9 octobre 2007
La recrudescence des attaques du PKK au sud-est de la Turquie rend difficile la situation des vingt députés pro-kurdes élus en juillet au Parlement turc.La pression qui pèse sur Ahmet Türk est à son maximum. Depuis l’entrée de son parti, le DTP (Parti pour une société démocratique), pro-Kurde, au Parlement turc, il y a deux mois, pas un jour ne passe sans que la presse, le gouvernement ou l’armée ne l’accusent de soutien au terrorisme.
Cette pression est encore montée d’un cran avec la mort le week-end des 6 et 7 octobre de 15 soldats turcs, dans l’est du pays, dont 13 tombés dimanche sous les balles d’un commando du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans les monts Gabar. Une semaine auparavant, l’attaque d’un minibus près de Beytussebap, attribuée à la guérilla kurde qui a pourtant rejeté cette accusation, avait causé la mort de 13 civils.
L’armée, qui a intensifié en septembre les opérations contre l’organisation kurde, vient d’imposer 26 nouvelles zones de sécurité dans la région et pilonne depuis dimanche les zones frontalières de l’Irak afin d’y empêcher un repli des commandos du PKK.
L’hypothèse d’une intervention militaire transfrontalière est à nouveau débattue, malgré l’opposition clairement exprimée par Bagdad en septembre, lors de la signature d’un accord de lutte contre le terrorisme avec Ankara. Le Conseil supérieur de la lutte contre le terrorisme, une instance gouvernementale, s’est réuni hier pour évoquer différents scénarios. Le DTP attaqué par des hackers
Ce regain de violence sur le terrain s’est automatiquement répercuté sur le DTP, avec l’attaque, lundi 8 octobre, par des hackers, du site Internet de l’une de ses députés. « Ce site terroriste a été confisqué au nom de nos 13 frères martyrs », peut-on y lire sur fond de drapeau turc.
La semaine dernière, un homme – relâché depuis – avait tiré sur les locaux du DTP, à Ankara. Ce qui est reproché au parti kurde, c’est son absence de dénonciation du « terrorisme » et ses liens avec le leader du PKK, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999.
Vingt candidats du DTP ont été élus députés lors des élections législatives du 22 juillet dernier. Ils ont pu former un groupe politique à l’Assemblée, présidé par Ahmet Türk.
« En tant que parti politique, nous croyons que la question kurde ne peut être résolue ni par les armes ni par une action militaire, tente d’expliquer Ahmet Türk dans son bureau, à Ankara. Mais parce que l’on dit que la question kurde ne peut être résolue par la voie militaire, nous sommes traités de terroristes. En entrant au Parlement, notre but était de créer un dialogue démocratique, de trouver une formule civile destinée à mettre fin à la violence. Or depuis deux mois, c’est l’inverse. Ceux qui nous accusent, que font-ils ? Rien. Il n’y a pas d’ouverture démocratique, pas de réformes proposées pour donner confiance aux 20 millions de Kurdes de ce pays. » L’armée n’est pas en reste dans le flot de critiques déversées contre le DTP. La semaine dernière, le chef d’état-major a apporté un soutien à peine voilé à une fermeture du parti et clairement posé des limites au gouvernement, dans la rédaction d’une nouvelle constitution civile.
« Le discours du chef d’état-major a rendu la situation très difficile, admet Mesut Yegen, professeur à l’université du Moyen-Orient à Ankara. Il estime que la question kurde a été réglée par le biais des libertés individuelles déjà accordées. Pour lui, l’État ne doit pas donner d’autres droits, notamment collectifs, comme celui d’apprendre le kurde à l’école. L’armée se montre déterminée à résister. Je ne suis pas très optimiste pour l’avenir. »
Ce pessimisme est partagé par Umit Firat, un intellectuel kurde indépendant. Il dénonce à la fois le DTP, qu’il juge « incapable de se détacher du PKK », et l’armée « forte de 700 000 hommes, qui ne servirait à rien sans le PKK ». « Cette période de transition est très dangereuse, explique-t-il. On assiste à une résistance des pouvoirs en place, qu’ils soient kurdes ou turcs. La confrontation est très dure et peut mener au bain de sang. »
Delphine NERBOLLIER, à Istamboul |