«Pétrole contre nourriture»: sociétés françaises épinglées
par Laurent MAURIAC - 7 novembre 2005 / New York de notre correspondant
Sur les 2 200 entreprises impliquées dans le scandale «Pétrole contre nourriture» avec l'Irak, 180 sont françaises, et non des moindres.
Etablie pour le compte des Nations unies, la liste des sociétés ayant versé des pots-de-vin au régime de Saddam Hussein révèle notamment que Peugeot a déboursé plus de 7 millions de dollars, soit environ 10 % du montant de ses contrats de livraison de berlines et d'ambulances. Renault VI (l'ancienne filiale de Renault spécialisée dans les camions, aujourd'hui propriété de Volvo) a versé 6,62 millions de dollars. Au total, au moins six sociétés ont versé des pots-de-vin supérieurs à 1 million de dollars.
Ce qui frappe, c'est la diversité des entreprises françaises mises en cause, de la PME à la multinationale, dans des secteurs d'activité allant du linoléum (Gerflor-Taraflex) aux médicaments (les laboratoires pharmaceutiques BioMérieux et Pierre Fabre).
Annexes. Curieusement, la liste des sociétés incriminées ne figure pas dans le rapport principal, remis le 27 octobre par la commission d'enquête indépendante mise en place par l'ONU et conduite par l'ancien président de la banque centrale américaine, Paul Volcker, mais dans des annexes rendues publiques le même jour.
Le rapport se bornait à détailler certains cas de «compagnies industrielles majeures», notamment Volvo, Siemens et DaimlerChrysler. Avec ce document, la commission Volcker livrait ses dernières conclusions sur le rôle de sociétés et de personnalités extérieures à l'ONU, après avoir examiné, lors de précédents rapports, les implications au sein de l'organisation.
Les détournements qu'elle chiffre, à défaut de les détailler, sont l'un des volets des malversations auxquelles a donné lieu le programme «Pétrole contre nourriture» mis en place par l'ONU en 1996, autorisant Bagdad à reprendre ses exportations pétrolières pour financer l'importation de biens de première nécessité, puis de biens d'équipement. «Pétrole contre nourriture» a cessé d'exister lors de l'attaque américaine contre l'Irak en 2003. Un programme dont les failles avaient permis au régime de Saddam Hussein de capter illégalement 1,8 milliard de dollars.
Commissions. La liste des sociétés françaises confirme les liens particuliers entretenus par la France (secteurs public et privé confondus) avec le régime de Saddam Hussein. Le rapport Volcker affirme également que l'ancien ministre Charles Pasqua, l'ancien ambassadeur Jean-Bernard Mérimée et l'ancien secrétaire général du Quai d'Orsay Serge Boidevaix ont reçu des commissions sur des transactions pétrolières.
Peugeot a rejeté, samedi à Paris, toute accusation d'illégalité dans ses contrats. «Nous estimons avoir fait les choses dans l'ordre et le respect de la réglementation», a indiqué un porte-parole du groupe.
L'enquête, financée par l'ONU à hauteur de 35 millions de dollars, met en lumière des pratiques de corruption somme toute courantes dans le commerce international. Elle a pour intérêt de les établir clairement, documents et chiffres à l'appui.
Dans un discours prononcé jeudi devant le Conference Board, une organisation patronale américaine, Paul Volcker a rappelé que nombre d'économistes voyaient dans la corruption «l'obstacle majeur» au développement et a demandé aux entreprises de se montrer «honnêtes et raisonnablement transparentes».
Les principales accusées
Parmi les 180 entreprises françaises qui ont versé des pots-de-vin, le rapport cite :
Automobiles Peugeot, Renault VI, Agco, Irrifrance Industrie, Envirotech Pumps Systems, France Pétrochimique, Legrand, Thales Broadcast and Multimedia, Schneider Electric, Siemens SAS, Laboratoires Urgo, BioMérieux, Saint-Gobain Desjonquères, Vinci Technologies, Air Liquide Engineering, Clause International, Pierre Fabre Santé, Gerflor-Taraflex.
Liste complète sur www.iic-offp.org/story27oct05.htm