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Liste
NO: 53 |
17/1/1997 L'EX-DÉPUTÉ KURDE AKSOY EN PRISON JUSQU'À L'AN 2001Incarcéré depuis le 14 octobre 1995 à la prison d'Ankara où il purge une peine de 3 ans pour délit d'opinion, Ibrahim Aksoy, ex-député kurde de Malatya et ancien président du parti DDP, vient de se voir signifier qu'en raison de récidive dans ses délits d'opinion séparatiste, l'amende de 216. 666. 666 LT à laquelle il avait été condamné a été commuée en 5 ans de prison. Par ailleurs, la condamnation à 2 ans de prison avec sursis prononcée par la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul pour son article "L'alévisme et la question kurde" a été ratifiée par la Cour de cassation turque. Celle-ci doit bientôt statuer sur une autre condamnation, à 16 mois de prison et à une amende de 133. 333. 333 LT, de cet homme politique kurde pacifiste pour un article intitulé "Bosnie-Somalie-Kurdistan". En l'état actuel de ses dossiers, Ibrahim Aksoy devrait rester en prison jusqu'au 17 février 2001! Si évidement la machine judiciaire turque ne le condamne pas à d'autres peines pour ses écrits et ses déclarations. Chargée de faire taire les opposants, la justice turque dispose toujours d'une batterie de dossiers sur les opposants lui permettant de garder ceux-ci en prison aussi longtemps que le souhaite le Conseil de Sécurité nationale à dominante militaire. En raison de cette singulière logique, le sociologue turc Ismail Besikçi, actuellement incarcéré à Bursa, est condamné à plus de siècles de prison pour ses écrits sur les Kurdes. L'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana, qui a déjà passé 15 années de sa vie derrière les barreaux, fait l'objet d'une série de nouvelles poursuites judiciaires qui ont à ce jour déjà abouti à des condamnations à 4,5 ans de prison pour deux livres de témoignage sur les prisons turques et les grèves de la faim qui y ont eu lieu. 11 POLICIERS IMPLIQUÉS DANS L'ASSASSINAT DU JOURNALISTE M. GOKTEPE RETROUVENT LEURS POSTESA la suite de la vive émotion suscitée par la mise par la mise à mort en plein Istanbul et devant de centaines de témoins de ce journaliste du quotidien Evrensel, ces policiers avaient été "suspendus" par le ministre de l'Intérieur. Leur procès a été confié à des cours de province, officiellement "pour des raisons de sécurité". Plus d'un an après les faits, ces policiers n'ont jamais comparu devant une cour et leur procès reste au point mort. Affirmant que l'enquête disciplinaire concernant ces policiers était terminée, le nouveau ministre de l'Intérieur, Mme. Aksener, a décidé, par un décret du 27. 12. 1996 dont la presse vient tout juste prendre connaissance, de lever la suspension les concernant et de les faire affecter à leurs postes à la Sûreté générale d'Istanbul. Selon le préfet d'Istanbul, Ridvan Yenisen, ces policiers ont subi "la plus lourde des sanctions disciplinaires, à savoir un gel de 12 mois dans leur tableau d'avancement". Les commentateurs relèvent que dans un pays où des intellectuels peuvent être condamnés à deux siècles de prison pour leurs écrits, sanctionner des policiers accusés du meurtre d'un journaliste de "12 mois de gel dans leur tableau d'avancement" fait perdre toute considération pour la Justice, censée être la même pour tous les citoyens. "DISPARITIONS", EN CONSTANTE AUGMENTATIONDans le registre des violations des droits de l'homme, la Turquie avec l'augmentation du nombre des "disparitions", ces derrières années, tient le haut du pavé et n'en finit pas d'attirer l'attention. Ce sont les régions kurdes qui sont le plus touchées par ce fléau; ainsi rien qu'en décembre 1996, on relève 9 "disparitions", à la suite de mise en garde à vue. Selon le président de la Commission juridique de l'Association turque des droits de l'homme IHD, Osman Baydemir, cité par le quotidien Özgur Politika du 14 janvier, "en un an 226 disparitions dans les provinces kurdes ont été enregistrées par l'IHD". Dans la seule ville de Diyarbakir 9 "disparitions" ont eu lieu l'année dernière. Le ministre de l'Intérieur, Mme. Meral