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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 197

5/4/2001

  1. NON-LIEU POUR L’ECRIVAIN KURDE MEHMET UZUN
  2. LA PROLONGATION DE LA DÉTENTION ARBITRAIRE D’UN CITOYEN FRANÇAIS À ISTANBUL
  3. LE BILAN DE FÉVRIER ET MARS 2001 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME AU KURDISTAN
  4. MEHMET DILSIZ, RESPONSABLE DU HADEP À CIZRE, ARRÊTÉ POUR AVOIR VOULU DÉPOSER L’AUTORISATION D’IMPLANTATION DE SON PARTI
  5. FERMETURE DEFINITIVE DU QUOTIDIEN PRO-KURDE 2000’DE YENI GUNDEM
  6. EN PÉRIODE DE CRISE ÉCONOMIQUE L’ARMÉE TURQUE LANCE UN NOUVEL APPEL D’OFFRE DE 400 MILLIONS DE DOLLARS
  7. BULENT ECEVIT SE LANCE DANS LA TOPONYMIE POUR LUTTER CONTRE LE KURDE
  8. MANIFESTATION CONTRE L’INCAPACITÉ DU GOUVERNEMENT À SORTIR LE PAYS DE LA CRISE


NON-LIEU POUR L’ECRIVAIN KURDE MEHMET UZUN


L'écrivain suédo-kurde Mehmet Uzun, poursuivi par la justice turque pour assistance à une organisation terroriste pour un de ses romans, a bénéficié le 4 avril d'un non-lieu. La Cour de sûreté de l'Etat d’Istanbul a également prononcé, le 5 avril, la relaxe de Hasan Oztoprak, de la maison d'édition Gendas, l'éditeur de l'écrivain kurde, accusé de propagande séparatiste pour un essai intitulé "Floraisons d'une grenade". M. Uzun était convoqué pour cette dernière affaire en simple qualité de témoin, son éditeur risquant lui 3 ans de prison.

La Cour de sûreté de l'Etat n°4 d'Istanbul a jugé que la preuve du crime supposé contenu dans les pages du roman " Lumineux comme l'amour, sombre comme la mort" - l'apologie de la lutte séparatiste menée par la rébellion kurde jusqu'en 1999 - n'était "pas avérée". Elle a ordonné la restitution des exemplaires de l'ouvrage qui fut un temps saisi avant d'être laissé en vente.

"Je suis très heureux", a déclaré Mehmet Uzun à la sortie de l'audience. "J'espère que ce verdict sera une étape vers la libre utilisation de la langue kurde, la liberté d'expression en général et aussi la liberté pour un auteur d'écrire ce qu'il veut". C'est aussi, selon l'écrivain qui publie ses ouvrages en kurde autant qu'en turc, la preuve d'un "effort louable pour la Turquie qui cherche à intégrer l'Union Européenne", a-t-il estimé.

Parmi les nombreux grands noms de la littérature turque qui étaient présents au tribunal pour soutenir M. Uzun, Yachar Kemal a formulé le souhait de ne plus subir, à l'avenir, "les tracasseries et la honte de voir des ouvrages saisis ou des écrivains poursuivis".

M. Uzun avait reçu également le soutien des Prix Nobel Nadine Gordimer, Elie Wiesel et Gunther Grass, signataires d'une pétition sur laquelle apparaissait l'ensemble des membres des Académies suédoise et danoise.

La Turquie se refuse toujours à autoriser l'enseignement et la diffusion télévisée de la langue kurde, comme le réclame l'Union Européenne dont elle veut faire partie.

LA PROLONGATION DE LA DÉTENTION ARBITRAIRE D’UN CITOYEN FRANÇAIS À ISTANBUL


Dr. Zeki Budak, citoyen français d’origine kurde arrêté le 16 janvier 2001 à l’aéroport d’Istanbul et détenu depuis à la prison Bayrampasa, a comparu le 29 mars devant la cour de sûreté de l’Etat n°1 d’Istanbul. Après la vérification de l’identité de l’accusé, la cour a entendu les témoignages de deux voisins français de ce dentiste marié à une Française et père de trois enfants. Les témoins ont confirmé qu’ils voyaient depuis des années régulièrement Dr. Budak, habitant comme eux Rouen depuis 1992, qu’ils connaissaient ses opinions humanitaires et non violentes et que l’accusation du procureur selon laquelle il aurait été le chef du PKK dans la ville de Cologne leur paraissait invraisemblable.

Selon le procureur, cette accusation aurait été portée par trois membres présumés du PKK. Or, l’avocat de ces derniers, Me Ummuhan Yasar, a attesté devant la cour que la police turque avait fait signé sous la torture ces accusations par ses clients qui lui ont formellement déclaré qu’ils ne connaissaient pas Dr. Budak.

