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Liste
NO: 272 |
18/8/2003 SEPTIÈME AUDIENCE DU PROCÈS DES DEPUTÉS KURDES : MOLESTÉS LORS DE LEUR TRANSPORT À LA COUR ALORS QUE LE PARLEMENT EUROPÉEN S’INDIGNE DU DÉROULEMENT DU PROCÈSLes anciens députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP), Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak, emprisonnés en Turquie depuis plus de 9 ans, se sont présentés, le 15 septembre, devant la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara pour la 7ème audience du procès, réouvert depuis le 28 mars 2003, après plusieurs condamnations unanimes de la Turquie par la Cour européenne des droits de l’homme. À l’issue de l’audience, présidée par Mme Süreyya Gönül, la cour a ajourné le procès au 17 octobre tout en refusant la libération conditionnelle de Leyla Zana, lauréate du Prix Sakharov 1995 et de ses collègues. Le Parlement européen a vivement réagi à la position de la justice turque. Jooste Lagendijk, co-président de la Délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie, a déclaré que la question des députés kurdes était devenue une plaie saignante entre l’Union européenne et Ankara, que de nombreuses lois en Turquie restaient sur le papier et que ce procès exposait ouvertement cet état de fait. Un autre député européen, Richard Balfe, a indiqué pour sa part que cette affaire prouvait non pas le vide des réformes mais un vide juridique en Turquie et qu’aucun principe juridique en vigueur en Turquie n’avait été appliqué dans cette affaire. Joost Lagendijk a également indiqué qu’une réunion spéciale en présence de Me Yusuf Alatas, l’avocat de la défense, allait être organisée le 23 septembre au Parlement européen pour discuter tout particulièrement de cette affaire. “ Malheureusement, avec ce procès, la Turquie ne fait que procurer des arguments aux nombreux Européens ayant des préjugés sur la Turquie et détruit les arguments des défenseurs de la Turquie ” ajoute J. Lagendijk. Le Parlement européen avait annoncé que la question avait été mise à l’ordre du jour de la session de l’assemblée générale réunie du 22 à 25 septembre et que la Commission des affaires étrangères du Parlement européen devrait se réunir pour débattre expressément des conditions de rejugement des députés kurdes. La presse turque relate également que le président du Parlement européen, Pat Cox, a appelé le ministre turc des affaires étrangères, Abdullah Gul, quelques jours avant l’audience pour indiquer que “ le développement du procès affectera la vision du Parlement européen sur les réformes engagées en Turquie ”. Le quotidien turc Milliyet daté du 16 septembre, titre “ Nous préférons la libération des députés kurdes ”, reprenant les propos d’A. Gul, tout en ajoutant qu’il fallait être respectueux des décisions de justice indépendante. Leyla Zana, a, quant-à-elle, déclaré que les réformes d’harmonisation à l’UE n’étaient pas appliquées et que “ seules certaines choses ont changé sur le papier ”. Elle a également indiqué qu’au cours de leur rejugement, ils n’avaient exprimé que des messages de paix, de fraternité et d’amitié et que cela n’avait pas été pris en considération, mais qu’ils avaient été “ innocentés dans le cœur de la société ”. Leyla Zana a également accusé la Cour de sûreté de l’Etat de représenter le statu quo sans tenir compte des changements. “ Nous ne pouvons pas être une plante de décoration, un maquillage ou encore le carbone du passé dans les relations entre la Turquie et l’UE ” a déclaré Leyla Zana en qualifiant le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan et son parti de la Justice et du développement (AKP) de “ faux et rentiers ”. Elle a vivement critiqué le Premier ministre turc qui avait récemment déclaré “ si vous n’y pensez pas, il n’y a pas de question kurde ”. Dans son intervention, Orhan Dogan, a déclaré à la Cour qu’ils avaient été “ victimes de violations des droits de l’homme ” le jour même du procès en dénonçant les mauvais traitements qu’ils avaient reçus lors de leur transport. En fait, des membres des forces spéciales, de