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Liste
NO: 274 |
17/10/2003 HUITIÈME AUDIENCE DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÉGUES : LA COUR DE SURETÉ DE L’ETAT REJETTE TOUTES LES DEMANDES DE LA DÉFENSE ET REFUSE LA LIBÉRATION DES DÉPUTÉSLa Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara N°1 a, le 17 novembre, refusé une nouvelle fois la libération des députés kurdes et ajourné le procès au 21 novembre. La huitième audience des anciens députés kurdes -Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak- s’est poursuivie en présence de nombreux observateurs, notamment des parlementaires européens et turcs, de même que des représentants d’organisation de défense des droits de l’homme. La Cour turque s’est contentée de rejeter toutes les demandes formulées par la défense dont les contre-interrogatoires et auditions. Le parquet turc qui a procédé à la lecture des accusations écrites d’un repenti du PKK accusant Leyla Zana d’une visite dans la plaine de Bekaa à Abdullah Ocalan en octobre 1991, a refusé la requête de la défense sollicitant qu’il soit procédé à une vérification par le ministère de l’Intérieur. À l’époque des faits prétendus, Leyla Zana était en pleine campagne électorale pour les élections législatives d’octobre 1991 et donc sous les feux des projecteurs. Selon Me Yusuf Alatas, principal avocat de la défense, il suffisait d’interroger la préfecture de Diyarbakir pour vérifier le parcours de campagne de Leyla Zana et le ministère de l’Intérieur pour ses voyages à l’étranger à la date des faits invoqués. Le procureur de la République, Dilaver Kahveci, a rétorqué que ces vérifications n’auront aucun effet sur le fond de l’affaire et la Cour s’est rangée sur son avis. Me Hasip Kaplan, autre avocat de la défense, a, quant à lui, invoqué l’inconstitutionnalité des Cours de sûreté de l’Etat (DGM) dont les fondements juridiques ne sont pas conformes au droit de la défense, droit stipulé et protégé par la Constitution et les conventions internationales dont la Turquie est signataire. “ Pour une justice équitable, il faut abolir les DGM ” a-t-il plaidé. VIVE OPPOSITION DES IRAKIENS, DE L’OPINION PUBLIQUE TURQUE, ET DES PAYS ARABES AU PROJET DE DÉPLOIEMENT DE L’ARMÉE TURQUE EN IRAK : MASSOUD BARZANI MENACE DE DÉMISSIONNER DU CONSEIL DE GOUVERNEMENT TRANSITOIRE ALORS QUE L’ARMÉE TURQUE MENACE OUVERTEMENT LES KURDESÀ l'issue d'un débat à huis clos de deux heures et demie, les députés turcs s’étaient, le 7 octobre, prononcés, par 358 voix contre 183, en faveur du projet autorisant l'envoi d'un important contingent de soldats turcs en Irak, une mission souhaitée par les Etats-Unis, prévue pour une durée maximale d'un an qui pourrait débuter dès novembre. Outre les arguments du Premier ministre, les députés se sont sans doute montrés sensibles au geste de Washington qui a accepté, fin septembre, de fournir une aide financière de 8,5 milliards de dollars sous forme de prêts à la Turquie à condition que la Turquie engage ses troupes en Irak. “ Chaque mission présente ses propres risques (...). Mais en dépêchant des troupes, nous pourrons obtenir voix au chapitre. Nous devons y aller pour le bien de la Turquie et pour son avenir ”, avait déclaré Recep Tayyip Erdogan aux membres de son parti avant le vote. Selon les autorités turques, le déploiement du contingent turc pourrait se faire autour de Salahaddine et Tikrit, dans la région d'Al Anbar bordant l'Euphrate ou dans la région nord d'Al Anbar. Mais, le Conseil de gouvernement transitoire, qu'ils soient sunnites, kurdes ou chiites, de même que l’opinion publique turque ainsi que les pays arabes se sont très largement opposés au déploiement de troupes turques en Irak. Et, les déclarations du général Ilker Basbug, numéro deux de l'armée, sont venues raviver les inquiétudes des Irakiens, notamment les Kurdes, particulièrement hostiles à la présence de soldats turcs sur leur territoire. Ce dernier a indiqué au cours d’une conférence de presse le 13 octobre que l'armée turque répondra par la force si ses convois militaires sont attaqués par des Kurdes, lors de son déploiement en Irak. “ Si nous allons en Irak, il nous faudra utiliser certaines des principales routes logistiques du nord irakien. Si nos convois y sont attaqués, nous répliquerons ”, a affirmé le général. Massoud Barzani, président du parti démocratique du Kurdistan (PDK) et membre du Conseil de gouvernement transitoire en