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Liste
NO: 260 |
18/2/2003 LES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS DEMANDENT LEUR LIBÉRATION EN VERTU DE LA NOUVELLE LÉGISLATIONLeyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, les quatre anciens députés kurdes emprisonnés depuis près de 9 ans à la prison centrale d’Ankara ont, le 4 février, officiellement fait appel aux autorités turques aux termes d'une loi nouvellement adoptée par le Parlement turc autorisant de nouveaux procès pour les prévenus dont les sentences ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l'Homme. La Cour européenne des droits de l'Homme avait jugé leur procès inéquitable et le Conseil de l'Europe a demandé en janvier dernier à Ankara de réviser leur procès. Me Yusuf Alatas, l'avocat des ex-députés, a également demandé au tribunal de suspendre les peines prononcées en 1995 contre ses clients et de les libérer en attendant la tenue d’un nouveau procès : La décision est attendue d’ici quelques semaines. ANKARA VEUT PROFITER DE LA GUERRE EN IRAK POUR ETOUFFER LA DÉMOCRATIE INSTAURÉE AU KURDISTAN IRAKIENL'armée turque dépêche des troupes à sa frontière avec le Kurdistan irakien tout en affirmant qu'il s'agit de « mesures de précaution » qui ne doivent pas être perçues comme une menace contre l'Irak. La Turquie envisage d'envoyer des dizaines de milliers de troupes dans le Kurdistan d'Irak sous couvert de vouloir assurer des missions humanitaires, notamment afin de retenir en territoire irakien un afflux de réfugiés à ses frontières. Ankara a sonné le 6 février l'heure du ralliement à Washington lorsque le Parlement turc a autorisé des ingénieurs et techniciens militaires américains à travailler dans les ports et aéroports turcs pour les mettre aux normes pour une éventuelle utilisation par les troupes américaines. La Turquie compte permettre à quelque 300 avions américains d'utiliser ses bases en cas d'action militaire contre l'Irak, et s'apprête elle-même à envoyer quelque 80.000 soldats dans le Kurdistan d'Irak, écrit le 8 février le quotidien turc Milliyet. « Si l'on reste en dehors de l'équation au début de l'opération, on pourrait ne plus en contrôler les développements à la fin », explique Recep Tayyip Erdogan, chef de file du parti de la Justice et du Développement (AKP). « Les forces armées turques ne vont pas se battre en Irak », mais leur présence pourrait être nécessaire « pour prévenir des massacres, des vagues de réfugiés et l'établissement d'un Etat (kurde) indépendant », affirmait pour sa part le Premier ministre turc Abdullah Gul. Toutefois, la presse turque rapporte depuis plusieurs jours que les Etats-Unis sont hostiles à ce que les troupes turques soient dirigées par un commandant turc. Zalmay Khalilzad, le représentant du président américain auprès de l'opposition irakienne, en visite à Ankara au terme d'entretiens sur « l'après-Saddam » avec les responsables turcs et plusieurs hauts représentants de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dont Jalal Talabani, leader de l’UPK et Nechirvan Barzani, Premier ministre du gouvernement régional kurde d’Erbil, a mis, le 7 février, en garde la Turquie contre une intervention militaire unilatérale, affirmant que « toute action et conflit en Irak doit se faire dans le cadre d'un commandement coalisé ». M. Erdogan a, le 10 février, répliqué que la Turquie considérera comme une « insulte » une éventuelle proposition américaine de commander les troupes turques dans le Kurdistan d’Irak en cas d'une éventuelle intervention militaire contre l'Irak. « Une telle chose sera une insulte pour le peuple (turc). Nous considérerons une proposition en ce sens comme une insulte », a-t-il indiqué. M. Erdogan a souligné que l'armée turque était dotée de l'expérience et des forces nécessaires pour mener des missions dans cette région et a mis l'accent sur la présence militaire turque dans le Kurdistan d'Irak depuis années. De plus, la Turquie pourrait décider de reporter le vote autorisant des dizaines de milliers de soldats américains à prendre pied en Turquie. Le Parlement turc devait se réunir le 18 février pour voter l'autorisation, mais le ministre turc des affaires étrangères Yasar Yakis a affirmé, le 16 février, qu'il serait « très difficile » de respecter cet agenda. « Il y a des difficultés concernant l'agenda... Nous avons expliqué que nous pourrions ne pas être en mesure de porter la question devant le Parlement dans une période aussi courte », a déclaré M. Yakis au cours d'une conférence de presse avec le ministre de l'Economie Ali Babacan. M. Yakis s'est exprimé à