Aksener, commentant les chiffres de l'IHD, a affirmé que "39 de ces personnes ne sont pas disparues mais sont détenues et en vie et que 82 personnes n'ont d'aucune façon été placées en garde à vue car aucune indication les concernant n'existe dans les registres". Répondant au ministre, M. Baydemir déclare: " Le propre des phénomènes de disparitions est précisément les autorités (police ou gendarmerie) ne garde aucune trace des disparus dans les registres officiels" LICE, VILLE ASSIÉGÉECette ville kurde, de la province de Diyarbakir, en grande partie détruite à la suite de l'intervention des forces armées turques en octobre 1993,continue de souffrir le martyre. Selon Turkish Daily News du 27 décembre 96, le 20 décembre durant un raid militaire sur la ville, tous les habitants mâles, soit 2500 personnes âgées entre 15 et 60 ans, de cette localité ont été regroupés dans la cour de la gendarmerie locale. Le chef de la gendarmerie s'adresse à eux et leur déclare que "100 volontaires" seront désignés pour servir dans les milices pro-governementales, en cas de refus personne ne sortira de la cour. Après les avoir gardés pendant trois jours au cours desquels ils ont été tabassés et forcés à suivre un entraînement militaire, les vieillards et les fonctionnaires ont été libérés avec de nombreux blessés parmi eux. Ceux désignés pour servir comme "protecteurs de villages", ont été relâchés au bout de cinq jours et armés par la gendarmerie. Ces événements ont provoqué un tollé dans le milieu des organisations de défense des droits de l'homme et des syndicats. Une mission a été formée ayant pour but de se rendre sur place et de mener une enquête. Cette mission de 21 personnes formée des représentants du parti pro-kurde HADEP, de l'Association turque des droits de l'homme, du syndicat DISK, de la branche locale de Reporters sans frontières et de l'écrivain Orhan Pamuk, devait se rendre à Lice le 14 janvier. Mais l'accès de la ville leur a été interdit par le super-préfet, Necati Bilican. S'exprimant au nom de la délégation, l'ancien député kurde Ahmet Turk, vice-président du HADEP, a déclaré dans une conférence de presse: "aux yeux de l'opinion, cette interdiction vaut aveu de culpabilité et montre une nouvelle fois l'absence de démocratie en Turquie" UN ÉDITEUR TURC RESTE EN PRISON POUR NE PAS PAYER UNE FORTE AMENDEL'éditeur turc Unsal Ozturk, déjà en prison et dont trente six livres ont été saisis et contre lequel soixante-deux procès ont été ouverts, a refusé de payer une amende de 1,1 milliards de livres turques (environ 53 000 francs) qui lui a été infligée dans le cadre de sa condamnation. Cette somme a été convertie en jours de prison, à raison de 10 000 livres par jour, ce qui devrait prolonger son incarcération jusqu'en 2001. Ce cas n'est pas isolé. Chaque année, des dizaines de journalistes, d'écrivains et d'éditeurs comparaissent devant les Cours de Sûreté de l'État pour avoir exprimé, écrit ou publié des vues qui vont à l'encontre de l'idéologie officielle. Mme. Zarakoglu, elle aussi éditeur cumulant les condamnations et qui doit son séjour actuel à la prison de Bayrampasa, à Istanbul, à la publication d'un ouvrage qui n'a pas plu aux autorités, a annoncé qu'elle refuserait de payer son amende et risque donc de voir son incarcération prolonger elle aussi. Par ailleurs, Mme. Zarakoglu comparaîtra, le 17 janvier, devant la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul dans le cadre d'un autre procès qui lui a été intenté pour la publication de la traduction d'un rapport de l'Organisation humanitaire américaine Human Rights Watch, sur l'usage des armes américaines contre les populations civiles du Kurdistan. INTERDICTION D'UN LIVRE DE LA JOURNALISTE ALLEMANDE LISSY SCHMIDTLa Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul a décidé, le 16 janvier, la saisie de tous les exemplaires d'un ouvrage intitulé Özgurlügun Bedeli (Le prix de la liberté) écrit par la journaliste allemande Lissy Schmidt. Celle-ci, après avoir travaillé pendant des années en Turquie, s'était, à partir de 1992, installé au Kurdistan irakien