Le siège du HDP
9 septembre 2015, le siège du HDP, principal parti prokurde, à Ankara, auquel des militants nationalistes turcs avaient mis le feu la veille. Photo Adem Altan. AFP
Liberation.fr
Face notamment à la répression massive qui s'abat sur le Kurdistan turc, l'Egam, mouvement antiraciste européen, lance un appel pour soutenir tous ceux qui luttent pour un Etat de droit.
Pas un jour ne se passe en Turquie sans que celles et ceux qui défendent l’Etat de droit et la démocratie ou qui font partie de minorités ne soient violemment et massivement attaqués par l’Etat. Militants, journalistes, dirigeants politiques, universitaires, enseignants, étudiants, syndicalistes, avocats, magistrats, représentants de minorités… Ils sont harcelés, licenciés, arrêtés, emprisonnés, poursuivis, violentés. A l’est du pays, des villes entières ont été rasées et les populations civiles, essentiellement kurdes, sont martyrisées.
Ce qui est mis en actes, avec brutalité et permissivité, c’est la tentative de mise en place d’un système totalitaire, fruit de l’islamisme et du nationalisme. La guerre, menée par l’Etat contre le mouvement kurde, est tout à la fois une cause, une conséquence et une condition du déploiement de cette tentative de mise en place.
Ce projet totalitaire n’est pas né du coup d’Etat manqué du 15 juillet. Il l’a précédé et l’utilise comme prétexte pour justifier l’accroissement de la tyrannie et de l’oppression. Il ne pourrait se déployer comme il le fait depuis plusieurs années sans la faiblesse de l’opposition de nombreux pays, et le soutien ferme de certains autres.
Notamment, les pays européens restent trop silencieux, afin de ne pas fragiliser les accords, nourris d’un nauséabond rejet de réfugiés qui fuient la misère, la guerre et la mort, qu’ils ont conclus avec Ankara. Pourtant, l’Europe devrait comprendre que la Turquie a intérêt à ce que les réfugiés restent en masse à l’est du pays, et sa dépendance sur la question a drastiquement diminué.
Pour diverses raisons, les grandes puissances ménagent ou font alliance avec un Etat qui est pourtant négationniste et responsable de troubles et de violences de masse. Erdogan peut ainsi déployer une répression féroce en toute permissivité.
C’est parce qu’ils représentent une résistance pacifique à la tentation totalitaire, parce qu’ils sont ceux qui font vivre la démocratie, parce qu’ils se battent pour le respect de l’Etat de droit, que les défenseurs des droits humains sont attaqués en Turquie. Les abattre, comme certains l’ont déjà été au sens propre, ce serait détruire ce qui empêche le système totalitaire voulu par le pouvoir actuel de se déployer totalement. Les soutenir, c’est apporter protection aux populations cibles de la violence de l’Etat. C’est faire vivre en actes une solidarité internationale et un combat universel pour la démocratie.
C’est pourquoi nous exigeons de l’Etat turc, et que les Etats d’Europe et d’au-delà fassent pression sur lui afin d’obtenir :
La fin des violences de masse, en particulier l’arrêt de la guerre menée contre le mouvement kurde, et la reprise immédiate du processus de paix par toutes les parties.
La libération immédiate de tous les militants, journalistes, dirigeants politiques, universitaires, enseignants, étudiants, syndicalistes, avocats, magistrats, représentants de minorités… ; l’arrêt immédiat de toutes les poursuites, illégitimes, de toutes les pressions et menaces à leur encontre, et leur réintégration dans leurs institutions lorsqu’ils ont été licenciés.
La réouverture de tous les médias qui ont été fermés ou dont l’Etat a pris le contrôle, et la garantie de leur travail en toute liberté.
La suppression de l’article 301 du code pénal, qui pénalise les atteintes à «l’identité turque» et à l’Etat turc et qui est utilisé pour poursuivre tous les opposants au pouvoir, ainsi que la suppression de toutes les dispositions légales utilisées pour poursuivre les défenseurs des droits humains et de la démocratie.
Nous appelons les Etats d’Europe et d’au-delà à suspendre les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne ; imposer des sanctions contre la Turquie si elle ne met pas un terme immédiat à la dérive totalitaire qu’elle a enclenchée ; Mettre un terme aux accords conclus relatifs aux réfugiés ; Apporter un soutien massif à la société civile et aux dirigeants politiques de Turquie mobilisés pour la défense de la démocratie et des droits humains, et à la société civile européenne mobilisée en solidarité avec elle.
Nous appelons tous les individus à soutenir la société civile de Turquie et les dirigeants politiques mobilisés pour défendre la démocratie et les droits humains, notamment en participant à des mobilisations en Turquie ; les inviter en Europe et au-delà pour faire entendre leur voix et les soutenir.
Parmi les signataires : Benjamin Abtan, Président de l’Egam, mouvement antiraciste européen, coordinateur du Réseau Elie Wiesel de parlementaires d’Europe pour la prévention des atrocités de masse et des génocides et la lutte contre le négationnisme ; Beate et Serge Klarsfeld, ambassadeurs honoraires et envoyés spéciaux de l’Unesco pour l’enseignement de l’histoire de l’Holocauste et la prévention du génocide, présidents des Fils et Filles de déportés juifs de France (Allemagne et France), Meral Cildir, Vice-présidente de l’Association turque des droits de l’homme ou IHD (Insan Haklari Dernegi) (Turquie); Ayse Günaysu, activiste à l’Association turque des droits de l’homme ; Frank Engel, député européen (Luxembourg).
Ont signé également de nombreux dirigeants politiques et de la société civile d’Europe et d’ailleurs, y compris 124 parlementaires de 25 pays et de tendances politiques variées.