la gendarmerie (JITEM) ont bousculé, molesté, fouillé, d’une façon humiliante Dogan et ses collègues lors de leur transport. Hormis les déclarations des députés, la Cour a procédé à l’audition de trois témoins à la demande du représentant de la défense, Me Yusuf Alatas. Ces derniers ont infirmé les allégations de l’accusation en déclarant que les députés avaient œuvré dans la région pour pacifier les esprits et rassembler les tribus ennemies. BILAN DU MOIS D’AOÛT DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME : LE SEUL MOIS D’AOÛT A ÉTÉ PLUS MEURTRIER QUE TOUTE L’ANNÉE 2002La section de l’Association turque des droits de l’homme à Diyarbakir (IHD), a, le 11 septembre, rendu public le bilan du mois d’août des violations des droits de l’homme dans la province de Diyarbakir. L’association a affirmé que les violations des droits de l’homme enregistrées pour le seul mois d’août dépassaient le bilan de toute l’année 2002. L’année 2002 enregistrait 14 morts alors qu’il y a eu 17 morts en août 2003. Ce bilan s’établit comme suit :
OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE CONTRE DES CHANTEURS ET REPRÉSENTANTS DE PARTIS POLITIQUES PRO-KURDES APRÈS LEUR PARTICIPATION À UN FESTIVAL KURDE EN ALLEMAGNELa Turquie a ouvert une enquête sur des chanteurs et des hommes politiques turcs dont la participation à un récent festival kurde en Allemagne pourrait “ s'apparenter à un soutien actif aux rebelles kurdes ”, a rapporté le 18 septembre le quotidien turc Radikal. L'enquête fait suite à la diffusion par des chaînes de télévision turques d'une séquence montrant Haluk Levent, un chanteur de rock très connu en Turquie, se produisant devant des spectateurs qui agitaient des drapeaux à l'effigie d’Abdullah Ocalan, leader du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), emprisonné en Turquie. Selon le quotidien, le festival, qui s'est déroulé le 13 septembre à Genselkirschen, a été organisé par des sympathisants du PKK, organisation interdite en Turquie comme en Allemagne. La justice turque, qui enquête sur 15 personnes ayant participé au festival, dont M. Levent, un autre chanteur, Musa Eroglu, et les dirigeants des deux principaux partis pro-kurdes de Turquie, Tuncer Bakirhan et Ahmet Turan Demir, pourrait les inculper d' “ assistance à une organisation illégale ”, un crime passible de sept ans de prison. LA COMMISSION PARLEMENTAIRE TURQUE DES DROITS DE L’HOMME ACCUEILLE FAVORABLEMENT LE TRANSPERT D’ABDULLAH OCALAN DANS UNE AUTRE PRISON DE HAUTE SÉCURITÉAbdullah Ocalan, actuellement seul détenu de l'île-prison d'Imrali, au sud d'Istanbul, pourrait être prochainement transféré dans un établissement pénitentiaire de haute sécurité de la capitale, rapporte la presse turque le 13 septembre. La requête en ce sens des avocats du détenu dont la condamnation à mort en juin 99 a été commuée en détention en perpétuité, a reçu un accueil favorable de la Commission parlementaire des droits de l'Homme, écrit le journal turc Cumhuriyet (République). “ Notre commission a inspecté récemment la prison de Sincan (banlieue d'Ankara) et l'a trouvée convenable, sinon le transfert pourrait aussi se faire vers un autre établissement ”, explique dans le journal le vice-président de cette commission, Cavit Torun. “ Il est question de trouver une solution autre que l'isolement (d’Abdullah Ocalan) ”, a indiqué M. Torun, “ car la prolongation de l'état d'isolement peut s'avérer contre-productive ”. Selon ses avocats, le leader du PKK (rebaptisé Kadek) souffre de difficultés respiratoires et de sinusite, de malaises cardiaques et de problèmes rénaux, et ils réclament un contrôle médical “ indépendant ”. LU DANS LA PRESSE TURQUE“ ATTACHONS LE HAUT CONSEIL DE L’ENSEIGNEMENT (YOK) À L’ARMÉE DE TERRE. ” À l’occasion du 23ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, Mehmet Altan, universitaire et journaliste au quotidien turc Sabah, se remémore le bilan et les conséquences de cette intervention militaire qui perdure en Turquie avec la Constitution de 1982, héritière du coup et aujourd’hui principal obstacle aux libertés fondamentales. Dans son article daté du 13 septembre, le journaliste dénonce l’ingérence de l’armée dans la vie académique sous le titre de “ Attachons le Haut conseil de l’enseignement (YOK) à l’armée de terre… ”. Voici de larges extraits de cet article : “ Hier, c’était le 23ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre. Le bilan de ce coup d’Etat nous est revenu en mémoire. “ 650 000 personnes ont été placées en garde-à-vue et torturées. 