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Liste
NO: 70 |
1/8/1997 SELON UNE MISSION PARLEMENTAIRE TURQUIE DEPUIS 1990 AU TOTAL 3185 VILLAGES KURDES ONT ÉTÉ COMPLÈTEMENT ÉVACUÉSA l'issue d'une visite d'information dans les provinces kurdes, une mission de la Commission d'enquête parlementaire sur les migrations a révélé ces chiffres au cours d'une conférence de presse donnée le 28 juillet à Diyarbakir au siège de l'Association des journalistes du Sud-Est. Le président de cette Commission, Seyit Hasim Hasimi, député de Diyarbakir, a indiqué que ces données officielles ont été communiquées à la mission par la préfecture de la région d'état d'urgence (OHAL). Selon ces données 853 villages et 2332 hameaux ont été complètement évacués de leurs 364742 habitants dans le cadre de "la lutte contre le terrorisme". Sur cette population déplacée, 11032 paysans ont par la suite été autorisés à regagner 63 villages et 27 hameaux. 87% des paysans déplacés vivent en dessous du seuil de pauvreté. "Ils ont été dépossédés et n'ont plus aucun lien avec leurs champs, leurs vergers et leurs autres biens restés à l'abandon dans les villages évacués quand ils n'ont pas été détruits et incendiés" a encore ajouté M. Hasimi. "Les gens ont besoin du pain pour survivre; des épidémies comme la fièvre typhoïde et la jaunisse ont atteint des dimensions effroyables au sein de cette population" a poursuivi le député qui décrit Diyarbakir comme "la capitale de la misère où compte 311.000 adultes au chômage contre 127.000 qui ont un emploi plus ou moins stable". Les destrucions de villages se sont poursuivies en juin et juillet dans les provinces de Mardin et de Batman. Dans la province de Dersim (Tunceli) la population accuse l'armée d'incendier les forêts de chênes. DES CONGRESSMEN AMÉRICAINS LANCENT UNE CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION DE LA DÉPUTÉE KURDE LEYLA ZANAÀ l'initiative de 4 représentants à la Chambre, Elizabeth Furse, John Porter, Esteban Torres et Frank Wolf une campagne de sensibilisation sur le sort de Mme. Zana et ses trois collègues parlementaires, en prison depuis mars 1994 et condamnés à 15 ans, a été lancée. Une des accusations retenues par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara qui les condamnés à cette peine de prison, était notamment une intervention de Mme. Zana devant la Commission Helsinki de la Chambre des Représentants. Lors de cette audition, Mme. Zana avait lancé aux Congressmen: "Soutenez les forces démocratiques (en Turquie) et aidez-les à mener des actions non violentes". Cette campagne a été lancée sous forme d'une lettre qui sera adressée fin septembre au Président Clinton. A ce jour elle a été signée par 102 Congressmen. Traduction de la lettre: "Nous vous écrivons pour attirer votre attention sur la situation dramatique de Leyla Zana, première femme kurde élue au Parlement turc. Mme. Zana, mère de deux enfants, a été élue pour représenter la ville kurde de Diyarbakir par une écrasante majorité en octobre 1991. Elle a été arrêtée par les autorités turques en mars 1992 dans l'enceinte du Parlement et a été condamnée, selon l'accusation retenue par les autorités turques, pour "discours séparatistes" qui ne sont faits que dans l'exercice de son droit à la liberté d'expression pour défendre les droits du peuple kurde. Elle a été condamnée à 15 de prison en décembre 1994. Elle est toujours en prison, à Ankara. Une des pièces à charge retenue contre Mme. Zana était son audition en 1993, ici à Washington, devant Helsinki Commission et le Congrès américain. Nous trouvons scandaleux que bien qu'elle ait été invitée par des membres du Congrès, son audition ait été une des activités qui l'ont conduite en prison. La recherche de Mme. Zana d'un changement démocratique par des moyens non violents a été honorée par le Parlement européen qui lui a accordé le Prix Sakharov de la liberté de l'esprit en 1995. En outre, Amnesty International et Human Rights Watch se sont