En Irak du nord, où les troupes turques mènent depuis vendredi soir une incursion terrestre contre les bases arrière de la rébellion kurde du PKK, les bilans s’alourdissent des deux côtés ; ils sont d’ailleurs contradictoires puisque l’armée turque affirme avoir tué 79 rebelles alors que la rébellion ne reconnaît que 2 victimes, quand les victimes turques seraient au nombre de 7 selon l’état-major, mais de 22 selon le PKK. Le PKK qui affirme par ailleurs avoir abattu un hélicoptère turc, ce que ne confirme pas Ankara. Les accrochages se poursuivent en tous cas, annonce l’armée turque, ils sont apparemment violents, et n’indiquent pas une victoire facile, et encore moins définitive.
Pour le chef de la diplomatie turque Ali Babacan, à peine lancée cette opération militaire, la 25e en 24 ans mais la 1e depuis 11 ans, serait déjà un succès, et il ne s’est pas privé d’en féliciter les héros, toujours en train de se battre dans la neige et par -15° dans les montagnes de l’est du Kurdistan irakien. Mais rien n’indique que cette nouvelle incursion atteindra son but, à savoir éradiquer toute présence rebelle en Irak du nord, dans les 15 jours évoqués.
Beaucoup de facteurs pouvaient faire espérer à Ankara que cette intervention constituerait l’estocade finale contre la rébellion kurde, une organisation épuisée car privée de soutien international, et divisée car privée de son leader, en prison depuis 9 ans.
Kendal Nezan
Président de l’Institut kurde de Paris
«La Turquie est déjà intervenue à 24 reprises dans le Kurdistan irakien depuis 1984. Si on n’a pas réglé la question, on ne va pas le faire avec d'autres interventions, c'est là que nous ne comprenons pas le Conseil de sécurité des Nations unies, ni l’Otan, ni l’Union européenne».
L’armée turque est positionnée depuis près de 12 mois à la frontière, et elle a sapé le moral et les infrastructures des Kurdes par trois mois de pilonnages avant d’attaquer au sol pour finir le travail, mais sera-t-il seulement fini ?
Au plan diplomatique, le gouvernement a su obtenir le soutien actif des Etats-Unis et une neutralité bienveillante des Irakiens kurdes ou de Bagdad, ce qui se traduit par l’absence de critiques à cette opération transfrontalière. Mais même avec l’offensive de printemps qui va être lancée en Turquie même, cela ne semble pas devoir suffire à réduire définitivement la menace kurde.