Irak, a menacé de démissionner de ce conseil si celui-ci venait à avaliser la décision turque. Il avait rappelé le 12 octobre l'opposition du Conseil de gouvernement au déploiement turc et avait sollicité le soutien de la Ligue arabe à cet effet. “ Nous refusons le déploiement de troupes de la Turquie et d'autres pays de la région et nous avons demandé un appui de la Ligue arabe à cette position ”, avait déclaré M. Barzani à l'issue d'un entretien avec le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa au Caire. M. Barzani estime que “ l'envoi de troupes turques ou d'autres pays voisins ne ferait qu'accroître la tension en Irak et ne fournirait de protection à personne ”. M. Amr Moussa, a, quant à lui, déclaré que “ la Ligue soutiendra toute position du Conseil de gouvernement transitoire au sujet de l'envoi de troupes turques ou d'autres pays voisins ”. Selon lui, “ tout envoi de troupes en Irak doit recevoir l'approbation du Conseil de gouvernement et avoir lieu dans le cadre des résolutions de l'Onu ”. “ Tous les Irakiens avec lesquels je suis entré en contact, au sein du Conseil de gouvernement ou hors de cette instance, se sont déclarés opposés à l'envoi de troupes turques ou d'autres pays voisins ”, a encore déclaré M. Moussa. Le 11 octobre, M. Barzani avait déclaré lors de sa visite de six jours au KoweÏt, où il avait été reçu par l'émir Jaber Al-Ahmed Al-Sabah et son Premier ministre Sabah Al-Ahmed Al-Sabah que “ les Irakiens considèrent unanimement que le déploiement de forces de la région ne stabiliserait pas le pays… Au contraire, cela ne peut que conduire à une escalade de la tension ”. Il avait ajouté que le Conseil de gouvernement transitoire continuera de s'opposer à ce déploiement même si Washington et Ankara “ vont de l'avant dans leur projet ”. De nombreux autres dirigeants irakiens ont réaffirmé leur rejet d'un déploiement de l'armée turque, voulu par Washington. Le chef du principal mouvement chiite, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) et membre de l'exécutif de Bagdad, Abdel Aziz Hakim, a affirmé qu' “ il n'y a aucun besoin de faire venir une quelconque force de l'extérieur ”. Dr. Mahmoud Ali Osman, un autre membre du conseil de gouvernement transitoire avait, le 11 octobre, indiqué : “ Nous avons des divergences de vue. Les Américains croient que c'est une mesure positive et nous voyons qu'il s'agit d'une mesure superflue ”. “ L'envoi de troupes turques retardera le retour de la souveraineté ” irakienne, a, pour sa part, déclaré Nassir Kamal Chaderji, membre sunnite du Conseil. “ Je suis contre l'envoi de troupes turques ou de troupes de n'importe quel autre pays voisin de l'Irak parce que nous ne voulons pas que nos relations avec ces pays se détériorent ”, a-t-il ajouté. Même Ahmad Chalabi, chiite du Congrès national irakien (CNI), membre du Conseil et considéré comme un proche de Washington, a accueilli fraîchement la décision d'Ankara. “ Toute troupe étrangère doit être invitée en Irak par un gouvernement irakien souverain. Actuellement cette décision revient au Conseil de gouvernement ”, a affirmé un porte-parole de M. Chalabi, Entifadh Qanbar. De son côté, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, a affirmé que “ la position de base est que le Conseil de gouvernement ne veut pas qu'un pays voisin prenne part à une mission de protection de la paix ”. Barham Saleh, un haut responsable de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a prévenu que ce déploiement constituerait “ un facteur de détérioration de la situation sécuritaire ” et que “ les troupes turques feraient face à des difficultés si elles entraient en Irak ”. Par ailleurs, dans une allocution télévisée, le président égyptien Hosni Moubarak a estimé le 16 octobre que l'armée turque ne doit pas se déployer en Irak avec la guerre à l'esprit. Hosni Moubarak a estimé que les déclarations turques étaient “ dénuées de toute subtilité ”. “ N'ayez pas à l'esprit que vous allez entrer en guerre. L'Irak est un pays musulman comme le vôtre et vos pensées doivent être appropriées aux circonstances que nous vivons ”, a déclaré le président égyptien. Le roi Abdallah II de Jordanie avait lui aussi appelé le 13 octobre l'armée turque à ne pas prendre part aux opérations militaires dans le pays. “ Je ne pense pas qu'un pays qui a des frontières communes avec l'Irak devrait jouer un rôle actif en Irak ”, avait déclaré le roi à la presse en marge d'un