Istanbul de notre correspondant
Ragip DURAN - [lundi 14 novembre 2005]
es autorités d'Ankara semblent désormais décidées à en finir avec ces réseaux de «l'Etat profond», comme les appellent les Turcs, où se mêlent «barbouzes» et mafieux. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a annoncé hier sa volonté de faire la lumière sur les attentats de Semdinli, bourgade limitrophe des frontières irakienne et iranienne, et à punir leurs auteurs présumés : «des officiels militaires qui veulent provoquer des incidents entre la nation et l'Etat».
Le 1er novembre, une voiture piégée avait explosé près de la caserne de la gendarmerie, faisant une dizaine de blessés. La responsabilité de cet attentat avait été attribuée d'office aux rebelles kurdes turcs du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui ont repris la lutte armée depuis un an. Mais le 9 novembre, une voiture bourrée d'explosifs et d'armes automatiques était bloquée par la population, juste après le plastiquage d'une librairie tenue par un ancien militant du PKK qui avait fait un mort. Un des occupants du véhicule était un sous-officier de la gendarmerie et un autre, un ancien combattant du PKK devenu «repenti». Il s'agissait donc apparemment d'une opération de la «contre-guérilla», comme il y en avait eu tant d'autres pendant les années de la «sale guerre» (1984-1999) entre l'armée et les rebelles kurdes, qui firent 36 000 morts.
La découverte du pot aux roses a entraîné trois jours d'émeute dans la petite ville kurde. «Les événements de Semdinli seraient le résultat d'une certaine mentalité, a martelé le Premier ministre. Nous sommes déterminés à révéler ce qui se cache derrière ces attentats. J'ai également parlé avec le chef d'état-major qui est tout aussi déterminé.»
Une commission d'enquête parlementaire devrait bientôt être mise sur pied. Si les investigations sont menées à leur terme, il s'agira d'un véritable tournant. Plus de trois mille personnes avaient été tuées lors de ces «assassinats anonymes» attribués à la contre-guérilla. Toutefois, les autorités judiciaires et politiques de l'époque, dans la majorité des cas, n'avaient même pas ouvert une information contre X.
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