entre les partis kurdes irakiens, l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK) et le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), qui devait avoir lieu début novembre à Ankara tarde à se concrétiser à cause des "fortes réserves de la Turquie". Farouchement opposée à toute région kurde autonome ou fédérale, la Turquie avait qualifié par la voie de son Premier ministre Mesut Yilmaz de "gaffe diplomatique" les accords de Washington signés entre les deux chefs rivaux kurdes, Jalal Talabani et Massoud Barzani, sous les auspices des Etats-Unis. Ankara se dit "très sensible aux termes comme Kurdistan, Kurdistan irakien, autonomie ou fédéralisme" et multiplie pressions et obstacles pour empêcher la tenue de ce sommet pourtant initialement conçu par les Américains pour apaiser les appréhensions turques. Réagissant à ces pressions, un porte-parole du PDK, cité par le Turkish Daily News du 2 novembre, déclare notamment "une réunion entre Barzani et Talabani était planifiée pour début novembre (à Ankara). D'après ce que nous comprenons de la part des autorités turques, les pourparlers d'Ankara ne pourront pas être tenus pour des raisons logistiques. Notre leader ne peut plus attendre en Europe. Barzani viendra à Ankara mardi soir (4 novembre) et repartira pour le Kurdistan le week-end". Ce porte-parole ajoute: "Nous ne ferons pas de compromis sur des termes comme "Kurdistan, Kurdistan irakien, autonomie et fédéralisme. Nous luttons depuis 52 ans et ces termes figurent dans la Constitution irakienne () Nous pouvons décrire notre politique. Mais nous avons un programme de parti et nous ne pouvons pas faire de compromis sur nos droits. Nous pouvons discuter de cela avec le gouvernement de Bagdad, pas avec Ankara. Les droits des Kurdes irakiens devraient être discutés par les peuples d'Irak et du Kurdistan irakien". Arrivé à Ankara M. Barzani doit être reçu par le vice-Premier ministre Bulent Ecevit et le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, en l'absence du ministre Ismail Cem en déplacement en Amérique latine. M. Ecevit, ardent partisan de Saddam Hussein, est connu par ses positions ultra-nationalistes allant jusqu'à la négation même des Kurdes. Le principe d'une visite de J. Talabani à Ankara est également maintenu. M. Barzani et J. Talabani se sont récemment à plusieurs reprises rencontrés à Washington et à Londres où ils avaient l'un et l'autre était reçu officiellement par des membres des gouvernements américains et britanniques. RAPPORT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LA TURQUIE: DE NOMBREUSES ANOMALIESLa Commission européenne a rendu public, mercredi 4 octobre 1998, son rapport sur la Turquie au titre de candidat à l'Union européenne. La commission a noté qu'il y avait très peu de progrès dans le domaine des droits de l'homme. "L'évaluation de la capacité de la Turquie à être compatible aux critères de Copenhague éclaire certaines anomalies dans le fonctionnement des autorités publiques, dans le respect des droits de l'homme et de la protection des minorités" souligne la déclaration. Le rapport critique le pouvoir militaire turc et l'attitude d'Ankara envers sa population kurde. "Le rapportinsiste également sur l'importance d'une solution civile à la situation dans le Sud-Est de la Turquie car beaucoup de violations des droits civils et politiques sont liées à cette question". Le ministère turc des affaires étrangères a demandé à la Commission de reprendre son évaluation; "l'existence de nombreuses affirmations et déclarations non fondées dans l'évaluation politique de la Turquie confère un caractère erroné au rapport. Il est clair que la Commission de l'Union européenne a besoin d'évaluer la Turquie avec plus d'attention." Les relations de la Turquie s'étaient dégradées avec les pays de l'Union européenne lorsqu'en décembre 1997 la candidature d'Ankara n'avait pas été retenue au sommet de Luxembourg. Au sommet de Cardiff les 15 anoncent l'élaboration d'un rapport examinant le cas de la Turquie au même titre que les 11 autres candidats. 