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Liste
NO: 233 |
7/3/2002 JALAL TALABANI EN VISITE EN TURQUIE SOUTIENT “ L’UNITÉ ” ET “ UN CHANGEMENT DÉMOCRATIQUE FONDAMENTAL ” EN IRAKJalal Talabani, chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), l'un des deux principaux partis du Kurdistan irakien, s'est exprimé, le 5 mars, en faveur d'un changement démocratique du régime irakien, se déclarant “ préoccupé ” pour l'unité de ce pays dans le cas d'une extension de la lutte antiterroriste américaine. “ Nous sommes en faveur d'un Irak uni, démocratique et indépendant. Nous soutenons le renforcement de l'unité de l'Irak et sommes opposés à sa division ” Indiquant qu'il s'était entretenu avec le sous-secrétaire d'Etat turc aux Affaires étrangères Ugur Ziyal des “ préoccupations partagées ” concernant l'unité et la stabilité de l'Irak, M. Talabani a indiqué que son parti saluerait un soutien étranger à un “ changement démocratique fondamental ” du régime irakien par le biais des forces progressistes dans le pays mais s'opposerait à des “ plans de conspiration ”. “ Si vous allez remplacer un dictateur avec un autre dictateur, nous sommes contre ”, a-t-il dit soulignant que “ Nous sommes avant tout Irakiens et ensuite Kurdes d'Irak ”. En réponse à une question, M. Talabani a aussi indiqué que de l'Irak ne devait pas menacer la sécurité de la Turquie, l'Iran ou de ses autres voisins. Le président américain George W. Bush a, le mois dernier, identifié l'Irak comme l'une de trois composantes d'un “ axe du mal ” (avec l'Iran et la Corée du nord) qui continue de menacer la paix du monde. La Turquie, seul pays musulman de l'OTAN et alliée des Etats-unis, redoute qu'une attaque contre son voisin du sud n'aggrave la situation de son économie en crise et craint une déstabilisation de l'Irak qui permettrait la création d'un Etat kurde indépendant dans le nord du pays. M. Talabani qui est arrivé lundi soir à Ankara doit aussi rencontrer le vice-Premier ministre Mesut Yilmaz. LE GOUVERNEMENT TURC ANNONCE UN NOUVEAU PROJET DE LOI SUR LES REPENTIS ENGLOBANT CERTAINS COMMANDANTS DU PKKLe gouvernement turc a, le 4 mars, annoncé qu'il préparait un nouveau projet de loi sur les repentis ayant pour but d'encourager les combattants kurdes à se rendre aux forces de sécurité. “ Une loi sur les repentis est à l'ordre du jour ”, a déclaré devant la presse un porte-parole du gouvernement, Tunca Toskay, à l'issue d'un conseil des ministres. Interrogé pour savoir si cette loi comprendrait aussi les commandants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), M. Toskay a refusé de commenter, se contentant de dire que sa portée serait déterminée à la lumière de futures “ évaluations ”. En 1999, le gouvernement de coalition du Premier ministre Bulent Ecevit avait déjà fait adopter une loi similaire, excluant cependant le chef du PKK Abdullah Ocalan, condamné à la peine de mort en juin de la même année pour “ trahison et séparatisme ”, et les commandants de son organisation, considérée comme “ terroriste ” par Ankara. Cette loi prévoyait des réductions de peine pour les combattants qui s'étaient rendus aux forces de sécurité et qui n'avaient pas participé à des actions armées. Le projet de loi en préparation devrait encore une fois viser la désagrégation du PKK, qui a abandonné la lutte armée en 1999 après la condamnation de son chef. Les combats avec l'armée dans le Kurdistan ont pratiquement cessé depuis. Selon la presse turque, le gouvernement projette cette fois d'inclure dans le projet certains responsables du PKK, tout en excluant A. Ocalan et les membres de sa direction. De son côté, dans un communiqué publié le 6 mars par le quotidien kurde Ozgur Politika le PKK juge “ insuffisant ” ce projet de loi. Il réclame de nouveau une amnistie générale et l'égalité des droits pour les Kurdes en Turquie. La nouvelle “ loi sur les repentis ”, discutée cette semaine en conseil des ministres, sera aussi inefficace que les précédentes, a prévenu le conseil de présidence de l'organisation, qui veut se transformer dans les semaines à venir en un nouveau parti politique. Le PKK réclame une “ loi spéciale ” prévoyant une amnistie générale pour le “ mouvement de libération kurde ” et la fin de toutes les discriminations envers les Kurdes, poursuit le communiqué. Cette loi ferait des Kurdes “ des citoyens libres de la Turquie ”, souligne le conseil de présidence. Il réaffirme que le PKK va lors de son prochain congrès prendre “ des décisions positives ” vers “ une solution pacifique ” à la question kurde. LE PARLEMENT EUROPÉEN ADOPTE UNE RÉSOLUTION DEMANDANT L’ARRÊT DES POURSUITES À L’ENCONTRE DU HADEPÀ l’initiative du groupe GUE /NGL, le Parlement européen, a, le 28 février, adopté une résolution “ sur les droits