Ils sont sortis de prison samedi après la seconde audience de leur procès, mais les huit soldats turcs enlevés par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) le 21 octobre dernier puis finalement restitués à leurs familles le 4 novembre, après une médiation des autorités kurdes irakiennes et de Washington, restent inculpés.
Les chefs d’accusation sont lourds : «propagande terroriste», «désobéissance aux ordres», «complicité avec organisation combattante» et «sortie sans autorisation du territoire». Les organisations de défense des droits de l’homme soulignent les nombreuses aberrations de cette affaire, où de simples bidasses, capturés après une embuscade meurtrière au cours de laquelle douze de leurs camarades avaient trouvé la mort, paient pour les fautes de leur hiérarchie.
Nationalistes. Le procureur du tribunal militaire du corps d’armée de la gendarmerie de Van (Est anatolien) demandait, dans son acte d’accusation, la perpétuité pour l’un des accusés, Ramazan Yuce, et des peines allant de cinq à dix ans de prison ferme pour les sept autres. «İls ont vendu la patrie et leurs camarades», avait déclaré le lieutenant-colonel de l’unité, qui participait à une cérémonie de mariage la nuit de l’attaque, loin du théâtre des opérations. Les interviews accordées par les soldats prisonniers à la télévision du PKK avaient scandalisé le pays, et le ministre de la justice Ali Sahin avait publiquement déclaré «qu’il ne pouvait pas se réjouir de voir rentrer les huit soldats sains et saufs». Les parents des huit soldats avaient réfuté ces accusations et ont dénoncé «l’atmosphère anti-kurde répandue par les médias nationalistes».
Opinion. Alors que les militaires turcs continuent leurs opérations transfrontalières en Irak du Nord contre les bases arrière des rebelles du PKK, cette affaire gêne, en mettant en lumière les dysfonctionnements opérationnels de l’armée. «L’état-major a eu peur de voir le PKK ne pas tuer les soldats enlevés car cela peut constituer un mauvais exemple pour le reste de l’armée et les soldats turcs qui ne savent même pas pourquoi ils font la guerre contre nous», a ironisé le PKK dans un communiqué. Le tribunal militaire avait interdit la publication de toute information sur l’enquête et plus tard sur le déroulement des audiences, comme le permet la loi. Mais sous la pression de l’opinion, les juges ont dû céder. «Nos clients ont été sauvés d’un lynchage légal et nous espérons qu’ils seront à la fin acquittés», a affirmé l’un des avocats, Dincel Aslan, rappelant que «c’est la première fois que des soldats enlevés par les rebelles ont été traduits en justice.» Le tribunal de Van, qui avait exceptionnellement organisé deux audiences consécutives, vendredi et samedi, a reporté le procès au 25 avril.