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Liste
NO: 144 |
1/10/1999 VISITE DE BULENT ECEVIT À WASHINTON : RENCONTRE AMICALE MAIS PAS CONCLUANTAnnoncée comme " historique " par les média turcs la visite effectuée à partir du 26 septembre à Washington par le Premier ministre turc n’a finalement permis aucune avancée significative dans les principaux dossiers politique et économique. Politiquement, la Turquie a un besoin crucial de l’appui de son allié de toujours avant le sommet d’Helsinki et financièrement le soutien de Washington lui est nécessaire pour assurer la reconstruction après le séisme qui a frappé la Turquie le 17 août 1999 mais aussi pour assurer son programme d’armement. La visite de Bulent Ecevit constitue la première étape des discussions engagées entre les deux alliés avant l’arrivée de Bill Clinton en novembre en Turquie. À la suite de la rencontre, le 28 septembre 1999, Le Premier ministre Ecevit a déclaré : " Beaucoup de questions ont été abordées et bien sûr les relations entre la Turquie et Israël … et je suis heureux d’observer que le Président Clinton veut aussi faire quelque chose pour aider l’économie turque". Les observateurs ont cependant noté que les demandes turques sont toutes restées en suspens puisque Bill Clinton ne s’est engagé qu ’ " à les étudier " les attentes turques. Il reste beaucoup de domaines à améliorer (droits de l’homme, question kurde et chypriote) pour Ankara qui a pris note des souhaits américains. Le Premier ministre Ecevit rentre au bout du compte les mains vides. On est loin des garanties financières américaines ou de la suppression des intérêts des dettes aux achats d’armements souhaitée par Ankara. Même l’aide humanitaire promise pour faire face aux conséquences du tremblement de terre s’est révélée si modeste que B. Ecevit, " par dignité ", a dû la refuser. La presse turque n’a pas commenté les raisons du demi-succès de cette " visite historique " ni la teneur des demandes américaines. Cependant, dans un article publié, le 26 septembre 1999 dans le New York Times, le journaliste Stephen Kinzer observe que " l’administration américaine veut que la Turquie arrête de mettre en prison les individus qui s’expriment ou écrivent des articles, et garantisse à ses citoyens les libertés dont jouissent la plupart des Américains ou Européens. Dans le cas contraire, les progrès marqués dans les domaines internationaux importent peu, les Américains continueront de mettre la Turquie dans le même groupe que le Pérou, la Malaisie, la Biélorussie, le Zimbabwe, et autres quasi-démocraties où les droits de l’homme sont mis de côté en faveur de la question de sécurité nationale chérie par les autocrates dirigeants. La Turquie a construit une économie dynamique, donné l’égalité aux femmes et créé une société ouverte remarquable. Pourtant, précisément parce que la nation est si orientée à l’ouest, son peuple est devenu impatient d’atteindre une démocratie pleine à l’occidentale. Les commandants militaires turcs continuent de jouir du droit de veto sur les décisions important du gouvernement. Une élite franchement conservatrice insistent sur des lois restreignant la liberté de l’expression et autres droits civils (…) " CINQ DEPUTÉS DU PARLEMENT TURC AU KURDISTAN IRAKIENSur l’invitation de Massoud Barzani, président du Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), cinq députés de l’Assemblée nationale turque se sont rendus, le 23 septembre 1999, au Kurdistan irakien. La délégation comprenait uniquement des députés élus dans les circonscriptions kurdes de Turquie : Hasim Hasimi, député du parti de la Vertu de Diyarbakir, Sebgetullah Seydaoglu et Nurettin Dilek, députés ANAP de Diyarbakir, Mustafa Tugmener, député DSP de Mardin, et Macit Piruzbeyoglu, député ANAP d’Hakkari. Au cours de leur visite, les députés se sont attachés à s’informer des réalités locales. Ils ont également été reçus par les principaux dirigeants du Parlement et du gouvernement d’Erbil qui les ont réaffirmé