montrés concernés par son cas. Monsieur le Président, la Turquie est un partenaire important des États-Unis, un membre de l'OTAN et un principal récipiendaire de notre aide étrangère mais son mauvais traitement de ses citoyens kurdes et leurs parlementaires démocratiquement élus est inacceptable. La majorité des électeurs de la conscription où Mme. Zana a été élue, lui a donné le mandat de les représenter, mais le gouvernement turc a fait tout son effort pour l'empêcher de le faire. Sa voix ne doit pas être réduite au silence. C'est un moyen parmi d'autres que le gouvernement turc a mis à profit pour poursuivre les gens pour leurs opinions politiques. Nous demandons que vous et l'Administration souleviez le cas de Mme. Zana avec les autorités turques au plus haut niveau et demandiez son immédiate et inconditionnelle libération, de façon à ce qu'elle puisse de nouveau être accueillie chez- nous." INCARCÉRATION DE 6 POLICIERS ACCUSÉS DU MEURTRE DU JOURNALISTE METIN GÖKTEPESix des quarante-huit policiers impliqués dan le meurtre du journaliste Metin Göktepe, du quotidien Evrensel, se sont présentés le 28 juillet au parquet de la ville d'Afyon, en Anatolie de l'Ouest. Il s'agit d'un directeur de la police et de cinq policiers contre lesquels la justice avait lancé des mandats d'arrêt. M. Göktepe avait été arrêté le 8 janvier 1996 par la police alors qu'il couvrait pour son journal les obsèques de deux détenus tués lors de la répression d'une mutinerie dans une prison d'Istanbul. Il avait été battu à mort par les policiers devant de nombreux témoins. Son procès, suivi de près par des ONG occidentales, notamment Reporters sans frontières, a été, à plusieurs reprises, déplacé dans des juridictions de province "pour des raisons de sécurité". Les policiers impliqués ont jusqu'ici systématiquement refusé de se rendre aux convocations des tribunaux. Lors de la dernière audience de ce procès, tenu le 24 juillet à Afyon, malgré les assurances et les ordres du Premier ministre Mesut Yilmaz les policiers prévenus ne s'étaient toujours pas présentés à la Cour. Après enquête, le nouveau ministre de la justice a établi que les mandats d'arrêt les visant n'avaient, deux mois après leur lancement, toujours pas été transmis à la Direction de la Sûreté d'Istanbul. Cette affaire devenant très médiatisée à l'étranger, donc gênante pour l'image du gouvernement, celui-ci a ordonné la reddition des policiers les plus lourdement impliqués dans le meurtre de Göktepe. La police n'a finalement obéi qu'à contre coeur. Dès le lendemain de l'incarcération de ces six policiers, lors d'une manifestation des islamistes sous les murs de l'état-major des armées elle est intervenue avec hargne et brutalité contre des journalistes présents sur les lieux et en a blessé une dizaine, dont 3 grièvement. Les manifestants islamistes ont brocardé "l'armée ennemie du peuple", "son porte-parole Demirel" et "la marionnette Yilmaz". 55 d'entre eux ont été arrêtés. Les islamistes dénoncent la mise en fiches systèmatique des citoyens par la Sûreté militaire. Au même moment, le général Karadayi, chef d'état-major des armées donnait un briefing sur "la réaction islamiste et la terreur" au Premier ministre Yilmaz, au vice-Premier ministre Ecevit et à leurs principaux ministres convoqués à l'état-major par les chefs militaires. D'après le Hurriyet du 30 juillet, ces derniers étaient furieux d'entendre sous leurs fenêtres "les slogans injurieux des islamistes" et reprochaient à la police de ne pas avoir pu disperser la manifestation. Ces briefings organisés à l'état-major militaire constituent dans le système turc une sorte de cérémonie d'adoubement pour le gouvernement civil auquel les généraux indiquent les tâches prioritaires qu'il aura à accomplir. Le briefing du 29 juillet est intervenu quelques jours après la réunion mensuelle du Conseil de sécurité nationale du 25 juillet au cours de laquelle avait demandé aux nouvelles autorités civiles de mettre en