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Liste
NO: 49 |
29/11/1996 UNE JOURNÉE EN PRISON POUR LEYLA ZANAC'est sur ce mot d'ordre que plus de 1000 femmes d'Allemagne et d'autres pays européens appellent à la libération de la députée kurde Leyla Zana. Celles-ci se déclarent, par ailleurs, prêtes à passer une journée en prison à la place de Leyla Zana. Parmi les premières 120 signataires de cette initiative, on note les noms des personnalités de la vie culturelle et politique ainsi que du mouvement féministe telles que: Angela Davis; les écrivains Benoîte Groult, Laurence Deona et Gisela Steineckert; les metteurs en scène Anne Delbée et Margrathe von Trotta: les actrices Vinie Burrows, Hanna Schygulla, Gisela Oechelhaeuser et Renan Demirkan. Parmi les personnalités du mouvement féministe international: les présidentes de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes, de l'organisation des femmes social-démocraties suédoises, du mouvement des femmes néerlandais, de l'Union des femmes de Russie...Parmi les personnalités politiques: Danielle Mitterrand, Claudia Roth, présidente du Groupe des Verts européens; Antoinette Fouque (vice-président de la Commission des droits de la Femme au Parlement européen) ainsi que des députées de différents groupes politiques du Bundestag. Début décembre, une dizaine de femmes iront remettre les premières 1000 signatures de l'appel "Une journée pour Leyla Zana" au président Demirel à Ankara. Par ailleurs, le 22 novembre un groupe d'avocates italiennes du conseil municipal de la ville de Rome a été interdit par le ministère de la Justice turc de remettre à Leyla Zana son diplôme honorifique de "Citoyenne de Rome". Le porte-parole de cette mission a déclaré, devant la prison où Mme. Zana est incarcérée: "Le conseil municipal de la ville de Rome a octroyé la citoyenneté de la ville à trois femmes qui défendent les droits de l'homme dans le monde, une de ces femmes est Leyla Zana". En présence de la presse et des télévisions, il a remis à Me Alatas, avocat de L. Zana, les insignes de sa citoyenneté de Rome ainsi que le message du Conseil municipal de la ville Éternelle. DES LIBÉRATIONS AU COMPTE-GOUTTES DANS LE PROCÈS DE HADEPLe procès de 42 dirigeants du parti pro-kurde HADEP qui continue depuis le mois de juin dernier est encore loin de connaître une issue. Les 17 dirigeants du parti encore en détention dont son président, Murat Bozlak, ont à nouveau comparu devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara, le vendredi 22 novembre. La Cour a prononcé la libération d'un membre du comité de direction et le report du procès au 18 décembre prochain. Motif de cet ajournement : la Cour avait demandé à deux chaînes de télévision turques des cassettes vidéo du Congrès du HADEP où le drapeau turc avait été décroché. L'une des chaînes aurait envoyé une cassette vierge, l'autre la cassette d'une autre émission! Privée de ces "pièces à conviction", la Cour de Sûreté d'État d'Ankara a ajourné l'audience. Pour les avocats de la défense, le seul but de cette Cour très politique est de garder les dirigeants de ce parti légal qu'est le HADEP aussi longtemps que possible en prison, à titre d'intimidation. ASSASSINAT DE 3 CIVILS KURDES À BATMANLe 19 novembre, 3 habitants de Batman, cité pétrolière kurde, ont été tués par des "inconnus". Cette ville qui avec Silvan et Diyarbakir, est l'un des principaux théâtres des "meurtres mystérieux" d'intellectuels, syndicalistes et militants nationalistes kurdes, semblait depuis quelques mois avoir trouvé un certain répit. L'assassinat de 3 civils kurdes Sebahattin Demir, 28 ans, Ihsan Mehmetoglu, 30 ans, et Eyüp Tas, 35 ans, connus et appréciés pour leur patriotisme kurde suscité de vives inquiétudes au sein de la population sur la relance de "la guerre de l'ombre" visant à éliminer les élites kurdes et qui depuis 1992 a fait près de 4000 morts. Les auteurs de ces "meurtres mystérieux" n'ont été pas arrêtés; et quand ils sont identifiés par les témoins et dénoncés, les tribunaux turcs s'abstiennent de les poursuivre. Après le triple assassinat du 19 novembre, le préfet de Batman, Salih Serman, connu pour ses opinions d'extrême droite s'est contenté de ce commentaire sans appel: "Nous disposons de documents établissant les liens de ces 3 individus avec le PKK". A l'heure d'une Justice sommaire aucun besoin d'intenter un procès et d'examiner les "documents" du préfet. Le verdict est prononcé par le préfet et exécuté par "les escadrons de la mort" AGRESSION CONTRE MESUT YILMAZ LE LEADER DE L'OPPOSITION DE DROITEM. Yilmaz qui ces derniers temps se disait "menacé" (Voire notre bulletin N° 48) a été agressé et molesté le 24 novembre dans le Lobby de l'Hôtel Hilton de Budapest. L'agresseur qui après lui avoir assené