que le Kurdistan irakien n’était pas engagé dans un processus de séparatisme. Les Kurdes essaient de gérer leurs propres affaires dans un esprit fédéraliste et démocratique et dans le respect des frontières internationales leur a-t-on dit en substance. Les députés ont promis d’informer les instances de leurs partis des conclusions de leur visite qui constitue une première depuis 1994. Interrogé par la presse turque, Hasim Hasimi a démenti les rumeurs qu’il y aurait eu de discussion avec des émissaires du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Les spéculations étaient allées bon train une fois la visite annoncée. Certains milieux et en premier lieu les média turcs n’ont pas hésité à accuser les députés d d’entreprendre ce voyage pour faciliter l’arrivée d’un groupe de combattants du PKK qui devaient se rendre " symboliquement " aux autorités turques. À plusieurs reprises annoncée, la reddition symbolique de ce groupe incluant l’ancien représentant du PKK en Europe, Ali Sapan, devait avoir lieu dans la province de Hakkari ce week-end. AKIN BIRDAL SORT DE PRISON POUR SIX MOIS POUR RAISON DE SANTÉAkin Birdal, ancien président de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), a été libéré le 25 septembre 1999 pour raison de santé. M. Birdal a plus exactement bénéficié d’une permission de six mois pour se faire soigner, après quoi il devrait réintégrer sa cellule. Condamné à 9 mois et 18 jours de prison à la suite des discours prononcés l’un à Mersin en 1995 et l’autre le 1er septembre 1997, lors de la journée mondiale pour la Paix, Akin Birdal était incarcéré depuis déjà 4 mois à la prison centrale d’Ankara. Interrogé à sa sortie, M. Birdal a déclaré : " à la demande de mes amis avocats, les autorités pénitentiaires ont accepté de me libérer pour des raisons de santé. Dans six mois, je serai à nouveau incarcéré (…) Pour garantir les droits de l’homme, il faudrait déjà qu’il y ait la liberté de l’opinion. Pour assurer la paix sociale, le premier pas serait de promulguer une loi d’amnistie générale. Le chemin de la paix sociale passe par là. La Turquie est aujourd’hui entrée dans une période de paix. Nous devons tous accomplir nos devoirs et nous sentir responsables. " Akin Birdal a conclu son intervention en ayant une pensée pour ses amis restés derrière les barreaux dans la même prison en déclarant " Je suis dehors, mais mon cœur est à l’intérieur. Ici restent enfermés les " Leyla Zana ". Les laisser là me fend le cœur. Une partie de moi est à la prison centrale d’Ankara, une autre est à Çankiri auprès d’Esber Yagmurdereli et les autres parties auprès de tous les prisonniers d’opinion ". À un moment où son calendrier diplomatique est particulièrement chargé, la Turquie lâche un peu de lest, multiplie les promesses de démocratisation et libère provisoirement quelques prisonniers d’opinion tel Akin Birdal.Ismail Besikçi, sociologue et auteur de nombreux travaux sur la question kurde, avait bénéficié d’une libération conditionnelle la semaine dernière. De nombreuses organisations internationales comme Amnesty International, FIDH, Reporters sans Frontières, CILDEKT avaient milité en faveur de la libération de cet universitaire turc persécuté. Récemment le " Comité de Défense des Libertés et des Droits de l’homme en France et dans le monde " avait lancé en faveur de sa libération immédiate un appel adopté par environ cinq cents personnes dont une centaine de sociologues français parmi lesquels Pierre Bourdieu, Alain Touraine, Danièle Kergoat, Nicole Lapierre, Yvette Lucas Nonna Mayer etc…(Cf. : pour tout renseignement concernant l’appel pour Besikçi : 1 rue Guyemer 66 650 BANYULS). Contacté par notre comité à sa sortie de prison de prison, Dr. Besikçi, nous a priés de remercier en son nom tous ceux qui à travers le monde se sont mobilisés pour sa liberté : " Dites leur que je suis en bonne santé mais je me sens en liberté provisoire. Les lois liberticides restant toujours en vigueur, je risque de retourner