oeuvre avec diligence et intégralement toutes les "mesures anti-islamistes" qu'ils avaient édictées le 28 février et qui ont conduit à la chute du cabinet Erbakan. SELON LE QUOTIDIEN HURRIYET ON COMPTE ACTUELLEMENT 3 MILLIONS D'ENFANTS DÉPLACÉS EN TURQUIECe qui donne une indication sur l'ampleur des déplacements des populations dus à la guerre du Kurdistan. Pour la première fois depuis le début de la politique de la terre brûlée conduite par l'armée turque dans le Kurdistan, une recherche universitaire vient d'être réalisée sur la population dont les villages ont été évacués, axée sur les enfants. Cette recherche a été conduite par le chercheur Ahmet Bilgili, directeur du département de sociologie de l'université Yüzüncü Yil, à Van. Le chercheur a analysé, durant l'année universitaire 1996, les mouvements démographiques en relation avec la guerre du Kurdistan, dans l'Est de l'Anatolie. A l'issue de cette recherche, il a écrit un rapport intitulé :"Rapport sur les enfants issus de la migration dans l'Est de l'Anatolie". De larges extraits de ce rapport ont été publiés dans le quotidien Hurriyet du 28 juillet. En ce qui concerne la province de Van, M. Bilgili a mené des enquêtes et des entretiens dans les quatre camps et les trois centres d'habitations en bordure de la ville où sont regroupés les familles déplacées. Il s'est également entretenu avec des élèves, des chefs de familles et des instituteurs. Afin de mieux communiquer avec les enfants, il s'est servi d'interprètes kurdes. La ville de Van, selon le dernier recensement de 1990, comptait 15300 habitants. Sa population a triplé depuis, passant à 457000 habitants, selon les statistiques de la préfecture. Les subventions attribuées à la maire se font toujours en fonction du dernier recensement. "Nous avons fixé à 6,6 le nombre d'enfants par famille déplacée. Les familles vivent avec leurs enfants dans des endroits exigus. Si l'on prend en compte leurs parents proches, on se retrouve alors avec une population de 20 à 25 personnes vivant dans le même endroit." relève le chercheur. L'unique moyen de subsistance traditionnelle était l'élevage; ce moyen n'existant plus en raison de la guerre, les familles se trouvent dans un grand besoin du point de vue économique. "Les enfants, tout comme leurs familles, sont obligés de faire des petits boulots comme étalagistes, cireurs, balayeurs et contribuent ainsi au budget de leurs familles. Néanmoins, il n'y a qu'une partie infime d'entre eux qui puisse trouver ou faire ce genre de petits boulots" indique encore le rapport. Diyarbakir, dont la population était de 381 000 il y a encore sept ans, est en tête des villes affectées par la politique de déplacements forcés. Sa population est estimée aujourd'hui à 1, 5 millions. La recherche de M. Bilgili conduit à la conclusion que ce sont les enfants qui font les frais de ces déplacements forcés car "Il n'est pas possible que les enfants se sentent en sûreté au cours de ce processus qui affecte de manière très considérable les enfants vivant sous le régime de l'état d'urgence. Déjà, ils ne comprennent pas le sens des déplacements forcés de l'état d'urgence. Les enfants victimes des déplacements forcés grandissent dans un état d'anxiété et dans un état d'esprit détruisant leur sentiment de confiance". Le chercheur se plaint qu'aucun service d'assistance n'est assuré par les autorités et explique que "l'enfant s'habitue à l'endroit où il naît et où il grandit. Dans un endroit qui lui est familier, il se sent en sûreté. S'il est détaché de son environnement social et naturel où il a grandi, il éprouve le besoin d'être aidé pour s'habituer à son nouvel environnement. Mais malheureusement il n'existe aucun moyen d'assistance dans notre pays pour venir en aide aux enfants victimes à ce genre de fléau." Étant donné la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les familles déplacées, le chercheur explique comment les familles arrivent à considérer leurs enfants comme des moyens de subsistance "A la question (voulez-vous que vos enfants travaillent pour rapporter de l'argent?), 64% des sondés répondent par l'affirmative. A la question (De quoi vivez-vous actuellement?) 