75EME ANNIVERSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE TURQUEDe nombreux incidents ont été notés à l'occasion de la célébration du 75ème anniversaire de la République turque le jeudi 29 octobre 1998. Tout d'abord les observateurs turcs ont remarqué avec regret que les pays invités à la cérémonie soient représentés par si peu de personnalités de haut rang et certains se sont amusés à compter les chefs d'Etat, les ministres, fonctionnaires etc. en concluant que la célébration leur aurait permis au moins de voir leurs "vrais amis". D'autre part, le même jour, un Kurde armé d'une grenade, a pris le contrôle d'un avion de la compagnie Turkish Airlines avec 33 passagers à bord et six membres d'équipage qui effectuait un vol intérieur entre Adana et Ankara. Le pirate a exigé de se rendre à Lausanne en Suisse. Destination de choix puisque le traité de Lausanne signé en 1923 mettait fin aux dispositions du traité de Sèvres qui prévoyait la création d'un État kurde. Cette prise d'otages s'est terminée par la mort du pirate par les brigades d'intervention spéciales turques qui l'ont abattu. Alors que de nombreux observateurs se demandaient si la rébellion kurde prenait un autre tournant, tout laisse croire qu'il s'agissait d'un acte individuel de révolte. Par ailleurs, les autorités turqueq ont déclaré, lundi 1 novembre 1998 qu'une organisation musulmane fondamentaliste, établie en Allemagne et dont le chef, Metin Kaplan qui s'est autoproclamé khalife, avait projeté de faire un attentat-suicide sur le mausolée d'Ataturk. Le préfet d'Istanbul, Erol Çakir a déclaré que 23 membres de la secte armés ont été arrêtés. Les autorités allemandes ont d'ores et déjà déclaré que l'extradition de Metin Kaplan ne pouvait être envisagé du fait du statut de réfugié politique de l'intéressé. CENSURE DE LA COMÉDIE EN TURQUIEUn des plus célèbres humoristes turcs, Levent Kirca, a été condamné par le RTUK, l'équivalent turc du Conseil supérieur de l'audiovisuel en France, pour une parodie de la déclaration d'Isilay Saygin, ministre chargée des affaires familiales et de la condition de la femme, qui avait soulevé une polémique cette année en maintenant les testes de virginité sur les jeunes filles et qui avait déclaré qu'elle était vierge dans une interview accordée à Hurriyet le 4 octobre 1998, quotidien turc à plus grand tirage. La chaîne Kanal D qui diffuse le show hebdomadaire de l'humoriste a été condamnée toute une journée à l'écran noir - sort réservé par le RTUK à toutes chaines turques réprimées- Cet organe très contesté depuis sa création en 1994 n'hésite pas à sanctionner et censurer les chaines et radios turques pour leurs programmes, aussi bien des émissions politiques que des filmes, des comédies ou des émissions de variétés jusqu'à même des dessins animés. En guise de protestation Levent Kirca a suspendu son émission diffusée chaque semaine depuis une dizaine d'années, émission qui a gagné sa popularité par la critique subtile faite à la pratique de la torture et des violations des droits de l'homme dans son pays. M. Kirca a mis fin à la grève de la faim qu'il avait entreprise pour infléchir la position du RTUK. SUSURLUK: DEUX ANS APRÈS LES COUPABLES COURENT TOUJOURSVoici deux ans que la dérive mafieuse de la Turquie a été révélée par un accident de la circulation survenue le 4 novembre 1996 à Susurluk. Cela fait deux ans que les autorités turques essayent d'expliquer l'"affaire de Susurluk" qui a mis en lumière la forte imbrication entre la mafia, la police,une partie de l'appareil de l'Etat et la classe politique: Dans la voiture accidentée se trouvait entre autre un député du parti de Mme Çiller (DYP) Sedat Bucak, ex-directeur général-adjoint de la sureté générale d'Istanbul, Huseyin Kocadag et un chef mafieux recherché par Interpol, Abdullah Çatli. Aujourd'hui après un rapport accablant pour la Turquie rédigé par l'inspecteur du premier ministre, Kutlu Savas, aucune condamnation n'a été prononcée. Mais le caractère d'Etat de droit de la Turquie est sérieusement mis en question. La toute puissance du MIT, service de renseignement auquel sont liés de nombreux chef mafieux et criminels recherchés par la police et au sein du quel ils agissent en toute impunité, ne perturbent que les familles des victimes. La commission de planification et du budget de la Grande Assemblée turque a décidé de consacrer plus d'1,5 milliard de francs à cette police politique omni-présente, soit une augmentation de 61% par rapport à 1998. |