Des réfugiés syriens d’Afrin traversent l’Evros pour se réfugier en Grèce, à Nea Vyssa, le 2 mai.
Alkis Konstantinidis / REUTERS
L’ONG recense les exactions des milices proturques dans la ville syrienne.
Les civils d’Afrin, en Syrie, subissent de « graves violations des droits humains » perpétrées par les supplétifs locaux de l’armée turque qui occupent ce territoire kurde depuis le mois de mars, d’après un rapport d’Amnesty International publié jeudi 2 août. En janvier, l’armée turque et ses alliés syriens avaient lancé une offensive contre la poche d’Afrin, alors tenue par les forces kurdes, alliées à la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI). Celles-ci ont été chassées d’Afrin après trois mois de bataille. D’après l’organisation non gouvernementale, la Turquie donne « toute latitude » à la vingtaine de milices d’orientation islamiste qu’elle soutient pour commettre leurs exactions contre la population kurde.
« Il règne à Afrin un climat de terreur, dénonce Diana Semaan, qui a mené pour Amnesty, pendant plusieurs mois, les recherches ayant permis d’établir les violations perpétrées contre la population kurde. Les groupes armés syriens règnent en maîtres dans l’espace public. Les habitants, majoritairement kurdes, qu’ils perçoivent comme leurs ennemis, se sont vu confisquer leur ville et sentent qu’ils ne sont pas à l’abri de violences arbitraires de leur part. Cette peur paralyse les habitants et rend particulièrement difficile la recherche d’informations. Nous avons la certitude qu’il y a beaucoup plus de cas de disparitions et de tortures que ceux que nous avons pu établir. »
L’accès à Afrin est sous le contrôle des forces armées turques, qui n’ont pas autorisé les chercheurs d’Amnesty International à se rendre sur place, et limitent drastiquement l’accès des médias indépendants à l’enclave occupée. Les témoignages recueillis à distance, ou auprès d’habitants d’Afrin ayant récemment quitté la zone, permettent toutefois de prendre l’ampleur des violations commises à l’encontre de la population kurde.
Pillages massifs
Les disparitions forcées et les détentions arbitraires sont notamment devenues un trait distinctif du règne exercé par les forces turques et leurs alliés. « Il s’agit un phénomène d’ampleur que nous n’avons pas pu quantifier avec précision dans sa totalité, du fait des conditions dans lesquelles se sont déroulées nos recherches », indique Mme Semaan. Les motifs de ces enlèvements sont multiples. « Il existe des cas qui relèvent de la pure répression politique contre les personnes opposées à la présence des forces armées turques et des groupes armés. Mais nous avons également documenté de nombreux enlèvements avec demande de rançon, perpétrés par ces mêmes groupes », précise Mme Semaan. Dans certains cas, les familles restent sans nouvelles de leur proche, en dépit des sommes versées.
Chaque milice d’Afrin dispose de ses propres lieux de détention. Bien que tous placés sous la férule d’Ankara, les groupes armés présents à Afrin entretiennent des rivalités qui peuvent dégénérer en luttes territoriales, voire en confrontations armées. Les familles des personnes détenues sont ainsi confrontées à une multitude de groupes armés hostiles. Si certains sont libérés après des périodes de captivité émaillées, dans plusieurs cas, d’actes de brutalité ou de torture, d’autres disparaissent dans le chaos ambiant. « Nous avons relevé des cas des personnes déplacées par les combats qui ont tenté de rentrer dans leurs anciennes maisons, dans des zones occupées, et qui ne sont jamais réapparues », indique Mme Semaan.
Après des pillages massifs, les habitations et les commerces de milliers d’habitants d’Afrin, déplacés par les combats au début de l’année, ont été attribués à des déplacés venus de territoires rebelles, repris entre-temps par le régime syrien. Ajoutées au climat de peur qui frappe la population kurde, ces évolutions laissent planer le spectre d’un remplacement démographique durable.