15% des sondés répondent (grâce à l'argent gagné par leurs enfants) comme ils peuvent trouver de travail eux-mêmes. Il s'avère que la contribution de l'enfant à la famille par sa force du travail devient une nécessité en raison des déplacements forcés". La pauvreté détruit ainsi toutes les structures socio-économiques de la famille. Le chercheur à l'issue de ses études du terrain fait les propositions suivantes pour atténuer l'impact néfaste des déplacements forcés sur les enfants: Les enfants doivent être tenus à l'écart de la sphère politique. " Il ne faut jamais tolérer la mort et la souffrance des enfants quelle que soit l'ampleur des conflits armés. C'est pourquoi les enfants devraient être tenus à l'écart de toute considération politique. Il faudrait agir d'urgence afin de créer une éthique publique pour la protection des droits des enfants(..)" Des enseignants de langue maternelle, le kurde, doivent être désignés. M. Bilgili affirme que le choix d'enseignants kurdophones faciliterait les contacts avec les enfants. Pour ce faire "ces enceignants devraient absolument passer par une formation spéciale (..)". Enfin le chercheur estime qu'il faut encourager la population à adopter les enfants déplacés. Quelques statistiques concernant l'enfance en Turquie: - Les enfants constituent 38% de la population de Turquie (25 millions ont entre 1 et 18 ans). - 1 358 000 nouveau-nés chaque année. 42 décès sur 1000 pour cause de maladies. - Le taux de mortalité enfantine en dessous de l'âge de 5 ans: 6 sur mille, 29% de filles ne sont pas envoyées à l'école. Niveau très bas dans l'enseignement préscolaire. - Pas de chiffres disponibles concernant les enfants handicapés. Le nombre d'enfants orphelins est estimé à 540 000 dont seulement 21 300 ont pu trouver une famille d'adoption. - Le nombre d'enfants impliqués dans les affaires criminelles ne cesse d'augmenter. Le nombre d'enfants poursuivis par la justice a augmenté ces cinq dernière années de 28% alors que celui des procès en cours contre des enfants a affiché une hausse de 7,6% - 8000 000 d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté absolue. HUMOUR À LA TURQUEContrairment à ce qu'écrivait Montesquieu dans ses Lettres persanes, les Turcs ne manquent pas d'humour. En tout cas pas les journalistes turcs dont l'Union professionnelle vient de décerner son Prix annuel de "liberté de la presse"au président Demirel ! Celui-ci, pourtant est notoirement connu pour avoir approuvé et justifié l'assassinat d'une douzaine de journalistes d'opposition, qualifiés par lui, sans preuves aucunes, de "collaborateurs des terroristes", l'incendie des locaux du quotidien pro-kurde Özgur Gündem ainsi que l'arrestation et la condamnation des députés kurdes du Parti de la démocratie. Dernièrement, à une délégation de journalistes occidentaux conduite par Terry Anderson, s'inquiétant que la Turquie avec 78 journalistes derrière les barreaux soit le premier pays persécuteur de la presse dans le monde, M. Demirel n'avait pas hésité à déclarer que si ces journalistes étaient en prison ce n'était pas à cause de leurs opinions mais de leurs liens avec des organisations terroristes! Le voilà donc récompensé par une association de journalistes en cour de l'establishment kémaliste turc. Celle-ci pour faire bonne mesure désigne aussi l'éditeur Isik Yurtçu du quotidien interdit Özgur Gundem, condamné à 15 ans de prison pour avoir publié dans son journal des articles critiques vis-à-vis des exactions de l'armée dans le Kurdistan. Ignoré par la presse turque, M. Yurtçu actuellement en prison et en mauvais état de santé n'entre dans les grâces des journalistes turcs qu'après avoir été honoré de divers Prix de liberté de presse décerné par des organisations de journalistes américaines. |