sommet régional du Forum économique mondial (WEF) à Singapour. “ Peu m'importe si cela se passe sous la supervision américaine ou des Nations unies, je persiste à croire que nous ne pouvons pas être d'honnêtes collaborateurs, tout simplement parce que nous avons tous certains désirs sur les relations bilatérales avec l'Irak ”, avait déclaré le roi. De même, un porte-parole du ministère saoudien de la Défense, avait déclaré que “ l'Arabie saoudite n'enverra de troupes en Irak qu'à la demande d'un gouvernement légitime, dans le cadre d'un mandat de l'Onu et sur la base d'une entente arabe ”. L'Irak devrait faire objet de toutes les dissensions au sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) ouvert en Malaisie, le 16 octobre, en présence d'une délégation irakienne. Les représentants d'Ankara ont appelé les pays-membres à s'impliquer en Irak dès à présent, sans attendre un mandat de l'ONU considérés par eux hypothétique. Une semaine après le feu vert donné par le parlement turc, le conducteur d'une voiture s'est fait, le 14 octobre, exploser devant l'entrée de la mission turque, blessant deux employés de l'ambassade et quatre civils et tuant le kamikaze auteur de l'attaque. “ La Turquie joue un rôle dans cette région... Nous nous attendions à ce que cela ait un certain prix ”, a déclaré l'ambassadeur de Turquie à Bagdad, Osman Paksut, à la télévision turque. 405 MILLITAIRES TURCS POURSUIVIS POUR VIOL ET TORTURE D'UNE JEUNE KURDE À MARDINLe procès de plusieurs centaines de soldats turcs, accusés du viol collectif accompagné de tortures d'une détenue kurde, s'est ouvert, le 10 octobre, devant un tribunal de Mardin. Le procès a été ajourné jusqu'au 5 novembre pour des questions de procédure, a indiqué l'avocat de la plaignante Reyhan Yalcindag. La jeune femme kurde de 31 ans, connue par ses initiales S.E., accuse les militaires de lui avoir infligé des sévices corporels et sexuels après lui avoir bandé les yeux, ce qui a conduit à des poursuites contre les 405 militaires qui étaient en poste à cette époque dans la région de Mardin, où elle a vécu ces violences. S.E. a indiqué qu'elle avait été torturée et violée par des forces paramilitaires à chacune de ses détentions, entre novembre 1993 et mars 1994, une période d'intenses combats entre l'armée et les combattants kurdes. Ses allégations ont été avérées par les conclusions d'un examen médical. Lors de son dernier passage entre les mains des soldats, elle avait même perdu conscience et n'était revenue à elle qu'après neuf jours d'hospitalisation. Elle n'a, par ailleurs, aucun casier judiciaire expliquant ses multiples détentions. S.E., qui a connu par la suite de graves troubles psychologiques, s'est par la suite installée dans la ville d’Izmir avec sa famille. De là, elle a ensuite obtenu l'asile politique en Allemagne, à Bochum, où elle demeure toujours aujourd'hui. “ Nous n'envisageons pas cela comme une affaire personnelle. Notre principal objectif est d'amener les victimes de violations des droits de l'homme à demander justice et à obtenir un résultat, ici en Turquie, sans aller devant la Cour européenne des Droits de l'Homme ”, a déclaré Me Yalcindag. Les autorités turques ont toujours renâclé à enquêter sur les allégations de torture et de viol par les forces de sécurité dans les provinces kurdes. Les forces de sécurité n'ont jamais été reconnues coupables de viol en Turquie, alors que des dizaines de procédures ont été ouvertes, a observé Me Yalcindag. Aucun des accusés n'était d’ailleurs présents à l'audience. La candidature de la Turquie à l'intégration de l'Union Européenne demeure en souffrance notamment en raison de son incapacité à éliminer la torture et autres manquements aux Droits de l'Homme. AFFRONTEMENT ENTRE LE PKKK ET LES FORCES TURQUES : 5 MORTS EN UNE SEMAINEUn combattant kurde du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé Kadek) a été tué le 17 octobre lors d'une opération de ratissage dans une région rurale proche de Dicle, au nord de Diyarbakir. Des combattants kurdes avaient attaqué un poste de police près de Dicle le 15 octobre, blessant légèrement un agent. Pari ailleurs, quatre autres militants PKK avaient été tués le 10 octobre par l'armée turque au cours d'une opération militaire terrestre et aérienne dirigée dans les montagnes de la région de Tunceli. Les affrontements, tombés à un niveau proche de zéro en début d'année, se sont multipliés ces dernières semaines. |