LE MONDE | 08.02.05 | - Bagdad de notre envoyé spécial
L'Alliance kurde devrait arriver en deuxième position dans les résultats du scrutin du 30 janvier, se plaçant ainsi en position d'arbitre dans les tractations politiques à venir.Il faudra encore plusieurs jours avant d'avoir le verdict des élections du 30 janvier en Irak. La commission électorale indépendante (Independent Electoral Commission of Irak, IECI) qui, depuis mardi 1er février, recompte les bulletins de vote, a pourtant pratiquement fini son travail puisque environ 90 % des suffrages ont déjà été comptabilisés. Mais, au risque d'apparaître tatillons, ses responsables ont préféré tout vérifier avant de publier des chiffres complets.
Au fil des résultats partiels annoncés, il apparaît que l'Alliance irakienne unifiée (AIU) a de très fortes chances de passer la barre des 50 %, alors que l'Alliance kurde, qui regroupe les deux principales formations de cette région autonome, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), va non seulement l'emporter haut la main dans les trois provinces qu'elle contrôle, mais, très probablement, arriver en deuxième position au niveau national. Ce qui permettra aux Kurdes de revendiquer soit la présidence transitoire de l'Irak, soit le poste de premier ministre, comme l'a réclamé, le 3 février, Jalal Talabani, du PDK.
Les Kurdes vont, en tout cas, jouer un rôle d'arbitre important dans les tractations pour mettre en place les nouvelles instances dirigeantes du pays. Ils vont en outre peser de tout leur poids dans la rédaction de la future Constitution, qui devra être adoptée avant le 15 octobre. Selon les résultats publiés, lundi 7 février, dans deux des trois provinces du Kurdistan, l'Alliance kurde l'emporte avec 92,8 % des suffrages exprimés, alors que 90 % des bulletins des bureaux de vote de Dohouk et de Souleimaniyé ont été comptabilisés. Il reste encore à connaître ceux de la troisième province, Erbil.
Autre enseignement de ces résultats partiels : l'AIU est en tête dans la province sunnite de Salaheddine, au nord de Bagdad, avec 22,1 % de voix, devant l'Alliance kurde, avec 15 %, et la liste de Ghazi Al-Yaouar, président par intérim, qui obtient 12,7 % des suffrages. Cela, sur un total de 80 % de votes examinés alors que la participation semble avoir été particulièrement faible dans cette province troublée par les opérations de la guérilla.
La situation sécuritaire a également perturbé le déroulement du vote dans le secteur de Mossoul, dans la province de Ninive (nord-ouest du pays). De nombreuses plaintes ont été enregistrées par l'IECI. Celle-ci a dépêché sur place une commission d'enquête afin d'établir les circonstances dans lesquelles des insurgés sont intervenus dans les bureaux de vote pour intimider les électeurs, ainsi que pour recueillir les témoignages selon lesquels des bureaux de vote n'ont pas ouvert ou n'ont pas pu fonctionner correctement faute de matériel électoral suffisant. Le nombre de bureaux de vote a été en effet réduit de 330 à 93 et des localités entières comme Bartila (15 188 électeurs) n'ont pu participer au scrutin. D'autre part, le contenu d'une quarantaine d'urnes n'a pas été enregistré car elles n'ont pas été scellées selon les règles.
Après une accalmie de quelques jours, les attentats ont repris avec une particulière violence, lundi 7 février. Au moins 27 Irakiens ont été tués dans diverses actions de la guérilla. Deux attaques ont été revendiquées par le groupe du Jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui. A Baaqouba (60 km au nord de Bagdad), une voiture piégée a foncé dans la foule devant le quartier général de la police où attendaient des postulants. Onze d'entre eux ont été tués et seize autres ont été blessés. A Mossoul, un kamikaze s'est fait exploser au milieu de policiers venus chercher leur paye. Bilan : 12 morts et au moins 5 blessés.
Michel Bôle-Richard