28 juil. 2006 - Turquie
Depuis le mois de juin, le Parti des travailleurs kurdes (PKK), réfugié dans le nord de l'Irak, multiplie les attaques dans le sud-est de la Turquie. Les raids d'Israël au Liban pour lutter contre le Hezbollah donnent des idées au gouvernement turc."Nous ferons comme Israël", titre le quotidien turc Hürriyet quelques jours après le début de l'offensive israélienne au Liban. En effet, depuis le mois de juin dernier, les Turcs font l'objet d'attaques en série perpétrées par le Parti des travailleurs kurdes, le PKK, dans le sud-est du pays. L'organisation kurde s'est réfugiée en Irak en 1999 après avoir déclaré unilatéralement un cessez-le-feu. Depuis 2002, elle a repris les armes et lance ses actions à partir de ses bases situées dans le nord de l'Irak. Face à ce regain de violence, le gouvernement veut réagir et l'exemple d'Israël a de quoi l'inspirer. Le quotidien turc rapporte les propos du porte-parole du gouvernement, Cemil Çiçek "nous voulons écarter les Kurdes du PKK du nord de l'Irak". Selon Hürriyet, certains membres du gouvernement pensent que, "parce que d'autres pays le font, la Turquie a le droit de le faire aussi."
Beaucoup désirent donc que le principe de la guerre défensive pratiquée par Israël et les Etats-Unis soit également utilisé par la Turquie. Mais Hürriyet estime dans un éditorial "qu'en réalité essayer de comparer les mesures que pourrait prendre la Turquie par rapport au PKK et ce que fait Israël contre le Hamas et le Hezbollah est inutile. La seule façon pour la Turquie d'être victorieuse serait de déclencher une opération terrestre, mais pour cela il faudrait qu'elle entre en opposition avec les Etats-Unis et les autorités kurdes du nord de l'Irak."
Le journal estime que la Turquie pourrait plutôt mener une opération aérienne, prouvant la détermination du gouvernement. Mais, là encore, le gouvernement turc se heurte à l'opposition des Américains. Bien que l'ambassadeur américain à Ankara ait déclaré que "la Turquie, comme tous les autres pays, a le droit et le devoir de se défendre", la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a affirmé à plusieurs reprises qu'elle ne voulait pas d'une opération qui déstabilise la seule région pacifiée d'Irak.
Le quotidien turc Zaman estime pour sa part dans un éditorial que "la Turquie n'est pas Israël" et ne peut pas se permettre d'utiliser les mêmes méthodes. Selon l'éditorialiste, une potentielle opération de la Turquie contre les Kurdes du PKK serait en accord avec le droit international, sauf que "les lois internationales existent pour faire respecter les droits des puissants. Aussi longtemps que les lois internationales continueront à être un jeu de pouvoir, les faibles [en l'occurrence la Turquie] n'auront aucun intérêt à chercher refuge dans le droit international."
Un autre obstacle à cette opération est que "la Turquie a condamné l'offensive israélienne au Liban. Que dirait le monde à propos d'une action militaire entreprise par la Turquie à l'encontre des Kurdes du PKK installés en Irak alors que le gouvernement turc a clairement pris parti contre l'action d'Israël à l'encontre du Hezbollah au Liban ?"
Par ailleurs, selon Zaman, la Turquie ne peut pas être comparée à Israël car une attaque de la Turquie ne pourrait être qualifiée de guerre, contrairement à l'offensive d'Israël au Liban, "qui risque de se propager à tout le Moyen-Orient et de créer le chaos". Et l'éditorialiste suggère que "la Turquie peut protéger ses intérêts en préservant la paix et la stabilité, sans passer par le conflit armé et en privilégiant le dialogue." On pourrait croire qu'il rejette une intervention turque en Irak mais il n'en est rien car il conclut : "Une opération turque dans le nord de l'Irak ne va pas accroître la violence mais la diminuer."
Christelle Gilbert