Les présidents
AFP/WATHIQ KHUZAIE
Le président turc Abdullah Gul (au fond à gauche) et le président irakien Jalal Talabani lors d'une cérémonie officielle à Bagdad, le 23 mars 2009.
Lemonde.fr | 25 mars 2009
Le président turc, Abdullah Gül, qui concluait, mardi 24 mars, une visite de 48 heures à Bagdad - la première d'un chef d'Etat turc en Irak depuis 34 ans - semble avoir obtenu ce qu'il était venu chercher, à savoir un engagement ferme des autorités irakiennes d'aider dorénavant Ankara à lutter contre les rebelles kurdes du PKK repliés dans les montagnes du Kurdistan irakien.
Le Parti des travailleurs kurdes (PKK) qui combat depuis 25 ans pour l'autonomie du Sud-Est turc, la région frontalière du nord irakien majoritairement peuplée de Kurdes, dispose de trois à cinq mille combattants dans les montagnes d'Irak, lesquels sont régulièrement accusés par Ankara de lancer des raids meurtriers en Turquie avant de se replier sur les hauteurs irakiennes. La Turquie bombarde sporadiquement cette région pour essayer, en vain jusqu'ici, d'annihiler la rébellion.
"Le PKK a deux choix possibles", a dit, en présence de son hôte turc, Jalal Talabani, chef de l'Etat irakien et ancien combattant kurde lui-même : "Déposer les armes ou quitter l'Irak."L'ultimatum a immédiatement été rejeté par Ahmed Denis, un porte-parole du PKK, qui a "mis publiquement en garde" M. Talabani contre "les graves conséquences que ce genre de déclarations pourrait avoir, notamment sur les acquis des Kurdes (d'Irak) qui pourraient être perdus".
Ces derniers jouissent effectivement, depuis 1991 et grâce aux Etats-Unis, d'une large autonomie, avec leur propre Parlement, armée et gouvernement, dans les trois provinces du Nord irakien. "Il faut, a ajouté M. Talabani qui est aussi le chef d'un des deux grands partis kurdes d'Irak, que le PKK se lance dans la vie politique et parlementaire et cesse d'user des armes, car cela fait du tort aux Kurdes comme aux Irakiens. Notre Constitution, a-t-il ajouté, interdit les groupes armés, le PKK comme les autres."
Ce n'est pas la première fois que les autorités irakiennes promettent à la Turquie de désarmer le PKK. Le problème est que ses repaires sont situés dans la zone autonome du Kurdistan irakien et que l'armée nationale dirigée par Bagdad ne peut y pénétrer sans l'accord du gouvernement autonome local. Lequel, dirigé par Massoud Barzani, un vieil adversaire politique de M. Talabani, se fait tirer l'oreille depuis des années pour agir efficacement contre "les frères kurdes" de Turquie qui veulent, au fond, la même autonomie que ceux d'Irak.
Régulièrement invités par Ankara à agir eux aussi contre le PKK, les Américains, qui ne sont les bienvenus en Irak que dans sa partie kurde, se sont jusqu'ici abstenus de toute opération d'envergure, se contentant de fournir aux Turcs des informations pour cibler leurs bombardements.Le réchauffement sensible des relations turco-irakiennes peut-il changer la donne ? Ce n'est pas impossible, car Ankara dispose, pour obtenir ce qu'il veut, d'un atout majeur : l'eau. La presse irakienne du 24 mars le soulignait à l'envi : "L'aggravation de la crise de l'eau, en raison du très bas niveau d'écoulement du Tigre et de l'Euphrate dans notre pays, ce qui prive l'Irak de ses droits naturels, notait As-Sabah, quotidien pro-gouvernemental, devient une question essentielle pour la reconstruction du pays." La Turquie, où les deux grands fleuves qui arrosent l'Irak prennent leur source, a construit ces dernières années des barrages imposants qui réduisent considérablement le débit dans le pays voisin. L'eau contre la paix ? Recevant à Bagdad le chef du gouvernement autonome du Kurdistan, Abdullah Gül a été on ne peut plus clair : "Une fois que le PKK sera éliminé, tout sera possible entre nous, car vous êtes nos voisins et nos cousins."