Des Kurdes syriens réfugiés à Suruc, en Turquie, observent les combats dans leur ville, Kobané, située de l’autre côté de la frontière. The Associated Press
Journalmetro.com | Par Antoine Char
Tombera, tombera pas? «Company», devenue «Kobany», et enfin «Kobané», était un point d’eau en Syrie lorsque les Allemands construisirent une gare pour leur chemin de fer au début du siècle dernier. Aujourd’hui, la ville est le symbole de la résistance kurde face au groupe État islamique (EI).
Un appel à une journée mondiale de solidarité a été lancé pour le 1er novembre afin de soutenir l’agglomération vidée de ses 60 000 habitants. Le philosophe américain Noam Chomsky et l’Argentin Adolfo Perez Esquivel, prix Nobel de la Paix 1980, ont été parmi les premiers à monter aux barricades avec ce cri du cœur: «Urgence Kobané!» Nul doute que les manifestations de soutien aux Kurdes de la ville seront nombreuses dans le monde.
Mais la «Stalingrad du Moyen-Orient», comme elle a été surnommée, tiendra-t-elle jusque-là?
La ville du nord de la Syrie résiste depuis le 16 septembre aux assauts répétés de EI. Depuis quelques jours, le Pentagone affiche un optimisme prudent. Sa livraison de munitions aux résistants et, surtout, la décision de la Turquie de laisser entrer des renforts kurdes dans la ville située à quelques centaines de mètres de sa frontière, semblent ralentir les avancées des djihadistes, qui contrôleraient désormais moins de la moitié d’Aïn el-arab (son nom en arabe).
Les raids aériens, essentiellement américains, porteraient également fruit. Mais le salut ne viendra pas du ciel. Les djihadistes mènent une guérilla urbaine et se servent des populations des villages voisins comme boucliers.
Daesh (État islamique) veut coûte que coûte mettre la main sur Kobané afin de sécuriser toute la zone située entre Raqqa, la capitale de son «califat», et Alep, la deuxième ville de Syrie, qu’il assiège également.
Rien alors ne ferait obstacle à sa domination d’une frontière continue de 400km avec la Turquie. Cela lui permettrait de mieux écouler son pétrole de contrebande qui lui rapporte au moins un million de dollars par jour.
On le voit, Kobané est un butin de guerre convoité par EI. Pour les Kurdes, c’est une tribune parfaite afin de mieux faire connaître leur cause. Ils sont plus de 35 millions à vivre à cheval entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. C’est le plus grand peuple apatride de la planète.
À l’instar des Berbères en Afrique du Nord, ils bataillent ferme depuis des décennies pour défendre leurs droits linguistiques et culturels dans un monde arabo-musulman qui nie leur existence.
Les combattants Kurdes de Kobané qui, insulte suprême pour EI, seraient dirigés par une femme, se battent avec l’énergie du désespoir et, au fil des jours, ils se mettent à croire que leur ville «sera le tombeau de Daesh».
«Inch Allah!» espère-t-on dans plusieurs capitales arabes. Ailleurs, de Washington à Londres, en passant par Paris et Ottawa, on se dit aussi: «Si Dieu le veut!».