son retour de Washington où il avait rencontré différents responsables. La Turquie et les Etats-Unis ont échoué à se mettre d'accord sur l'ampleur de l'aide économique que pourraient apporter les Etats-Unis pour amortir le choc d'un conflit irakien en Turquie, a affirmé, de son côté, M. Ali Babacan. Les estimations sur le nombre de soldats américains varient de jour en jour, mais la presse turque laisse entendre que 10.000 à 20.000 GIs seraient autorisés à pénétrer en Irak à partir de la Turquie, tandis que le gros des forces américaines attaquerait Bagdad, au sud, depuis la région du Golfe. Selon la presse turque, Ankara souhaite que le nombre de soldats turcs au Kurdistan irakien soit supérieur à celui des soldats américains et qu'en aucun cas les Britanniques -accusés par Ankara d'être pro-kurdes-- ne se déploient dans cette zone. Pour la Turquie, il faut avant éviter que les Kurdes irakiens, largement autonomes depuis qu'ils ont le contrôle de la région ne déclarent leur indépendance ou une quelconque autonomie. Si la Turquie avait occupé le Kurdistan irakien pendant la guerre du Golfe, « nous n'aurions pas perdu autant de vies humaines et l'organisation terroriste (PKK) n'aurait pas pu s'implanter et se développer », affirme M. Gul. Pour rassurer leurs voisins, les dirigeants des deux partis kurdes qui administrent le pays proclament haut et fort leur attachement à un Etat unitaire en Irak. Jalal Talabani, affirmait cette semaine à Ankara que lorsque « l'armée américaine nous libérera de la dictature irakienne, il ne sera plus question (pour nous) de faire sécession ». Les Kurdes refusent avec véhémence que l'armée turque franchisse la frontière aux côtés des forces américaines et prenne pied durablement dans cette région sensible sous prétexte de guerre contre Saddam Hussein. « Il n'y a aucune raison pour qu'une armée, turque ou d'un autre pays de la région, vienne ici, il n'en ressortira rien de bon et nous ne l'accepterons pas », a mis en garde Sami Abdoul Rahman, vice-Premier ministre du gouvernement régional kurde d’Erbil lors d’une conférence de presse le 12 février. « Les Turcs n'ont pas l'intention de combattre les Irakiens, ils veulent simplement entrer [au Kurdistan irakien] par la porte de derrière », a estimé M. Abdoul Rahman qui rejette l'argument humanitaire : « S'ils veulent nous aider pour les réfugiés, ils n'ont qu'à nous envoyer des organisations non-gouvernementales ou la Croix-Rouge internationale, mais pas des soldats ». M. Abdoul Rahman a également ajouté « les Américains nous ont promis de ne pas nous laisser tomber cette fois ». LE PKK APPELLE À LA « RÉSISTANCE ARMÉE »Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a averti qu'il reprendrait les armes contre l'armée turque et les Kurdes irakiens si on cherchait à les expulser du Kurdistan d'Irak, où ils sont réfugiés, a rapporté le 10 février le journal Ozgur Politika. Selon le journal, le commandant du PKK, Osman Ocalan a affirmé que si les troupes turques pénétraient dans la région, les combattants du PKK rentreraient en Turquie. « Si la Turquie... lance une guerre d'extermination, (...) notre résistance armée sera menée sur le territoire le plus vaste possible », a-t-il déclaré. Le PKK a fixé un ultimatum au 15 février, en demandant aux autorités turques d’autoriser les visites des avocats à Abdullah Ocalan empêché de les rencontrer depuis 11 semaines. Plusieurs dizaines de personnes ont été placées en garde-à-vue à la suite des manifestations à Batman et Mardin. Par ailleurs, une délégation du Conseil de l'Europe, en visite le 17 février à Istanbul pour enquêter sur les conditions de détention A. Ocalan, a été empêchée de rencontrer le détenu, officiellement pour des conditions défavorables de la météo. La délégation comprend des membres du comité du Conseil pour la lutte contre la torture. Des milliers de kurdes ont manifesté le 15 février en Turquie mais aussi en France et en Grèce pour réclamer la libération d’A. Ocalan. Les manifestations en Turquie ont été marquées par quelques incidents et plus d’une centaine interpellations à l'occasion du quatrième anniversaire de la capture du chef du PKK. L’OTAN EN CRISE SUR LA QUESTION D’AIDE À LA TURQUIEAprès une semaine de crise sans précédent entre alliés, l'Otan est parvenue le 16 février, à un accord autorisant la planification de mesures pour protéger la Turquie en cas de guerre en Irak. « La solidarité de l'Alliance a prévalu », s'est félicité le secrétaire général de l'Alliance George Robertson après cet accord arraché à l'issue d'intenses tractations au sein du Comité des plans de défense (CPD) de