en prison dans quelques mois. Car je n’ai pas l’intention de me taire ou de me censurer " a-t-il déclaré. LA REPRESSION SANGLANTE D’UNE MUTINERIE DANS LA PRISON D’ANKARA A CONDUIT À DES TROUBLES DANS PLUS DE 15 PRISONS TURQUESUn mouvement de mutinerie a été déclenché dans les prisons turques, à la suite de la répression sanglante d’une mutinerie dans la prison d’Ulucanlar à Ankara, où une intervention des gendarmes s’était soldée, le 26 septembre 1999, par la mort d’au moins 10 prisonniers d’extrême gauche. Le mouvement a très vite fait tache d’huile et s’est répandu dans une quinzaine de prisons turques, où les détenus retenaient à la troisième journée, le 28 septembre, au moins 72 gardiens en otages. Les mutins détenaient des otages dans les prisons d’Umraniye et Bayrampasa à Istanbul, Bartin, Çankiri, Çanakkale, Gebze et Bergama. Plusieurs centaines de prisonniers dans sept autres établissements refusaient de laisser les gardiens pénétrer dans les cours pour faire appel. Des négociations avec les mutins ont été lancées avec la participation de représentants d’organisations non-gouvernementales, notamment Me Yucel Sayman, le bâtonnier du barreau d’Istanbul. Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre une libération prochaine des otages étant annoncée. L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a de son côté condamné " l’usage excessif de la force " lors de la répression de la mutinerie à Ankara, affirmant que 11 prisonniers ont été battus à mort par les gendarmes. Par ailleurs, le chef du bureau de l’IHD à Istanbul, Me Eren Keskin, des parents des mutins et des représentants d’organisations non-gouvernementales ont été interpellés alors qu’ils tentaient de participer à une manifestation de l’IHD sur les mutineries. Ces mouvements ont relancé le débat sur la nécessité d’une réforme urgente du système judiciaire et pénal. Les règlements de compte et mutineries ont fait au moins 17 morts cette dernière semaine dans les prisons turques. En juillet 1996, 12 détenus, membres d’organisations d’extrême gauche, avaient trouvé la mort à l’issue d’une grève de la faim totale qui avait duré 69 jours. La déclaration du Premier ministre Bülent Ecevit le 26 septembre 1999 qui a affirmé que " l’Etat saura par tous les moyens établir son autorité dans les prisons " ne contribuent pas à l’apaisement. Pour le secrétaire général de l’IHD, " le gouvernement essaie de prouver qu’il dispose d’une autorité sur les prisons et, ils ont choisi de le faire en s’attaquant aux prisonniers politiques ". Selon les chiffres officiels, les prisons turques sont au nombre de près 600 et quelque 62 000 personnes y sont incarcérées dont 9 000 condamnés ou inculpés pour des actes qualifiés de " terroristes ". Leyla Zana et ses collègues députés kurdes détenus à la prison d’Ankara n’ont pas été directement affectés par la répression. Cependant comme tous les prisonniers, ils ne peuvent, pour une durée indéterminée, recevoir des visites. LA TURQUIE UNE NOUVELLE FOIS CONDAMNÉE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMMELa Cour européenne des droits de l’homme a condamné à l’unanimité la Turquie, le 28 septembre 1999, pour avoir interdit un livre et infligé une amende à son éditeur en violation du droit à la liberté d’expression. Unsal Öztürk, avait été condamné en 1989 à une amende de 285 000 livres turques par la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara pour avoir publié l’année précédant un ouvrage sur la vie d’Ibrahim Kaypakkaya, leader d’un mouvement d’extrême gauche turc. L’auteur de l’ouvrage M.N. Behram avait été acquitté en 1991 et l’ouvrage avait été de nouveau publié par une autre maison d’édition sans nouvelle interdiction. La Cour européenne a estimé que rien dans l’ouvrage incriminé ne justifiait son interdiction, telle que l’admet l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme dès lors qu’une telle mesure apparaît " nécessaire dans une société démocratique ". La cour précise d’autre part