démocratiques en Turquie et, en particulier, la situation de l’HADEP ”, demandant l’arrêt des poursuites à l’encontre de l’HADEP, “ considérant qu’[il] milite en faveur de l’octroi de droits civils aux Kurdes de souche en Turquie…[et qu’il] nie tout lien organique avec le PKK ou toute autre organisation terroriste ”. Le Parlement européen “ demande au gouvernement turc de respecter et de protéger, quelle que soit leur attitude à l’égard de la politique du gouvernement, tous les partis qui recourent à des moyens démocratiques, dans le respect de l’Etat de droit, pour promouvoir leurs objectifs politiques ”. La résolution “ exprime [également] sa préoccupation quant à l’interdiction de plus en plus fréquente des activités des partis politiques turcs ”. Le président du parti HADEP, Murat Bozlak, a, le 1er mars, défendu devant la Cour constitutionnelle turque son parti menacé d'une interdiction. Arrivé à la Cour accompagné de six de ses adjoints, il a assuré seul pendant un peu plus d'une heure la défense de son parti devant les juges lors d'une session à huis clos. “ La procédure contre nous a été engagée dans une atmosphère de conflit, il y a trois ans, et elle est dénuée de fondement juridique ”, a-t-il estimé devant la presse au terme de l'audience. Il s'est dit “ convaincu ” qu'elle serait rejetée par la Cour. Le Parlement européen souligne par ailleurs que le “ statut de pays candidat donne à la Turquie des responsabilités et des engagements accrus à l’égard de l’Union européenne ”. Il “ se félicite de la modification de la Constitution qui doit conduire à une levée partielle des restrictions relatives à l’usage de la langue kurde” , “ demande instamment que cette démarche soit promptement suivie d’autres mesures conduisant à une large acception des aspirations culturelles du peuple kurde et à la solution des problèmes sociaux, économiques et politiques dans le Sud-est de la Turquie, espère que l’Etat turc garantira prochainement les droits légitimes de toutes les minorités en Turquie ”. Par ailleurs, la résolution “ invite instamment les autorités turques à cesser tout autre action contre les étudiants qui demandaient que la langue kurde figure parmi les matières enseignées, et à relâcher ceux qui ont été arrêtés ”. À LA DEMANDE DE LA POLICE, LE MINISTÈRE TURC DE LA CULTURE INTERDIT LE FILM LE PLUS PRIMÉ DE L’ANNÉE EN TURQUIELe haut comité turc de contrôle des œuvres cinématographiques, de vidéo et de la musique, a, le 28 février décidé, à la demande de la Direction de la sécurité, d’interdire le film le plus primé de l’année en Turquie pour “ atteinte à l’intégrité territoriale et nationale du pays ”. “ Büyük adam küçük ask ” (Grand homme, petit amour), sur les écrans depuis plus de cinq mois, avait été primé dans cinq catégories dont celui du meilleur film au festival de l’Orange d’or, l’équivalent turc du festival de Cannes. Le film avait également obtenu une subvention du ministère turc de la culture d’un montant de 20 700 euros mais aussi un crédit de 16 600 euros, octroyé par le même ministère. Il est également parmi les favoris pour représenter la Turquie aux prochains Oscar. Le rapport daté du 26 décembre 2001 de la Direction de la sécurité relève que “ le film met en scène des exécutions extrajudiciaires par la police, affiche une approche chauvine contre l’identité et la langue kurdes, ébranle le sentiment de confiance à l’égard des organes de sécurité et manifeste un parallélisme avec la propagande séparatiste ”. Interrogé par la presse, Istemihan Talay, ministre de la culture, a décliné toute responsabilité en soulignant que celle-ci revenait au haut comité composé de sept membres dont un membre du Secrétariat général du conseil national de sécurité (MGK), un représentant des ministères de l’Intérieur, de l’Education nationale et de la culture, en reconnaissant que le représentant du son ministère avait voté pour l’interdiction du film. Le président du bureau des droits d’auteurs, Günay Görmez, a d’autre part, reconnu que le fait que le film porte pour sa version étrangère le nom de “ Hejar ”, prénom kurde de la protagoniste du film, est une des raisons de l’irritation du ministère. “ Hejar ” (Pauvre) c’est l’histoire d’une petite fille qui ne parle que le kurde, recueillie par sa famille dans une grande métropole, après l’exécution de ses parents par la police turque. Le film raconte l’attachement et la tendresse entre un procureur turc en retraite et Hejar. DES PRÉNOMS KURDES EN PROCÈSAprès la pacification du Kurdistan, les autorités turques s’engagent dans la purification et la turquisation des registres d’état-civil. Les prénoms kurdes mettraient en péril la fragile “ unité nationale turque ” ! Selon le quotidien Ozgur politika du 3 mars, sur la base d’une plainte