Kurdistan
Humanite.fr | Par Pierre Barbancey Suruç (frontière turco-syrienne), envoyé spécial
La résistance kurde marque des points, mais l’organisation de l’« État islamique » piège les positions qu’elle doit lâcher. Les autorités de la ville, toujours assiégée, réclament un corridor humanitaire. Un otage états-unien, Peter Kassig, et 18 soldats de l’armée syrienne auraient été égorgés.
Les combats font rage à Kobané. Les djihadistes de l’organisation dite de l’État islamique (EI) subissent de nombreux reve¡s. Ils sont concentrés dans la partie orientale de la ville, soumis au feu des combattants kurdes des unités du YPG qui se battent rue par rue pour les déloger, épaulés par l’artillerie des peshmergas venus du Kurdistan d'Irak et par les frappes menées par l’aviation américaine. Depuis quelques jours, les défenseurs de Kobané marquent des points. Ils ont repris des villages à L’ouest et se sont empares d’or¡ne colline stratégique.
Mais les affrontements sont rudes au sud. Ils ont duré plus de 70 heures. «Nous n'avons pas encore réussi à briser toutes leurs routes d'approvisionnement en armes et en hommes » souligne Idriss Naassan membre du gouvernement de Kobané. Un objectif vital pour la résistance kurde, afin d'éviter une offensive de l'« El ».
« Notre avancée est très lente», précise le docteur Mohammed Arif Ali, qui tente d'apporter les premiers soins aux blessés. « Les islamistes ont détruit totalement les deux hôpitaux de la ville. Nous sommes forcés de transformer des appartements en cliniques de campagne, mais, selon les combats, il nous faut bouger. Beaucoup de groupes. sont encore cachés dans des immeubles et il y a des snipers. De plus, ils piègent les positions d'où ils sont forcés de se retirer. » Alors qu'il nous parle, deux obus de mortier s'écrasent non loin de sa position, le forçant à s'abriter,
Ismet Shekh Hassan, ministre de l'Autodéfense à Kobané, fait remarquer que le siège de la ville ne dure pas que depuis deux mois. « La bataille de Kobané a commencé il y a avait an et demi, dit-il. Auparavant, jl y avait des groupes comme Al-Nosra qui nous attaquaient Cela fait un an et demi que Kobané est encerclée. Depuis, nous manquons de tout, d'eau et d'électricité. Et il n'y a plus de commerces. La réalité est que notre résistance est une résistance historique. C'est Peut -être la première fois en Syrie qu'une organisation équipée d'armes lourdes est mise en échec par une organisation qui ne possède que des armes légères. » Pour Ankara, pourtant, rien n'a changé. La Turquie et les États-Unis ont finalisé un accord en vue d'entraîner sur le sol turc environ 2000 combattants de l'Armée syrienne libre (ASL). Mais la Turquie refuse catégoriquement de venir militairement en aide aux forces rurales qui défendent Kobané. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, continue à considérer les représentants kurdes et leurs organisations comme des « terroristes».
Une attitude qui ne peut que renforcer les groupes islamistes dont la barbarie est sans égale. L'otage américain Peter Kassig aurait été égorgé, de même que 18 soldats de l'armée syrienne. L'« El », avec-le Front Al-Nosra, prépare le siège de la ville kurde d 'Afrin, au nord -ouest. Dans l'est du Rojava (le Kurdistan de Syrie), les combats Sont nombreux. L'« El » comme tous ceux qui le soutiennent ont en commun le refus de la reconnaissance de la spécificité kurde.
La brigade tchétchène Al-Aqsa, qui se trouve aux côtés des islamistes à Kobané, vient ainsi de publier une vidéo, tournée le 10 novembre, on ne peut plus claire. On y voit trois hommes dont l'un d'entre eux, qui se fait appeler Moussa "Abou Shishani, brûle des drapeaux kurdes. Ce dernier explique:
« Nous sommes maintenant dans la ville de Kobané. Les drapeau que vous voyez symbolisent le Kurdistan-communiste, athée, sans Dieu. sous lequel ils essaient d'unifier le peuple kurde. »
Il poursuit: « Il n'y aura pas de Kurdistan communiste et sans Dieu. Au contraire, il y aura une wilaya du Kurdistan. Il sera symbolisé par l'islam et le califat. »
Bien que stoppés dans leur élan, ces islamistes bombardent les zones de Kobané où se trouvent encore des civils. « Tant qu'un corridor ne sera pas ouvert, ces civils resteront sous la menace de l'État islamique », prévient Ismat Shekh Hassan, le ministre de l'Autodéfense. La Turquie refuse. La France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ne disent rien.