27/6/2002
LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR LA DESTRUCTION D’UN VILLAGE KURDE ET LA DISPARITION DE VILLAGEOIS La Turquie a été condamnée, le 18 juin, à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l'Homme pour la destruction d'un village kurde par des soldats et pour la disparition de trois villageois.
Le 6 mai 1994, des soldats rassemblèrent les habitants de Debovoyu en leur donnant une heure pour évacuer leurs maisons. Ils mirent ensuite le feu aux habitations. Le lendemain, les villageois se rendirent dans la ville kurde de Kulp pour se plaindre auprès du commandant de la gendarmerie du district. Ils reçurent l'autorisation de revenir au village pour faire les récoltes. Le 24 mai, les soldats revinrent au village et emmenèrent trois hommes de la famille Ohran pour leur servir de guides. Ils ont été revus un peu plus tard dans un village voisin, puis ont disparu à jamais.
La Cour européenne a estimé que l'Etat turc avait violé le droit à la vie de la famille Ohran ainsi que l'interdiction de la torture et les droits à la liberté, au respect de la vie privée et familiale, à la propriété, au recours effectif et au recours individuel des requérants. La Turquie n'a mené que des enquêtes superficielles et tardives sur la disparition des trois hommes, selon les juges. En outre, la destruction délibérée des biens de cette famille constitue des faits « particulièrement graves et injustifiés » pour les requérants, ont-ils dit.
Ankara devra verser plus de 150.000 euros de dédommagement matériel et moral à une famille kurde qui a perdu trois de ses membres et dont les maisons et certains biens ont été délibérément incendiés et détruits.
LE PARMENT TURC ADOPTE LA LEVÉE D’URGENCE DANS DEUX PROVINCES KURDES : HAKKARI, TUNCELI Le Parlement turc a adopté le 19 juin la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 14 ans dans deux provinces kurdes, celles de Hakkari et de Tunceli. Cette mesure, recommandée le 30 mai lors de la réunion mensuelle du Conseil national de sécurité (MGK), organe dominé par l'armée avec le chef de l'Etat et cinq ministres, sera effective à partir du 30 juillet. La Commission européenne avait alors salué ces recommandations du MGK et demandé qu'elles soient effectivement appliquées.
Deux autres provinces voient en revanche l'état d'urgence reconduit pour quatre mois « pour la dernière fois », comme avait conseillé le MGK: celles de Sirnak et Diyarbakir.
La levée de l'état d'urgence dans les provinces kurdes fait partie des mesures politiques réclamées à « moyen terme » à la Turquie par l'Union européenne (UE) pour son adhésion. Le gouvernement turc s'était engagé l'an dernier à lever l'état d'urgence sans donner de date dans un « programme national » détaillant les mesures visant à mettre la Turquie en conformité avec les normes européennes en matière de politique et d'économie. Le gouvernement tripartite de M. Bulent Ecevit est divisé sur ces réformes, dont l'abolition de la peine capitale, l'autorisation d'une chaîne de télévision kurde ainsi que l'enseignement en langue kurde. Son partenaire ultranationaliste, le parti de l’Action nationaliste (MHP) de Devlet Bahceli, s’y oppose obstinément. D’ailleurs, à l’initiative des associations regroupant les parents des soldats, animées par le MHP, les familles ont présenté le 18 juin au parlement une pétition pour réclamer l'exécution d’Abdullah Ocalan, comptant 2,5 millions de signatures.
LE PRÉSIDENT TURC EN VISITE EN IRAN Le président turc Ahmet Necdet Sezer a commencé, le 17 juin, une difficile visite officielle de deux jours en Iran, accompagné d'une délégation forte de 120 hommes d'affaires et de 20 journalistes. Il a été reçu par son homologue iranien Mohammad Khatami au cours d'une cérémonie haute en couleurs au palais de Saadabad, dans le nord de la capitale, suivie de deux heures d'entretiens privés, sur lesquels aucun détail n'a filtré.
La Turquie est politiquement opposée à l'Iran sur nombre de questions régionales. De ce fait, les rencontres sont difficiles alors que les relations économiques s'améliorent. Ankara s'est inquiété de l'essai iranien d'un missile balistique capable d'atteindre la Turquie. Téhéran de son côté proteste contre l'étroite relation militaire et sécuritaire de la Turquie avec Israël, son ennemi juré. La Turquie laïque et l'Iran islamique s'accusent fréquemment de tous les maux, Ankara reprochant à Téhéran de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et l'Iran à la Turquie d'héberger l'opposition iranienne des Moudjahidine du peuple. L'alliance turco-israélienne est « l'un des principaux obstacles » aux relations bilatérales, soulignait le quotidien modéré en anglais "Iran News" le 17 juin.
Malgré ces querelles politiques, les relations commerciales ont progressé, s'élevant à 1,4 milliards de dollars l'année dernière. Et, surtout, en janvier 2002, l'Iran a commencé à exporter du gaz naturel vers la Turquie via un gazoduc de plus de 2.500 km de long, dans le cadre d'un accord s'élevant à 30 milliards de dollars.
LA TURQUIE AUX COMMANDES EN AFGHANISTAN La Turquie, seul pays musulman membre de l'OTAN, a, le 20 juin, pris les rênes de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) qui assure le maintien de la paix dans la capitale afghane. Le général turc Hilmi Akin Zorlu commandera 4.000 soldats originaires de 19 pays.
Au cours d'une cérémonie de passation de pouvoirs à Kaboul, Ankara a pris le relais de Londres qui va se désengager. Le secrétaire britannique à la Défense, Geoff Hoon, a ainsi annoncé que le contingent à Kaboul passera d'ici l'été de 1.300 à 400 hommes. Par ailleurs, les 1.700 Royal Marines présents sur la base aérienne de Bagram au nord de la capitale s'en iront par étapes d'ici juillet.
La cérémonie de passation de pouvoirs intervient au lendemain de la présentation du gouvernement intérimaire composé de 14 ministres qui dirigeront le pays jusqu'à la tenue d'élections dans 18 mois. La Turquie va augmenter son contingent en Afghanistan pour compter 1.400 hommes d'ici la fin du mois. Avec 1.200 soldats, l'Allemagne a le deuxième contingent le plus important.
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