datée du 21 décembre 2001 de la gendarmerie de Dicle, auprès du Tribunal de Grande Instance de Diyarbakir, sept familles kurdes sont sommées de turquifier les noms kurdes jugés “ inconvenants ” de leurs 23 enfants, âgés d’un à 15 ans. Ainsi, sur le fondement d’une circulaire du ministère turc de l’Intérieur, le commandement de la gendarmerie de Dicle a passé au crible les registres d’état civil entre 1985 et 2001, pour en extirper les prénoms incriminés : Berivan (trayeuse), Zilan (vallée), Rojda (lumineux), Baver (confiant), Welat (pays), Serhat (confins), Kendal (colline), Zinar (rocher), Hebun (exister), Baran (pluie), Rojhat (aurore), Agit (brave), Zelal (claire), Zozan (alpage). Le procureur de la république de Dicle, Alpaslan Karabay, suivant l’argument de la gendarmerie soutenant que ces prénoms sont utilisés comme des noms de code par les combattants du PKK, se base sur l’article 1587 alinéas 16 du code d’état civil disposant que “ le prénom de l’enfant est donné par les parents. Mais on ne peut donner des noms portant atteinte à notre culture nationale, aux mœurs, aux us et coutumes, et heurtant l’opinion publique ”. “ Les Deniz [ndlr : référence à Deniz Gezmis, leader de l’organisation d’extrême gauche pendu en 1972] et les Alpaslan [ndlr : référence à Alpaslan Turkes, leader du parti d’extrême droite ultra nationaliste], qui plus est l’homonyme du procureur menant l’instruction, ont réussi à vivre ensemble. Espérons que la justice turque se débarrassera de cette honteuse paranoïa contre les noms… ” écrit Enis Berberoglu dans le quotidien turc Radikal du 4 mars. “ La cour de cassation dans deux arrêts différents, datés de 1989 et 1992, concernant les prénoms Berfin pour l’un et Rojda pour l’autre, avait cassé les décisions d’annulation des prénoms ” rappelle pour sa part Turgut Tarhanli le 5 mars dans le même quotidien. LA TURQUIE : “ PAYS DE TRANSITE DE LA DROGUE ”, “ CENTRE DU BLANCHIMENT DE L’ARGENT SALE ”Selon le quotidien turc Milliyet du 3 mars, le rapport 2001de Stratégie internationale de contrôle narcotique du Département d’Etat américain, désigne la Turquie comme le pays de transit pour le trafic de drogue circulant du sud-ouest asiatique vers l’Europe avec six tonnes de drogue transitées par mois. Le rapport qui désigne la Turquie comme le centre du blanchiment de l’argent sale, souligne que 5,1 tonnes d’héroïne, 10 tonnes de cannabis, 1,7 millions de drogues synthétiques ont été saisies par la police turque en 2001. LE RAPPORT ANNUEL DU DÉPARTEMENT D’ETAT AMÉRICAIN SOULIGNE LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME DANS LES RÉGIONS KURDES EN TURQUIESelon le quotidien turc Milliyet du 6 mars, le rapport annuel relatif aux droits de l’homme du Département d’Etat américain met l’accent cette année sur la question de la torture en Turquie. “ Les forces de sécurité ont largement continué à pratiquer la torture, le passage à tabac et à enfreindre d’autres droits… ” souligne le rapport. “ Selon les observateurs des droits de l’homme et les spécialistes en médecine, les forces de sécurité turques, au lieu de matraquer ou de donner des coups de poings aux personnes placées en garde-à-vue, battent avec de lourds sacs, ou encore à la place d’appliquer directement sur le corps des chocs électriques, utilisent des chaises métalliques délivrant des charges électriques, bref optent pour des moyens de torture laissant peu de traces sur le corps ” indique le rapport. Il souligne également le fait que les forces de l’ordre et la police, impliquées dans des cas de torture, soient rarement condamnées ou encore que les peines soient souvent très clémentes, aggrave la situation. Le Département d’Etat américain relève le fait que les violations des droits de l’homme sont plus intenses dans les régions kurdes en mettant l’accent sur les violations de la liberté de l’expression et d’association particulièrement intenses dans les provinces kurdes. “ La Constitution turque ne reconnaît pas les Kurdes comme une minorité nationale, raciale et ethnique, or dans les faits, les Kurdes constituent la plus importante minorité ethnique et languistique du pays. Dans la fonction publique et dans la politique, ceux qui désirent s’identifier comme Kurdes et qui soutiennent l’utilisation de la langue kurde dans la fonction publique, sont menacés de censure, de pressions de toutes sortes, de harcèlement et de poursuite judiciaire ” conclut ce rapport qui est remis au Congrès américain pour éclairer son choix en politique étrangère. Alliée militaire et stratégique de longue date de Washington, la Turquie sait d’expérience que ces critiques sur la situation des droits de l’homme formulées depuis plus de dix ans n’ont jusqu’ici eu guère de conséquence sur les relations turco-américaines. |