Le Figaro (avec AFP)
19 avril 2006, (Rubrique International)Le gouvernement turc a soumis dans la nuit de mardi un projet de loi au Parlement visant à durcir la loi antiterroriste afin de faciliter sa lutte contre les rebelles kurdes et leurs sympathisants.
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Photo Le Figaro/Jean-Christophe Marmara |
Le torchon continue de brûler entre les autorités turques et la minorité kurde. Alors que de violentes émeutes secouent le sud-est du pays, majoritairement kurde, se mêlant à des combats entre forces armées et militants séparatistes, le gouvernement fait le choix de la répression. La succession d’attentats à Istanbul a également influée sur le gouvernement conservateur religieux du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Dimanche, le dernier d’entre eux a fait 30 blessés, dont deux graves.
3 ans de prison pour les manifestants
En riposte, le projet présenté tard mardi à l'Assemblée nationale aggrave notamment les peines de prison prononcées pour les délits liés au terrorisme et à la propagande des idées du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes). La loi étend le champ des crimes terroristes pour inclure éventuellement le trafic des migrants et la traite d'être humains.
La propagande en faveur du PKK et de son programme, notamment sous la forme de manifestations de soutien à des organisations terroristes avec port de drapeaux et de banderoles en scandant des slogans et en se cachant le visage, sera passible de trois ans de prison. La police et l'armée seront en outre autorisées à faire usage «de manière appropriée» de leurs armes à feu contre ceux qui n'obtempéreraient pas à leurs sommations.
Le financement d'organisations terroristes sera passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison, laquelle sera alourdie si la personne qui commet ce délit est un employé public, notamment un maire. Les suspects détenus pour un délit de terrorisme seront empêchés, si nécessaire, par ordre du juge, d'avoir accès à un avocat pendant 24 heures, mais ne seront pas tenus de déposer au cours de ce laps de temps.
L’intégration européenne en fond
Toutefois, les nouvelles mesures ne vont pas altérer les libertés individuelles nouvellement garanties par la loi, intégration européenne oblige. La reconnaissance des minorités fait partie des chantiers que l'Union européenne a demandé à Ankara de mettre en œuvre. «Nous allons lutter jusqu'au bout contre le terrorisme. En faisant cela nous allons renforcer la démocratie», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et l'UE. Depuis l’emprisonnement de son leader Abdullah Ocalan, en 1999, une trêve unilatérale avait été décrétée par le PKK. Une trêve rompue en juin 2004. Depuis, la tension a sans cesse grandi à Diyarbakir, la capitale de la région du Kurdistan turc, causant la mort de seize personnes ces deux dernières semaines. Depuis le début de l'insurrection du PKK en 1984, le conflit a fait plus de 37 000 morts.