où, jusqu'à son meurtre mystérieux en 1994, elle travaillait pour plusieurs organes de presse européens dont l'AFP. Selon la cour turque, le livre de L. Schmidt ferait de "la propagande séparatiste" et son éditeur turc doit comparaître pour répondre de ce chef d'accusation. UN AUTEUR ISLAMISTE CONDAMNÉ À 18 MOIS DE PRISON POUR "INSULTE À ATATURK"Muslim Gündüz, écrivain islamiste et leader de la confrérie religieuse Aczmendi, a été condamné, le 16 janvier à 18 mois de prison par le tribunal correctionnel de Sisli (Istanbul) pour avoir, dans une interview accordée en 1994 à la revue Taraf, "insulté la mémoire d'Ataturk". Dans cette interview, M. Gündüz avait déclaré " Je vais bientôt écrire un livre, ce livre sera intitulé Zübeyde l'immorale et son fils illégitime". Le tribunal turc a estimé que l'auteur par cette phrase visait Ataturk et sa mère Zübeyde et que cela constitue une insulté à la mémoire d'Ataturk, punie par la loi. L'accusé s'est défendu que Zübeyde dont il envisageait de faire le personnage central de son livre n'était pas Zübeyde Hanim (Madame Zübeyde), mère d'Ataturk car le prénom de Zubeyde est assez courant chez les musulmans. Mais le tribunal n'a voulu rien entendre. Il a condamné l'écrivain islamiste à 18 mois de prison ferme. Il a en outre condamné le même Gündüz à une peine supplémentaire de 6 mois pour avoir approuvé ses disciples qui ont battu des policiers lors d'une manifestation. LA BELGIQUE SUSPEND UNE VENTE D'ARMES À LA TURQUIELa Belgique, les Pays-Bas et la société française Thomson menaient depuis plusieurs semaines des négociations secrètes pour la vente de systèmes antiaériens Hawk d'occasion à la Turquie. Ces négociations ont été révélées par les journalistes la semaine dernière (voir notre bulletin N° 52). Le bras de fer engagé entre la Grèce et la Turquie sur le déploiement des missiles russes sur le sol chypriote a poussé la Belgique à suspendre les discussions en cours avec la Turquie. Les ministres des Affaires étrangers et de la défense belges ont décidé de revoir le dossier. Selon l'hebdomadaire américain Defense News, la Turquie devait acheter dans le même temps huit autres systèmes du même type aux Pays-Bas. Ces missiles sont d'une portée de 26 km. Les responsables néerlandais ont préféré adopter la même attitude prudente que leurs homologues belges et suspendre les négociations avec la Turquie, en raison de la crise chypriote. LA TURQUIE EST UN DES MEILLEURS "CLIENTS" DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME POUR L'ANNÉE 96La Commission européenne des droits de l'homme, organe judiciaire du Conseil de l'Europe, a été submergée par les requêtes des citoyens des 40 pays constituant cette organisation pan-européenne. 12. 153 plaintes ont été déposées en 1996, un chiffre en progression de 20% par rapport à l'année précédente. Les plaintes jugées recevables par la Commission progressent de 30% et représentent 624 requêtes dont 37 requêtes émanant des citoyens de Turquie. S'exprimant au nom de la Direction des droits de l'homme du Comité des ministres, Pierre-Henry Imbert, a souligné l'attention toute particulière accordée à la Turquie dans la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme, qui est suspendue à la ratification d'un protocole signé par tous les États membres. Elle consiste à rendre plus efficace la juridiction européenne notamment en matière d'exécution des arrêts rendus. En désignant la Turquie comme un pays peu "discipliné" et comme "un des plus gros clients" de la Commission européenne des droits de l'homme, M. Imbert a déclaré: "La Turquie va-t-elle utiliser le biais du blocage pour manifester son mécontentement contre les critiques portées par le Conseil de l'Europe, ou bien va-t-elle ratifier le protocole pour ne pas s'isoler ?". La plupart des requêtes déposées contre la Turquie portent sur les exécutions extrajudiciaires, et sur la destruction et l'évacuation des villages kurdes. LA FIDH PUBLIE UN RAPPORT SUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION EN TURQUIEFruit d'une mission d'enquête sur place du 30 octobre au 10 novembre 