que " les propos tenus dans l’édition litigieuse du livre, dont le contenu ne diffère d’ailleurs aucunement de celui des autres éditions, ne sauraient passer pour une incitation à l’usage de la violence, à l’hostilité ou à la haine entre les citoyens ". Ünsal Öztürk est l’un des éditeurs les plus persécutés par les autorités turques. Il a publié entre autres les livres d’Ismail Besikçi. La Turquie a été condamnée à lui verser 10 000$ pour dommage matériel et 20 000 francs pour frais et dépens. NOUVELLE INCURSION MILITAIRE TURQUE AU KURDISTAN IRAKIENAlors que le PKK a entamé le mois dernier un retrait de Turquie, puis annoncé qu’il mettait fin à la lutte armée pour se transformer en organisation politique, l’armée turque a réitéré sa détermination à pourchasser le PKK " jusqu’à ce que le dernier terroriste ait été neutralisé " selon les termes employés par Sabahattin Çakmakoglu, ministre turc de la défense. M. Çakmakoglu a rejeté les appels à la paix lancée par Abdullah Öcalan, estimant que " le PKK s’est engagé dans un spectacle de repentir qui n’est pas sincère alors qu’il doit rendre compte du sang versé ". Ces déclarations martiales reflètent l’état d’esprit du haut commandement de l’armée turque qui exige la capitulation pure et simple. Quelque 5 000 soldats turcs, appuyés par des hélicoptères et des " protecteurs de village ", miliciens kurdes pro-gouvernementaux armés par l’Etat, ont lancé, le 27 septembre 1999, une incursion dans le nord de l’Irak depuis trois différents points à la frontière contre les bases du PKK. L’espoir d’une fin proche du conflit s’avère de plus en plus compromis. LA TURQUIE EST BOUDÉE PAR LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERSSelon le " rapport d’investissement mondial 1999 " publié par la conférence sur le commerce et le développement des Nations Unies (UNCTAD), la Turquie n’arrive qu’en 55ème position des pays récipiendaires d’investissements étrangers - 800 million de dollars — située derrière des petits pays comme la Lituanie, la Croatie, la Bolivie et l’Equateur. La Turquie est citée dans ce rapport comme étant " le seul pays à avoir enregistré une baisse d’investissement ". Les pays recevant le plus d’investissements sont, dans l’ordre, Les Etats-Unis avec 193 milliards de dollars, la Grande-Bretagne, la Chine, la Hollande, le Brésil, la France, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suède et le Canada. Abdurrahman Ariman, secrétaire général de l’association des investisseurs étrangers (YASED) a déclaré que la Turquie était placée à la 22ème ou bien 23ème position de la liste dans la première moitié de la décennie, mais était tombée au rang de 38ème en 1995 puis 40ème en 1996. Le président de YASED a, quant à lui, constaté que le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est étaient pourtant potentiellement très attractifs pour les capitaux étrangers et a mis sur le compte de l’inflation galopante pour expliquer le mauvais résultat de la Turquie. Le pays qui a une image fort ternie et qui était déjà boudé par les touristes attire de moins en moins les capitaux étrangers. SELON UN MINISTRE D’ETAT TURC DANS LE BUDGET 2000 " IL N’Y AURA DE L’ARGENT QUE POUR LES ARMES "Le tableau, dressé après les discussions entre le Fonds monétaire international (FMI) et Ankara, conduit à penser que la Turquie devrait se préparer à se serrer la ceinture pour 2000 et 2001. Recep Önal, ministre d’Etat, a déclaré qu’en période de crises économiques " comme à l’époque de la libération, il n’y a de l’argent que pour les balles et les armes ". Crise économique ou pas la Turquie continue en effet à lancer des appels d’offres pour moderniser et développer ses armements. Ankara maintient son programme de 150 milliards de dollars d’achat d’armes pour les 10 prochaines années. Par ailleurs la foire de l’industrie de défense -IDEF 1999, regroupant 207 sociétés de 22 pays a ouvert ses portes à Etimesgut en Turquie pour permettre aux militaires turcs de faire leurs emplettes. |