La Turquie court droit à la catastrophe. Ce sera la deuxième fois en moins de dix ans, mais le gouvernement turc tient à gérer la crise tout seul. L'AKP, le parti au pouvoir, est las des interventions étrangères et se montre réticent à solliciter l'aide du Fonds monétaire international (FMI). Voilà qui ne va guère rassurer des investisseurs déjà nerveux.
En 2001, la devise s'était écroulée, les banques avaient été massacrées, les vannes du crédit s'étaient fermées et l'économie était tombée en panne. La Turquie ne peut pas se permettre de revivre ce scénario.
L'investissement direct étranger, l'expansion boursière et les prêts accordés au secteur privé depuis d'autres pays ont nourri la croissance pendant vingt-six trimestres. On estime à 70 milliards de dollars (55 milliards d'euros) la dette des entreprises libellée en devises étrangères. Toute nouvelle faiblesse de la livre turque, qui a déjà perdu le quart de sa valeur face au dollar cette année, conduirait nombre d'entreprises à la faillite.
Le cours élevé du pétrole a creusé le déficit courant, qui culmine à 5,7 % du produit intérieur brut cette année. L'inflation a atteint 10 %. Des analystes pronostiquent pour 2009 une croissance de 2,5 %, soit la moitié de celle observée en 2007.
Mais le gouvernement se refuse à faire appel de nouveau au FMI : le Fonds le contraindrait à la rigueur, ce qui limiterait ses possibilités d'investissement dans les régions kurdes ; les municipales de mars approchant, Ankara veut aussi garder une marge de manoeuvre financière ; enfin, l'AKP s'est appuyé sur une croissance miraculeuse pour se vanter d'avoir affranchi le pays de la tutelle du FMI.
L'AKP devrait ravaler sa fierté. Les programmes du FMI mis en place par le passé n'ont pas brillé par leur efficacité, mais les autorités turques n'y sont pas pour rien : elles n'ont pas tenu tous leurs engagements. Une intervention massive et pertinente du FMI devrait suffire à éviter un décrochage de la monnaie et écarter toute nouvelle crise.