1996, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) vient de rendre public un rapport sur la liberté d'expression en Turquie. Les chargés de mission ont rencontré durant leur séjour des représentants de la société civile, des journalistes locaux, des correspondants étrangers et des députés de divers partis politiques turcs. "Parler et écrire ne sont pas aujourd'hui sans risque en Turquie. Ces dernières années ont été marquées par une inflation de procédures ouvertes contre des intellectuels, des journalistes, des artistes, des écrivains, des éditeurs, des militants des droits de l'homme, le plus souvent déférés devant les juridictions d'exception que sont les Cours de Sûreté", c'est en ces termes que la FIDH introduit son rapport. La question kurde et la guerre du Kurdistan sont le plus souvent invoqués par les cours de sûreté dans les procès intentés aux journalistes: "la crainte de voir le lien national se distendre, le pays à nouveau démantelé, les identités culturelles, qui font pourtant la richesse du pays, s'affirmer, est ainsi source de tous les excès, de tous les amalgames, de tous les abus aussi, dont penseurs, journalistes, écrivains, artistes, éditeurs et défenseurs des droits de l'homme font, quotidiennement, les frais" précise encore le rapport. Selon ce rapport, depuis 1989 plus de 30 journalistes ont été tués, soit victimes d'attentats commis contre le siège de journaux, soit victimes fortuites d'attentats commis dans la rue: au moins 20 d'entre eux sont morts victimes d'exécution extrajudiciaires. En concluant son rapport, la FIDH demande à ce que la Turquie ratifie le Pacte international des droits civils et politiques, abroge les articles 7 et 8 de la loi anti-terreur et procède à un significatif toilettage du Code pénal et des lois sur la presse dont nombre de dispositions, par leur énoncé vague et imprécis, visent plus à permettre une vaste répression de la liberté d'expression qu'à son encadrement. Quant aux membres de l'Union européenne, ils devront pour leur part soutenir ceux en Turquie qui déploient leurs efforts pour la conquête de leurs libertés et poursuivre leur action pour inciter la Turquie à respecter ses engagements en matière de liberté et d'opinion. EN 1996 LA TURQUIE A ACCUEILLI 8,6 MILLIONS DE TOURISTESC'est ce qu'indique le ministre du tourisme dans une déclaration faite le 6 janvier. Selon le ministre, cette affluence touristique a apporté entre 6 et 6,5 milliards de dollars en devises à l'économie turque. Ce chiffre, en nette augmentation par rapport aux années précédentes, représente cependant tout juste le quart des 25 milliards de dollars que la Turquie tire de son rôle de "pays de transit" du trafic international de drogue, selon l'estimation qu'un haut dirigeant des services de renseignements turcs "MIT", Mehmet Eymür, cité par le quotidien Hurriyet du 27 décembre 1996, a avancé lors de son audition devant la Commission d'enquête du Parlement turc. LA LIVRE TURQUE, APRÈS LE KWANZA ANGOLAIS, EST LA MONNAIE LA PLUS DÉPRÉCIÉE DU MONDEC'est ce que montre un classement portant sur la valeur d'échange par rapport au dollar de 203 monnaies nationales actuellement en circulation dan le monde que publie le quotidien Milliyet du 14 janvier. La livre turque arrive juste avant dernière devant le kwanza angolais. Actuellement un dollar vaut 209. 925 kwanza et 110. 630 livres turques, contre 0, 47 livre chypriote, 247 drachmes grecques, 24 livres syriennes, 24 dinars irakiens, 3000 rials iraniens, 446 drams arméniens ou 5585 roubles russes, pour prendre l'exemple des voisins géographiques de la Turquie. A l'heure où la dépréciation constante de la monnaie turque oblige la Banque centrale d'Ankara à émettre des billets de 5 millions de livres, la presse reproche aux autorités de ne pas réagir à l'image déplorable du pays et de sa monnaie. Et les humoristes ajoutent: "notre régime a peut-être échoué dans beaucoup de domaines mais il peut se prévaloir d'au moins d'un succès incontesté: nous sommes l'un des rares pays du monde où le plus pauvre des citoyens est multimillionnaire!" |