Il y a 32 ans, le 7 octobre 1988, l’intellectuel et homme politique kurde de renom et membre fondateur de l’Institut kurde est décédé dans un hôpital de Lausanne des suites d’une longue maladie. Il avait 69 ans.
Né en 1919 à Maden au Kurdistan de Turquie dans une famille aisée et patriote, Noureddine Zaza mènera une vie faite de lutte, de résistance, de nombreux séjours en prison et d’une série d’exils. Sa famille fut disséminée à la suite des révoltes kurdes de cheikh Said et d’Agri (1925 – 1930). Il passera son enfance auprès de son frère aîné, médecin, réfugié en Syrie alors sous mandat français. Durant ses études au Lycée français de Damas, il fréquenta les patriotes kurdes, notamment les frères Bedir Khan, initiateurs de la renaissance culturelle kurde. Alors qu’il voulait rejoindre le mouvement de Barzani en 1944, il sera arrêté par les autorités irakiennes et emprisonné pendant un an. Cela sera le premier d’une longue série de séjours dans les geôles du Proche-Orient.
Après des études en Sciences politiques à l’Université de Beyrouth, Zaza part à Lausanne en 1947 pour faire son doctorat en Sciences sociales et pédagogiques. Il y créa la première Association des Etudiants Kurdes en Europe (K.S.S.E) et fut l’un des porte-parole éloquents de son peuple. De retour à Damas en 1956, il enseignera à l’Université. En 1957, il créa le Parti démocratique kurde de Syrie et sera arrêté et condamné à mort en 1960. Ce n’est que grâce à une campagne internationale qu’il échappera à la potence et sera libéré au bout de 18 mois de réclusion. Mais le coup d’Etat baassiste du 8 mars 1963 transforme à nouveau sa vie.
Il est contraint de se réfugier au Liban où ses activités en faveur du mouvement kurde irakien lui valent une expulsion vers la Jordanie. La police hachémite le remet à la Syrie qui l’emprisonne à nouveau. Elargi à la suite d’un nouveau coup d’Etat, il quitte ce pays et au terme d’une longue pérégrination, en 1970, il se réfugie en Suisse, pays de sa jeunesse et sa « seconde patrie » dont il admire les vertus démocratiques. Quelques temps après, il épousera Gilberte Fabre, journaliste et écrivaine. Naturalisé suisse, il continuera jusqu’à ses derniers jours son combat en faveur de la liberté du peuple kurde, grâce notamment à ses interventions et ses articles dans les médias helvétiques. Pour assurer une coordination des efforts menés pour la sauvegarde de la culture kurde et pour la sensibilisation de l’opinion publique, il avait, en 1982, pris une part active à la fondation de l’Institut Kurde de Paris.
Par ses écrits, Noureddine Zaza a apporté une contribution éminente au renouveau de la littérature kurde. Il a également publié, en français, un récit autobiographique émouvant « Ma vie de Kurde » ainsi qu’un recueil de poèmes et de légendes kurdes.
En 2019, à l’occasion du centenaire de sa naissance, un livre d’hommages, illustré de belles photos, a été publié à Lausanne. Il est disponible à l’Institut kurde.
Chronologie (extraite) de Noureddine Zaza 1919-2019
1919
Naissance à Maden (Kurdistan de Turquie).
1925
Son père et son frère aîné, Nafez, né en 1899, sont emprisonnés.
1928
Libération du père de Noureddine.
1930
Le D' Nafez emmène Noureddine en Syrie alors sous Mandat français.
Noureddine ne reverra plus son père qui décédera quelques années plus tard.
Etudes à Alep puis au Lycée français de Damas .
1932
Noureddine côtoie les familles de Djeladet et Kamuran Bedir-Khan, Arif Abbas, Ali
Agha Zilfo, Quedri et Akram Djem il Pacha, Mihemed Eli Sheikhmous, D' Nuri
Dersimi, Hamza Miksi, Hajo Agha, et Memdouh Selim. Alors qu'il est au lycée,
il donne des cours la nuit dans le quartier kurde.
1942
De retour de Beyrouth, où il étudie, saute du train Alep-Kaméchlié, roulant
à 80 km/h, afin d'échapper à la soldatesque turque.
Obtient sa licence en sciences politiques à l'Université Saint-Joseph.
1944
Se rend en Irak où il compte rejoindre le Général Barzani. Y est emprisonné durant
un an.
1945
Est reçu à Beyrouth par la délégation soviétique avec Cigerxwîn et Memdouh
Selim. Peu après, le D' Nafez, Ekrem Djemil Pacha et Cigerxwîn remettent à la même
délégation un Mémorandum à l'intention de la Conférence de San Francisco.
1947
Noureddine Zaza embarque de Beyrouth pour la Suisse via l'Italie.
1949
Avec des amis kurdes, crée la première Association des étudiants kurdes
en Europe. Edite et anime la revue culturelle Dengê Kurdistan qui paraîtra
douze fois.
1956
Fonde la Société des étudiants kurdes en Europe avec lsmet C. Vanly et dix-huit
étudiants kurdes en Europe. Le premier congrès se tient en août à Wiesbaden.
Retour en Syrie. Enseigne la sociologie et la pédagogie à l'Université de Damas.
Suite aux mesures discriminatoires visant les non-Arabes, doit quitter l'Université.
Crée sa propre maison d'import-export de spécialités pharmaceutiques.
1957
Avec l'aide de Jalal Talabani, il élabore les statuts du Parti démocratique kurde
de Syrie (PDKS) qu'il cofonde et dont il sera le premier président.
1960
Emprisonné et torturé à Damas.
1961
Accusé d'avoir voulu créer un deuxième« Israël», condamné à la peine
capitale pour ses responsabilités à la tête du PDKS.
Est sauvé de la potence grâce à des pétitions internationales et notamment
Helvétiques.
1963
Réfugié au Liban, il informe les médias libanais et occidentaux sur
la situation au Kurdistan d'Irak. Contacts réguliers avec Kamal Joumblatt
et Ghassan Tuéni. Cours d'alphabétisation aux Kurdes.
1966
Sa demande de laisser-passer pour quitter le Liban est refusée.
23 avril: La police libanaise le livre aux Syriens sous la pression des Irakiens. Il est
emprisonné en cellule isolée à Damas où il subit la torture. Exil dans le Djebel
Druze.
1967
Quitte la Syrie pour le Kurdistan de Turquie à travers un champ de mines. Est
accueilli dans un premier temps par la famille de son frère Suppi. Mais l'épouse de
celui-ci le dénonce à la MIT et il doit se réfugier à Istanbul où il vit dans une
Semi-clandestinité.
1968
Décès de son frère, le D' Nafez, à Beyrouth.
1970
Noureddine Zaza est finalement déchu de la nationalité turque pour avoir
involontairement quitté la Turquie à l'âge de dix ans. Il dispose de quarante-huit
heures pour échapper à la prison et quitte la Turquie. Il rejoint la Suisse via
l'Allemagne.
Vit de l'enseignement et continue à plaider en faveur des Kurdes sur le plan culturel
lors de conférences, à travers les médias et par ses livres.
1971
Rencontre, par des amis communs, avec l'auteur et journaliste suisse Gilberte Favre
qui avait traversé le Kurdistan de Turquie en 1967.
1973
Naissance de Chango Valéry.
1978
Obtient la naturalisation suisse.
1988
Décès à Lausanne après trois ans d'une maladie contractée à la prison de Damas.
Repose au cimetière de Bois-de-Vaux à Lausanne.