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Liste
NO: 281 |
18/3/2004 12ÈME AUDIENCE DES DÉPUTÉS KURDES : LEYLA ZANA ET SES COLLÈGES REFUSENT DE SE PRÉSENTER AUX AUDIENCES DÉCIDÉES D’AVANCELa 12ème audience du procès des anciens députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP- dissous) s’est, le 12 mars, déroulée pour la première fois sans la présence de Leyla Zana et de ses collègues. Les anciens députés ont refusé de se présenter devant la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara n°1 pour protester contre les conditions de ce rejugement où leur sort est jugé d’avance. Le président de la cour, Orhan Karadeniz, après avoir obtenu un document officiel attestant la volonté expresse des anciens députés a décidé de reprendre le procès. Une délégation du Parlement européen, composée de Mme Feleknas Uca et de Luici Vinci, de même que Philip Kaplan, président du département politique de l’Ambassade des Etats-Unis aussi bien que des personnalités politiques kurdes et la famille des députés étaient toutefois présents dans la salle d’audience. Au cours de l’audience, il a été procédé à la lecture de la déposition d’Ali Dursun, incarcéré à la prison de Bursa et recueillie par la cour criminelle de Bursa. Ce dernier a expressément démenti les propos de son père, Abdullah Dursun, chef des protecteurs de village, qui avait accusé Leyla Zana d’avoir forcé son fils à intégrer le PKK. L’intéressé a déclaré qu’il était navré que son nom soit instrumentalisé par son propre père, qu’il ne connaissait Leyla Zana que par la presse et qu’en aucune manière il n’a été forcé à adhérer au PKK. Il a également affirmé que durant ses 21 jours de détention en garde-à-vue, des pressions ont été exercées pour qu’il accable les anciens députés du DEP. Le représentant principal de la défense, Yusuf Alatas, a, pour sa part, soumis à la cour une déclaration clarifiant les raisons qui ont poussé les députés à ne plus se présenter au procès. Il a ainsi affirmé que les anciens députés ne croyaient pas en un procès équitable et impartial et pourtant ils n’avaient jamais eu une posture outrageante vis-à-vis des juges. Il a également déclaré qu’ils avaient tout fait pour rester dans le cadre juridique et ne pas déborder sur le champ politique dans cette affaire. Yusuf Alatas a confirmé que Leyla Zana et ses collègues ne se présenteront plus à la cour pour les prochaines audiences mais que les avocats seront présents pour les défendre du mieux qu’ils puissent, même s’ils ne peuvent jamais combler leur absence. Le procureur de la République, Dilaver Kahveci, est intervenu pour s’opposer à toute libération des anciens députés et a d’ores et déjà requis leur condamnation estimant qu’aucun élément nouveau n’avait été apporté au cours des différentes audiences. La cour a une nouvelle fois et sans surprise rejeté la demande de libération des députés kurdes et a ajourné au 2 avril le procès. La Cour devrait alors procéder à la dernière audience de Leyla Zana et de ses collègues emprisonnés depuis 10 ans à la prison centrale d’Ankara Le 2 mars, date anniversaire de leur dixième année d’incarcération, la famille des députés s’était rendue à la prison d’Ankara avec quelques bouquets de fleurs. Le personnel penitentier avait refusé les bouquets destinés aux anciens députés et avaient “ placé en garde-à-vue ” les fleurs. Dans le projet de rapport présenté par le député européen Arie Ooslander le mardi 16 mars et voté le lendemain par la Commission des affaires étrangères et des droits de l’homme, le Parlement européen “ déplore le déroulement de la nouvelle procédure engagée contre M me Leyla Zana, lauréate du prix Sakharov, et contre trois autres ex-députés du Parti de la démocratie (DEP) et y voit un symbole du fossé qui existe entre le système juridique turc et celui de l'UE ”. HARCÈLEMENT JURIDIQUE DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIELe procureur de Diyarbakir a ouvert une enquête judiciaire à l’encontre de Selahattin Demirtas, président de la section de Diyarbakir de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), d’Ali Öncü, porte-parole de la plateforme pour la démocratie de Diyarbakir, d’Emir Ali Simsek, secrétaire général du syndicat des enseignants (SES) et de Bülent Kaya, président du syndicat des employés de bureau (BES) sur la base de l’article 312/2 du code pénal incriminant les actes “ incitant à la haine et à l'animosité au sein du peuple sur la base de différences de classe, de race, de religion ou de région ”. Les orateurs n’avaient pourtant fait