2 000 000 de personnes ont été fichées et torturées. 230 000 autres ont été jugées par les tribunaux d’exception d’état de siège. 98 000 personnes ont été poursuivies pour appartenance à une organisation et la peine de mort a été requise contre 7 000 personnes. Les journalistes ont été condamnés à 3 315 ans de prison au total. 14 personnes sont mortes à la suite de la grève de la faim et 171 autres à la suite des tortures subies. 144 autres ont perdu la vie dans des conditions douteuses. Et 50 personnes ont été condamnées à la pendaison et exécutées ”. Parmi ces derniers, il y avait Erdal Eren, âgé de 17 ans, vieilli délibérément. Kenan Evren, pour cette décision problématique avait déclaré “ Vous voulez ne pas les pendre mais les nourrir ? ”… Le coup d’Etat du 12 septembre a redoré le blason du régime de parti unique en Turquie… Le 12 septembre a mis la camisole au pluralisme, à la démocratie et aux droits individuels. Grâce à l’Union européenne, on n’aperçoit qu’aujourd’hui cette camisole. Le secrétariat général du Conseil de sécurité nationale (MGK) recommande à l’Etat de faire une opération psychologique contre son peuple… Et cette circulaire est en vigueur depuis 20 ans… malgré les nombreux gouvernements qui se sont suivis et une grande société… Lors de son allocution pour la rentrée judiciaire, le président de la Cour de cassation, Eraslan Ozkaya, faisait cette constatation sur la Constitution de 1982 produit de ce coup d’Etat. “ La Constitution de 1982 a fait objet de nombreux changements positifs jusqu’aujour’hui, plus de 30 articles de son préambule ont été révisés. Cependant, ces révisions demeurent non seulement insuffisantes mais ont également provoqué des incompatibilités avec les articles restants. C’est pour ces raisons que les problèmes constitutionnels de la Turquie demeurent. Conçue par une conception autoritaire de l’Etat, cette Constitution ne peut subir que des améliorations limitées. C’est pourquoi, cette Constitution de 1982, source de nombreux problèmes, devrait être complètement révisée ”. Une des institutions de cette Constitution de 1982, élaborée par une “ conception autoritaire de l’Etat ”, selon les remarques du président de la Cour de cassation, Ozkaya, est le controversé Haut conseil de l’enseignement (YOK)… Quelques jours avant le 20ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre, nous avons été informés que le commandant en chef de l’armée de terre, Aytaç Yalman a invité le président du YOK et quelques autres recteurs pour discuter des esquisses du projet de loi relatif au YOK. Le commandant en chef de l’armée de terre, après avoir précisé qu’il allait porter la question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité nationale (MGK), a suggéré aux recteurs de “ mettre en valeur les cérémonies d’ouverture ” et de “ donner des messages ”… Dans un des journaux d’hier, il y a donc eu des détails de cette rencontre…Et on a écrit à quel point les parties étaient d’accord… En 2003, il n’y a que le YOK qui ne trouve aucun inconvénient au fait que le commandant en chef de l’armée de terre intervienne dans la discussion de la nouvelle organisation du Haut conseil de l’enseignement. (…) Dans les pays membres de l’Union européenne, peut-on voir l’intervention d’un commandant en chef de l’armée de terre dans les discussions académiques entre le gouvernement et l’Université ? Est-ce conforme aux lois universelles, à la liberté de pensée ou encore à l’autonomie académique ? À la question posée les universités se taisent. (…) Si on doit rester sur ce point, je suggére que l’on attache le YOK à l’armée de terre. Au moins ce serait plus clair… ”. |