quelques coups de poing "à titre d'intimidation" et pour avoir "trahi la mémoire d'A. Çatli (gangster turc tué lors de l'accident de la route de Susurluk). La prochaine fois, ce sont les balles qui parleront" aurait-il lancé, selon un député témoin de la scène, avant de s'éloigner à bord d'une Mercédès. Selon la presse turque l'agresseur appartiendrait à la mafia turque d'extrême droite dont Budapest est devenue l'une des plaques tournantes européennes. Selon Milliyet du 26 novembre "cette agression organisée bénéficie d'un soutien logistique ainsi que de la complicité d'une partie du personnel de Hilton". La police hongroise a diligenté une enquête. L'ancien Premier ministre turc a déclaré qu'il se battrait "jusqu'à la dernière goutte de son sang pour ne pas laisser l'État aux chiens et aux gangsters". De retour en Turquie et avant de prendre du repos conseillé par ses médecins, M. Yilmaz a reçu les journalistes à son domicile et leur a lancé en guise de préliminaire: "Vous êtes dans un lieu écouté par l'État". Une psychose d'agression et d'attentat semble s'emparer des dirigeants politiques turcs. D'Erbakan à Demirel chacun s'entoure des mesures de haute protection. L'éloge du chef mafiosi A. Çatli par Mme. Çiller qui évoquait ce personnage, impliqué dans de crimes en Turquie et condamné en France et en Suisse pour trafic de drogue qui "salue avec respect ceux qui ont tiré des balles pour la nation, pour le pays et pour l'État". En somme, selon elle, tirer au nom des basses besognes de l'État vaut absolution et mérite la reconnaissance de la nation. Rappelant la longue liste des crimes d'A. Çatli, l'éditorialiste en chef de Hurriyet, Oktay Ekçi, qui est aussi président du Conseil national de la presse turc, écrit dans sa chronique du 18 novembre: " Comme vous le voyez, nous sommes désormais entrés dans l'ère de la terreur d'État. Et cela sous la haute protection de Mme. Çiller". Cette terreur d'État, que les Kurdes subissent depuis des années, a fini donc par s'étendre désormais jusqu'à l'establishment turc. LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES JOURNALISTES DÉCERNE SON PRIX CETTE ANNÉE À UN JOURNALISTE KURDE EN PRISONLe journaliste Ocak Isik Yurtcu, ancien rédacteur en chef du quotidien pro-kurde aujourd'hui interdit Ozgur Gundem, a été désigné pour recevoir le prestigieux prix du "journalisme courageux" par le Comité pour la protection des journalistes, basé à New York. M. Yurtcu sert actuellement une peine 15 ans dans la prison de Sakarya à la suite des articles couvrant la guerre du Kurdistan. La cérémonie des remises des Prix a eu lieu le 26 novembre à l'Hôtel Waldrof Astoria de New York, en présence d'environ 900 invités de marque et des célébrités du monde des médias dont les présentateurs-vedette Peter Jenning, Dan Rother et Tom Brokaw. Outre le journaliste kurde Isik, les journalistes indien Y. Jameel, mexicain J. J. Blancornelas et Palestinien D. Kuttab ont été distingués par le jury présidé par Mme. Kati Morton, qui a notamment déclaré: "Nous espérons que ces prix décernés aux États-Unis à nos collègues enverra un signal à ceux qui partout dans le monde sont opposés à la presse". En absence de Yurtuçu, Terry Anderson, journaliste d'Associated Press, qui a été détenu pendant 7 ans comme otage par le Hezbollah libanais, a présenté le lauréat en ces mots: "Nul dans le monde n'a été condamné à des peines aussi lourdes pour les écrits des autres. Depuis 3 ans, la Turquie a emprisonné plus de journalistes que tout autre pays du monde". Puis T. Anderson a lu le message envoyé par Yurtçu de sa prison de Sakarya: "Je suis depuis deux ans en prison pour avoir essayé d'apprendre la vérité et d'en informer l'opinion publique, en d'autres termes pour avoir exercé mon métier avec la conviction que dans un pays sans liberté de presse les autres libertés ne pourraient pas exister (..) Nous vivons actuellement des temps difficiles. Le pouvoir a donné élan à ses pressions terrorisant la nation; en particulier dans les régions kurdes où les journalistes sont tués, "disparus", jetés en prison, tabassés; où les bureaux de presse sont incendiés et détruits à la bombe, où les publications exprimant des points de vue modérés sont censurées ou saisies (..) Alors que mes collègues se battent contre ces pressions justifiées sous le prétexte de "la défense de l'État" "et qu'ils s'efforcent d'exercer leur mission de journalistes sans se laisser intimider, ce Prix revêt une importance particulière, car il montre qu'ils ne sont pas seuls dans leur combat pour une information soucieuse de vérité, et que, contrairement à la faiblesse de soutien au niveau national, ils bénéficient d'un soutien international fort et sincère". PLUSIEURS MILLIERS DE JOURNALISTES ET D'INTELLECTUELS S'OPPOSENT