que plaider en faveur d’une résolution pacifique et démocratique de la question kurde en Turquie, ainsi qu’en faveur d’une amnistie générale à l’occasion d’une manifestation et d’un concert organisés le 21 juin 2004 à Diyarbakir Une première audience à la cour de sûreté de l’Etat (DGM) de Diyarbakir avait donné le 17 février dernier au renvoi du procès au 27 avril afin d’entendre la défense de Selahattin Demirtas. L’article 312 fait partie intégrante de l’arsenal législatif utilisé par le passé à des fins répressives à l’égard des défenseurs des droits de l’homme, des hommes politiques, des écrivains, des journalistes ou de tous ceux qui ont exprimé leurs critiques et appelé à une solution de la question kurde dans le pays. Le premier paquet d’harmonisation adopté le 6 février 2002 a ajouté une disposition supplémentaire à cet article, stipulant que les discours sont désormais susceptibles d’être punis s’ils sont prononcés “d’une façon qui mette en danger l’ordre public”. Un autre amendement porté à l’article 312 permet d’incriminer “quiconque insulte une partie du public d’une manière considérée dégradante ou susceptible de porter atteinte à la dignité humaine”. En dépit de ces amendements, l’Association des droits de l’Homme (IHD) reste très préoccupée quant au maintien d’expressions imprécises de l’article 312 permettant à la Turquie d’incriminer l’exercice légitime de droits internationalement reconnus et protégés - tels que le droit de réunion pacifique, le droit de prendre part aux affaires publiques - et de violer le droit d’exprimer pacifiquement des opinions non violentes. Par ailleurs, la cour pénale N°1 et 2 de Diyarbakir a, le 17 mars, procédé à l’audience de plusieurs défenseurs des droits de l’homme. Sezgin Tanrikulu, président de la Fondation des droits de l’homme à Diyarbakir, Eren Keskin, présidente de l’Association des droits de l’homme (IHD) à Istanbul et Pinar Selek, sociologue, sont ainsi poursuivis pour les déclarations faites au cours d'un symposium organisé en 2001, sur la base de l'article 159/ 1 du code pénal turc (insultes aux forces armées). L'audience a été renvoyée au 31 mars du fait de l'absence de la sociologue Pinar Selek (victime d'un grave accident de la route l'année dernière, toujours en convalescence à Istanbul). Selahattin Demirtas, président du bureau local de l'IHD, Firat Anli, représentant du parti pro-kurde DEHAP - actuellement candidat pour le quartier Sur de Diyarbakir - Edip Yasar, porte-parole du syndicat KESK et Mehmet ATA, président du parti politique Özgür Parti, ainsi que trois autres syndicalistes et politiques, sont également poursuivis dans le cadre d’une autre affaire, lancée sur la base de l'article 28/2 de la Loi 2911 relatif aux réunions et manifestations. Ces derniers avaient organisé une manifestation le 1er septembre 2003 pour la journée mondiale pour la paix à Diyarbakir, transformée spontanément en concert. Les autorités leur reprochent l’absence d'autorisation pour la prolongation de la manifestation jusqu'à 20h30. Le procès a été renvoyé au 19 mars. L’ARTICLE 8 DE LA LOI ANTI-TERREUR ABROGÉE DANS LES TEXTES PERDURE DANS SON APPLICATION : LES LIVRES DU SOCIOLOGUE TURC ISMAIL BESIKCI CONTINUENT D’ÊTRE INTERDITSAlors que l’article 8 de la loi anti-terreur a été officiellement abrogé en Turquie dans le cadre des paquets d’harmonisation pour l’adhésion à l’Union européenne, son application reste effective devant les tribunaux turcs. Ainsi, les 23 livres du sociologue turc, Ismail Besikçi, condamnés par l’article 8, restent toujours sanctionnés par l’esprit de cet article après son abrogation selon la cour de sûreté de l’Etat (DGM) n°1. La maison d’édition turque Yurt Kitap Yayin ayant saisi la cour de sûreté de l’Etat pour une réédition de ces œuvres après l’abrogation de la loi, s’est ainsi vue empêchée par cette cour. La Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara n°2, saisie à son tour, a, quant à elle, statué en levant l’interdiction sur seulement huit livres et maintenant la prohibition sur les 15 autres en affirmant que ces derniers contiennent encore des infractions selon la législation actuelle. Les livres condamnés traitent en majorité de la question kurde. La Cour reproche aux livres incriminés soit de porter atteinte au souvenir et à la mémoire d’Ataturk [ndlr : exemple pour le livre “ Un intellectuel, une organisation et une question kurde ”] ou encore de faire de la propagande séparatiste [ndlr : un livre sur le dramaturge kurde Musa Anter assassiné par les escadrons de la mort à 80 ans]. |