L’avocat de la défense Me Seref Yilmaz a appelé la cour à constater le vide et l’inconstance du dossier d’accusation et à relaxer son client. Le procureur a demandé le maintien en détention pour " vérification supplémentaire ". Accédant à cette demande, la cour a décidé de proroger jusqu’au 7 juin la détention arbitraire du Dr. Budak.

Les autorités françaises suivent ce procès sans intervenir officiellement parce qu’il s’agit de quelqu’un qui a la double nationalité.

LE BILAN DE FÉVRIER ET MARS 2001 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME AU KURDISTAN


La section de Diyarbakir de l’Association turque des droits de l’homme (IHD) a, le 2 avril, rendu public son rapport sur les violations des droits de l’homme dans les régions kurdes pour les mois de février et mars 2001. Le bilan est comme suit :
  • Nombre de morts suite aux combats : 12
  • Nombre de meurtres non élucidés et d’exécutions extrajudiciaires : 13
  • Nombre de placements en garde-à-vue : 286
  • Tortures et sévices : 141
  • Nombre de disparitions : 3
  • Nombre d’arrestations : 54
  • Nombre de tentatives d’enlèvement : 2
  • Nombre de journaux fermés : 2
  • Nombre de journaux interdits d’accès à la région sous régime d’exception (OHAL) : 17
  • Nombre de violations contre la liberté d’opinion : 6
  • Nombre de maisons incendiées : 2


MEHMET DILSIZ, RESPONSABLE DU HADEP À CIZRE, ARRÊTÉ POUR AVOIR VOULU DÉPOSER L’AUTORISATION D’IMPLANTATION DE SON PARTI


Après la disparition, le 25 janvier 2001, de Serdar Tanis et Ebubekir Deniz, respectivement responsable du parti démocratique du peuple (HADEP) dans le district de Silopi et le secrétaire provincial du HADEP, les méthodes ne manquent pas pour dissuader les militants de s’organiser au sein du HADEP. Ainsi Mehmet Dilsiz, responsable du parti à Cizre, et son neveu, ont été arrêtés le 1er avril alors que M. Dilsiz s’apprêtait à déposer le lendemain les demandes d’autorisation pour l’ouverture de la branche locale du HADEP à Cizre. Ses proches accusent la police d’avoir ourdi un complot contre M. Dilsiz, en soutenant qu’au cours de la perquisition, les gendarmes turcs ont déposé de la drogue et deux obscures cassettes vidéo à leur domicile pour l’incriminer.

Tahir Elçi, avocat de Mehmet Dilsiz, a déclaré que son client avait déjà fait l’objet d’arrestation depuis son engagement dans le parti et faisait également face à des menaces réelles depuis la disparition des deux responsables du parti à Silopi. Il avait à ce titre fait appel à l’organisation Amnesty International mais également au procureur de la République en date du 21 février pour dénoncer la situation et s’apprêtait à saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

Les responsables du HADEP déclarent que le JITEM [ndlr : service de renseignements de la gendarmerie, impliqué dans de nombreuses exécutions extrajudiciaires, des disparitions ainsi que dans le trafic de drogue et d’armes] n’est pas enclin à accepter une implantation politique démocratique dans une région laissée totalement à leur merci. D’ailleurs, le 2 avril, tous les membres du conseil d’administration du HADEP à Cizre ont été arrêtés.

FERMETURE DEFINITIVE DU QUOTIDIEN PRO-KURDE 2000’DE YENI GUNDEM


Le quotidien pro-kurde " 2000’de Yeni Gündem ", publié pour la première fois le 27 mars 2000 en Turquie en langue turque, a été contraint de mettre fin à sa parution le 31 mars 2001. Après les quotidiens Yeni Ülke, Özgür Gündem, Özgür Ülke, Yeni Politika, Demokrasi, Ülkede Gündem et Özgür Bakis, interdits les uns après les autres, 2000’de Yeni Gündem n’a pas pu résister plus longtemps aux pressions de toutes sortes de la part des autorités turques.

Dès le 6e jour de sa parution, le quotidien avait été interdit dans la région sous état d’urgence (OHAL) par la super-préfecture d’OHAL prétextant simplement qu’il était " nuisible ". Or, 40 % de ses lecteurs se trouvent dans cette région. Il a fait l’objet d’une quinzaine de saisies, la première dès le 13 juillet pour avoir dénoncé l’intervention musclée des autorités turques dans la prison de Burdur. Le quotidien était également poursuivi dans le cadre de 53 affaires pour la plupart instruites par les cours de sûreté de l’Etat. La justice turque n’avait pas non plus hésité à prononcer des condamnations d’amendes sans précédent contre le journal et ses dirigeants.