AU PROJET DE LOI RESTREIGNANT LA LIBERTÉ DE PRESSEDans un appel publié par les principaux quotidiens turcs du 26 novembre plusieurs milliers de journalistes, écrivains, artistes et intellectuels turcs, se prévalant du "droit du peuple à connaître la vérité" s'adressent au Parlement pour lui demander solennellement de ne pas adopter le projet de loi gouvernementale sur la presse. D'après les signataires de l'appel ce projet, s'il était adopté, éloignerait la Turquie du camp des démocraties et la conduirait "aux ténèbres des régimes répressifs". Ils se disent disposés à débattre de la nécessaire adaptation de la loi sur la presse mais, ajoutent-ils, une telle réforme ne pourrait se faire qu'après un large débat public et dans esprit de compromis avec les institutions de la société civile et non pas par une politique de faits accomplis caractéristique des régimes autoritaires. Ces protestations massives à l'intérieur et à l'extérieur du pays ont conduit les députés turcs à temporiser. Le projet de loi qui a été présenté au Parlement n'a finalement pas été proposé à un vote sur l'ensemble du texte. Devant l'hostilité de plusieurs députés du DYP de Mme. Çiller à ce texte, il a été convenu que les deux partis de la coalition présenteraient séparément des projets qui seront d'abord débattus en commission. La session plénière sera ensuite saisie du texte de compromis élaboré par la commission. Le pouvoir semble ainsi vouloir gagner du temps et éviter des défections au moment du vote qui pourraient mettre en péril l'issue du scrutin en raison de l'extrême fragilité de la majorité parlementaire. LA BRANCHE AMÉRICAINE DE LA CSCE S'OPPOSE À LA TENUE DE LA RÉUNION DE L'ORGANISATION EN TURQUIEL'invitation par la Turquie à ses partenaires de la Conférence sur la Sécurité et de coopération en Europe (CSCE) à tenir leur prochaine réunion en Turquie, a provoqué une vive réaction aux États-Unis. En effet, les deux co-présidents démocrate et républicain de la branche américaine de l'organisation, respectivement MM. Christopher H. Smith et Alfonse D'Amato, ont écrit au Secrétaire d'État américain, Warren Christopher, afin de décliner l'invitation turque. La lettre des deux représentants américains, rendue publique le 22 novembre, motivant leur opposition à la tenue de la réunion en Turquie précise que "Le privilège d'accueillir une réunion prestigieuse de l'OSCE devrait être réservée aux Etat-membres qui ont démontré un soutien sans équivoque aux principes et normes d'Helsinki, en particulier ceux concernant les droits de l'homme, dans le verbe et dans la pratique. Les États-Unis doivent s'opposer à la proposition de la Turquie qui invite l'OSCE à une réunion au sommet en raison du bilan accablant de violations de droits de l'homme dans ce pays". La lettre rappelle que la délégation américaine à l'OSCE a relevé, lors des dernières réunions de l'organisation, de nombreuses violations dans le domaine des droits de l'homme et du Droit international humanitaire commises par la Turquie, qui sont contraires aux engagements des Etats-membres. Et que malgré les promesses de réforme du gouvernement turc "les officiels du gouvernement continuent à harceler les militants des droits de l'homme. De nombreuses violations de droits de l'homme ont été commises à l'encontre des Kurdes qui publiquement ou politiquement affirment leur attachement à l'identité kurde" LA GUERRE DU KURDISTAN ENTRAVE L'INSTRUCTION DES ENFANTSPlus de 2000 écoles ont dû fermer leurs portes aux écoliers kurdes en raison de la guerre et de l'insécurité régnante cette année dans le Sud-Est kurde de la Turquie, selon le quotidien Turkish Daily News du 21 novembre. Pris entre deux feux, celui des forces de sécurité et celui du PKK, les instituteurs sont peu disposés, surtout ceux originaires de l'Ouest turc, à venir travailler dans les régions kurdes. 25% du corps enseignant existant semblent peu enthousiastes à prolonger leurs contrats malgré le fait que leurs salaires sont deux fois supérieurs à ceux touchés par leurs collègues dans l'Ouest du pays. D'autres encore ont quitté la fonction publique pour se trouver un travail dans le privé dans des zones non affectées par la guerre. Par ailleurs, 1500 postes supplémentaires doivent être créés dans les régions kurdes pour parvenir aux besoins éducationnels de la région. Mais même sur ce dossier, domaine qui normalement relève par excellence du ministère de l'Éducation, c'est les forces de sécurité qui suggèrent "leurs" solutions. Ainsi, elles proposent à ce que les écoliers kurdes soient regroupés dans les grandes villes, mieux contrôlables que les villages, dans des pensionnats où ils seront soumis à un intense lavage de cerveaux nationaliste comme les foyers de Janissaires de l'époque ottomane. |