l'Otan, dont la France ne fait plus partie depuis qu'elle a quitté la structure militaire intégrée de l'Otan en 1966. Dans un ultime baroud d’honneur, la France, l'Allemagne et la Belgique, qui avaient auparavant opposé leur veto à l’aide de l’OTAN à la Turquie, ont affirmé dans une déclaration commune que cet accord « ne préjuge en rien des efforts en cours » à l'Onu pour un règlement pacifique de la crise irakienne. Dans ce texte, les trois pays « soulignent en particulier que l'usage de la force ne pourrait constituer qu'un ultime recours, et que toutes les possibilités offertes par la résolution 1441 n'ont pas encore été exploitées ». Les mesures d'aide à la Turquie concernent principalement le déploiement à titre préventif de batteries de missiles antimissiles Patriot fournis par des Etats membres et d'avions-radars Awacs en possession de l'Alliance. Lord Robertson a cependant assuré que ces mesures restaient « purement défensives ». « L'incapacité de l'Otan à adopter une position commune sur la question turque n'aura aucune conséquence pour la sécurité de la Turquie », avait pourtant estimé, le 14 février, le chef de la diplomatie turque Yasar Yakis, qui a ajouté que son pays obtiendrait ce dont il a besoin pour se protéger, si nécessaire par des accords bilatéraux. « L’armée turque est de toute façon très puissante. Nous n’avons pas du tout besoin d’eux. Notre force est une des plus fortes du monde » avait fièrement déclaré le Premier ministre turc Abdullah Gul dans le journal Hurriyet du 12 février. Par ailleurs, la Turquie accueillait le 16 février une nouvelle fois le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz de retour de Rome. Il a eu un entretien imprévu d'une heure à l'aéroport d'Istanbul avec son homologue turc Mehmet Ali Sahin et Recep Tayyip Erdogan, selon la presse turque. La question irakienne sera âprement débattue au sommet de l'Union européenne convoqué le 17 février à Bruxelles par la présidence grecque pour tenter de dégager une position commune, en présence du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan. LE PREMIER MINISTRE TURC OFFRE L’ASILE À SADDAM HUSSEINSelon la presse turque, le Premier ministre Abdullah Gul a fait part des garanties pour la survie de Saddam Hussein à Taha Yasin Ramazan, vice-Premier ministre irakien, en visite éclair clandestine le 10 février à Ankara. Le quotidien turc Hurriyet daté du 12 février relate que M. Gul a assuré à Saddam Hussein toute garantie sur sa survie en cas d’exil en Turquie ou dans tout autre pays. « Nous vous offrons toutes les garanties que vous désirerez » aurait déclaré le Premier ministre turc à son homologue irakien. Malgré les démentis du Premier ministre, son entourage confirme l’information en déclarant « Ce ne serait pas diplomatiquement chic de la part du Premier ministre de déclarer publiquement une chose pareill». LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME TROUVE JUSTIFIÉES LA DÉCHÉANCE DE L’ANCIEN PREMIER MINISTRE TURC NECMETTIN ERBAKAN ET LA DISSOLUTION DU PARTI ISLAMISTE REFAHLa Cour européenne des droits de l’homme a, le 13 février, rejeté la demande du parti de la Prospérité (Refah-islamiste), dissous par un arrêt du 16 janvier 1998 par la Cour constitutionnelle turque au motif qu’il était devenu un « centre d’activités contraires au principe de laïcité ». La Cour européenne a statué qu’« il existait des raisons convaincantes et impératives pouvant justifier la dissolution du Refah et la déchéance temporaire de certains droits politiques prononcée à l’encontre des autres requérants. » Il en résulte que la dissolution du Refah peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique ». La Cour a estimé que l’ingérence dans le droit à la liberté d’association des requérants reconnu par l’article 11 de la Convention était prévue par la loi et poursuivait un but légitime. La Cour conclut en outre que les ingérences en cause ne peuvent être considérées comme disproportionnées aux buts visés. La Cour a souligné qu’un « parti politique peut promouvoir un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : premièrement, les moyens utilisés à cet effet doivent être légaux et démocratiques et, deuxièmement, le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs. » « La Cour estime aussi que les statuts et le programme d’un parti politique ne peuvent être pris en compte comme seul critère afin de déterminer ses objectifs et intentions... C’est pourquoi la Cour a rappelé qu’on ne saurait exclure que le programme politique d’un parti cache des objectifs et intentions différents de ceux qu’il affiche publiquement. » |