Ragip Zarakoglu, rédacteur en chef du quotidien disparu a déclaré : " Gündem a fait écho à la voix d’une autre Turquie, et dans l’une des périodes les plus difficiles pour la Turque, il a essayé d’apporter sa contribution à plus de démocratisation du pays. "

EN PÉRIODE DE CRISE ÉCONOMIQUE L’ARMÉE TURQUE LANCE UN NOUVEL APPEL D’OFFRE DE 400 MILLIONS DE DOLLARS


Selon le quotidien turc Milliyet du 3 avril, malgré la crise économique touchant gravement tous les secteurs en Turquie, l’état-major turc s’apprête à lancer un appel d’offre pour la coproduction en Turquie de plus de 300 systèmes électroniques de guerre équipant tous ses hélicoptères, un marché représentant 400 millions de dollars.

Alors que l'inflation est de nouveau en hausse sensible en Turquie, où les prix à la consommation ont grimpé de 6,1 % en mars par rapport à février après la dévaluation de la livre turque de plus de 30 % par rapport au dollar, l’armée turque, en guise de sacrifice, s’est bornée à déclarer que les projets d’achats de chars et de bâtiments navals sont renvoyés à l’année prochaine, tout en mettant à un ordre de jour avancé le projet de production d’hélicoptères d’attaques (ATAK).

BULENT ECEVIT SE LANCE DANS LA TOPONYMIE POUR LUTTER CONTRE LE KURDE


Selon le quotidien turc Hurriyet du 31 mars, le Premier ministre Bülent Ecevit, décidé à lutter contre les noms de lieux en une autre langue que le turc, s’est lancé dans une campagne de

" turquisation ". Aussi a-t-il publié une circulaire ministérielle demandant aux institutions et aux organisations de consacrer une attention particulière et de turquiser les noms trop souvent en kurde à son goût. Il a également envoyé aux administrations et collectivités un dictionnaire-guide toponymique–Dictionnaire d’utilisation et d’explication du turc---- publié à cet effet et " conforme à la structure politique, historique, nationale et culturelle du pays ".

Dans sa circulaire, le Premier ministre se dit préoccupé par " la détérioration de la langue turque " et souligne " le poids de la protection de l’identité politique et culturelle de la Turquie et de la consolidation de l’union nationale dans le renforcement et l’importance de la Turquie en cette période de globalisation ". " Nous savons que ceux qui ont des desseins sur notre pays mettent d’abord en question la langue, c’est-à-dire le turc, et ceci afin de provoquer des aspirations et des mouvements séparatistes dans la société turque " a-t-il ajouté.

Toujours selon la circulaire, les applications seront appréciées par un comité d’observation et d’orientation, regroupant des responsables du Haut comité d’histoire, de la langue et de la culture d’Atatürk, du Cabinet du Premier ministre, de l’état-major des armées turc, des ministères de l’Intérieur, des affaires étrangères, de l’éducation et de la culture, de même que du très controversé Haut comité de l’éducation (YOK).

MANIFESTATION CONTRE L’INCAPACITÉ DU GOUVERNEMENT À SORTIR LE PAYS DE LA CRISE


Des milliers de petits commerçants en colère ont manifesté spontanément le 4 avril à Ankara pour réclamer la démission du gouvernement, et des chauffeurs routiers ont bloqué une route dans le sud, protestant contre la crise économique qui les frappe durement.

Peu auparavant, un petit commerçant fortement endetté avait lancé, sans l'atteindre, sa caisse enregistreuse en direction du Premier ministre Bulent Ecevit alors qu'il sortait de son bureau.

La manifestation à Ankara a regroupé quelque 3 à 5.000 commerçants et employés du quartier de Siteler, qui regroupe l'industrie du meuble. "Le gouvernement doit démissionner !", "Les commerçants sont ruinés" scandaient les protestataires, le poing tendu.

La police anti-émeute, munie de véhicules blindés et de fusils-mitrailleurs, a stoppé la foule avant qu'elle n'arrive dans le centre d'Ankara devant le bureau de M. Ecevit. Selon les témoins, la police a matraqué plusieurs personnes, tandis que les manifestants lançaient des pièces de monnaie et des briquets contre les policiers et le président de la Chambre de commerce d'Ankara, arrivé sur les lieux pour tenter une médiation.

À Mersin, sur la Méditerranée, plusieurs douzaines de chauffeurs routiers ont bloqué une autoroute pour dénoncer la hausse des carburants. Les manifestants ont accepté de se disperser dans le calme après une discussion avec la police anti-émeute.