Soldats américains
Sur la base "Prosperity", à Bagdad, des soldats américains (Reuters)
Nouvelobs.com | 13 mars 2009
Lennox Samuels | Traduction française de David Korn
Alors que l’armée américaine prévoit son retrait d’Irak, la menace terroriste, bien qu’affaiblie, subsiste.
Survenu le jour même où officiels irakiens et américains discutaient des détails du plan de retrait des troupes américains, l’attentat suicide de dimanche dernier sur une école de police de l’est de Bagdad démontre la gravité des défis de l’heure. Dans un pays où le chômage est élevé, la promesse d’un salaire de 500 dollars par mois est un puissant facteur d’attraction, et la nouvelle de l’embauche par le gouvernement irakien de 50.000 policiers supplémentaires avait entraîné devant l’école de police la formation d’une longue queue de candidats. Un kamikaze a lancé sa moto dans le groupe et a déclenché sa ceinture d’explosif, tuant quelque 30 personnes et en blessant au moins deux fois plus.
Les commanditaires de l’attentat n’ont pas été identifiés avec certitude, mais il ne fait pas de doute qu’ils cherchent à faire échec au progrès. Pour une majorité d’Irakiens, un remake des affrontements entre Chiites et Sunnites qui ont ensanglanté le pays en 2006 est hors de question. Sera-t-il possible de maintenir une paix relative pendant le retrait des troupes américaines qui, comme l’a ordonné le président Obama, se déroulera sur les 19 prochains mois ? Et qu’arrivera-t-il quand les Américains seront partis ?
Le Major Général David Perkins, porte-parole de la coalition en Irak, pense que l’armée sera en mesure d’exécuter le plan de retrait. L’important, selon lui, est de faire en sorte que les forces de sécurité irakiennes soient suffisamment formées pour prendre le relais. Les échéances fixées par Obama suffisent amplement à entraîner, guider et former les Irakiens, poursuit Perkins. L’intensité des combats inter-irakiens est l’un des principaux critères à prendre en compte, or "les affrontements sur base ethnique ou religieuse ont pratiquement disparu", déclare-t-il.
La violence a chuté de 90 % par rapport au pic atteint voici un an, avec l’arrivée des renforts. Le nombre quotidien d’attaques est passé de 190 à dix ou moins de dix. Et les Etats-Unis ont commencé à réduire leur personnel. Les troupes ont déjà été réduites de 20 %, soit environ 140.000 hommes. Deux brigades supplémentaires, environ 12.000 hommes, seront parties fin septembre, ne laissant que 14 brigades dans le pays. Il est prévu que les troupes de combat se retirent des bases urbaines avant fin juin, et du pays entier avant août 2010, hormis 35.000 à 50.000 hommes qui resteront plus longtemps, supposément aux fins de formation. Un accord avec l’Irak prévoit le retrait de toutes les troupes du pays avant la fin 2011.
L’attentat à la moto de dimanche renvoie à Al Qaeda. Dans l’ensemble du pays, les forces américaines et irakiennes l’ont largement emporté sur le groupe terroriste, mais certaines cellules continuent de résister dans la ville de Mossoul, et dans une certaine mesure, à Kirkouk, ou les Arabes et les Kurdes restent engagés dans une lutte pour le contrôle et l’influence. Al Qaeda est financée de l’étranger, notamment via des donations venant de pays de la région, parmi lesquels Arabie Saoudite, Iran et Syrie. Les forces de la coalition se sont attaquées avec un certain succès aux réseaux financiers d’Al Qaeda, et su réduire le flot de jihadistes étrangers arrivant en Irak.
Du fait de l’efficacité de ces opérations de sécurisation, on suspecte que le kamikaze ait été un employé irakien d’Al Qaeda. L’incident compte parmi un certain nombre d’attaques ciblant des civils, des policiers, ou les centres de recrutement de policiers. Treize personnes ont été tuées la semaine dernière dans un attentat à la bombe à Hilla, à soixante kilomètres de Bagdad, et en décembre, seize sont mortes dans une explosion, tout près de l’école de police visée dimanche. L’école est située dans un quartier de l’est de Bagdad qui abrite également les quartiers généraux de la police et de l’armée, ainsi que le ministère de l’Intérieur, qui supervise la police.
Ces attaques contre la police peuvent être considérées comme de bonnes et de mauvaises nouvelles. Les attentats s’inscrivent dans le cadre d’une campagne visant à saboter ce qui a été baptisé la "construction nationale", et suggère que les responsables d’Al Qaeda ont admis que les forces de sécurité du pays sont de plus en plus performantes — et sont essentielles à cette rénovation nationale. Selon Perkins, les capacités en expansion des forces de police, qui comptent un demi-million d’hommes, et les bonnes nouvelles comme le succès des élections provinciales de janvier, ont amené Al Qaeda en Irak de "cibler les signes d’amélioration". "On comprend d’autant mieux ce qui les dérange — que les gens vivent leur vie normalement, et que les Irakiens prennent leur sécurité en charge", poursuit-il.
Si l’attentat est effectivement le fait Al Qaeda, ce ne serait qu’un parmi les nombreux efforts de déstabilisation mené par le réseau. Se cachant à Mossoul, agissant également à Kirkouk, le groupe tente de plaire aux Arabes en diabolisant les Kurdes, qui considèrent que Kirkouk fait partie du Kurdistan, et sont également influents à Mossoul, considérée comme ville kurde par nombre d’entre eux. À l’automne dernier, les attaques contre les Chrétiens à Mossoul ont été mises sur le dos des Kurdes par des Irakiens dont on pense qu’ils s’agissaient d’agents d’Al Qaeda — et qu’ils en étaient les véritables auteurs.
L’armée américaine prend en compte ces problèmes quand elle doit déterminer quelles troupes retirer, quand, et ou. Perkins indique que les officiers américains exécutant les ordres du président Obama seront attentifs aux "périodes critiques, et au déroulement du retrait des personnels et équipements". Le commandement n’est pas pressé de quitter le gouvernorat de Diyala (où les Kurdes revendiquent des territoires contestés, et qui fait figure depuis longtemps de point chaud), le gouvernorat de Nineveh, ou la ville de Mossoul, où les Américains ont entrepris, au contraire, de renforcer leur présence.
Kurdes et Arabes se disputent les frontières, l’exploitation et la recherche pétrolière et le partage des revenus. Tout ceci doit être compté parmi les "problèmes susceptibles de provoquer une nouvelle spirale de violence" concède Perkins. Parallèlement, Ali al-Dabbagh, porte-parole du gouvernement irakien, certifie pour sa part que les attentats n’affecteront pas les gains déjà obtenus dans la sécurisation du pays. Le gouvernement "étudie la situation, en vue de déterminer si les Forces de Sécurité d’Irak ont pu être infiltrées, et nous allons ensuite colmater les failles que nous aurons trouvées", déclare-t-il. Un souci légitime, quand on voit la façon dont le kamikaze a pu pénétrer aussi près du centre névralgique de la sécurité nationale.